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Dans nos champs depuis quelques années, une guerre assez inédite et sans merci est en train de se jouer. Cette guerre, elle est menée par les agriculteurs et les scientifiques contre un ennemi invasif et redoutable : une mouche venue d'Asie, la Drosophila suzukii. Thread⬇️
La Drosophila suzukii est apparue en France et partout en Europe il y a 10 ans environ. Elle fait partie de la famille des drosophiles qui nous sont familières, celles qui volent au-dessus de nos corbeilles de fruits, et qui se multiplient sur nos aliments pourris.
Sauf que cette drosophile est différente. Les mâles ont des petites taches noires sur les ailes, visibles à l’œil nu. C'est le seul moyen de pouvoir la reconnaître facilement.
Mais surtout, la femelle pond ses œufs dans de nombreux fruits (souvent rouges ou noirs, comme la cerise, la fraise, la framboise, le raisin, la myrtille) lorsqu'ils sont sains et presque mûrs, mais pas quand ils sont pourris comme le font les autres drosophiles.
Elle peut le faire car elle dispose d'une arme que n'ont pas les autres : le bout de son abdomen en forme de scie lui permet de transpercer la peau du fruit et y déposer son œuf.
Et là c'est le drame. Dans le fruit, le ver éclos de l’œuf et dévore la chair à peine mûre. Vous avez peut-être déjà eu la mauvaise surprise de manger une cerise d'apparence normale mais à la chair pourrie voire fermentée... C'est bien elle la responsable.
Pour les agriculteurs les dégâts peuvent être vraiment considérables. En 2018 on a parlé de moitié de récolte perdue dans certains secteurs juste à cause d'elle. Sans compter toutes les cerises perdues dans les jardins partout en France. Dévastatrice. arboriculture-fruitiere.com/articles/techn…
Elle reste toute petite même au stade adulte (elle mesure à peine 3 mm), mais depuis son arrivée, son invasion est incontrôlable. Pour préserver les récoltes, il a donc été entrepris de la combattre.
Et depuis bientôt 10 ans, on est en train de déployer littéralement un véritable arsenal de guerre. Voici un petit tour d'horizon de ce qui est mis en place et attention, c'est impressionnant.
D'abord les traitements des cultures. Grâce à ça on résiste, mais c'est loin d'être gagné : la petite bête se déplace très vite et se reproduit très vite. Il faudrait donc multiplier les traitements insecticides dans les champs, ce qui pose plusieurs problèmes qu'on veut éviter :
Des résidus possibles d'insecticides dans les fruits, des apparitions possibles de drosophiles résistantes aux insecticides, des impacts sur l'environnement... sciencesetavenir.fr/nature-environ…
On s'est donc vite aperçu que cette voie, si elle permet "d'éteindre l'incendie" et sauve des récoltes aujourd'hui, n'apparaît pas comme une solution de protection adaptée en tout point, efficace à long terme et durable. Il faut trouver autre chose.
D'autres modes d'action ont été testés : des répulsifs, du piégeage massif... Mais pour l'instant ils s'avèrent peu faisables ou peu efficaces face aux grandes quantités de drosophiles qui nous envahissent, malheureusement. Jusque-là, la bataille semble mal engagée.
Alors que faire ? Et bien on mise sur un allié : la biodiversité et ce qu'on appelle la lutte biologique. Le principe c'est de trouver un prédateur ou un parasite de cette drosophile, pour nous aider plus naturellement à la combattre.
Pour ça, il faut aller là où elle vit, à l'origine. Une équipe de recherche de l'@Inra_PACA est partie en Asie, tenter de trouver un insecte dit "parasitoïde", capable de réguler naturellement cette drosophile. Et... ils en ont trouvé un ! 🍾@dropsaEU inra.fr/Grand-public/S…
C'est une miniguèpe qui a l'habitude de pondre ses œufs DANS les larves de la drosophile. Attention les enfants c'est un peu "gore" : la larve de cette miniguèpe éclos de son œuf et dévore la larve de la drosophile... de l'intérieur. Ultra efficace.
En France, dans la nature nous n'avons malheureusement pas de petites guêpes similaires capables de la parasiter aussi bien. Les petites guêpes d'ici ne sont tout simplement pas bien adaptées pour attaquer la mouche qui vient de là-bas.
Il faudrait donc importer d'Asie et introduire ce prédateur naturel, en maîtrisant tous les risques écologiques liés. Aujourd'hui des essais en conditions contrôlées sont en cours, et on espère commencer la lutte au plus vite.
Autre arme, les plantes "pièges". Le but est de trouver dans la nature des plantes avec des fruits attractifs pour la drosophile, dont elle ne détecte pas qu'ils sont pourtant toxiques. Une fois l’œuf pondu et le ver éclos, il ne survit pas dans le fruit de cette plante.
Il suffit alors de disposer ces plantes tout autour des parcelles cultivées pour réduire significativement les populations de notre satanée drosophile. Ces travaux sont en cours actuellement dans l'équipe de recherche @UMR_EDYSAN.
Pour contrôler les populations de drosophiles, on imagine aussi de... stériliser les mâles ! Pas de pitié pour les drosophiles suzukii.
Ces techniques ont déjà fait leurs preuves récemment pour contrôler les populations du papillon carpocapse au Canada et du moustique tigre en Chine.


La technique a aussi déjà été mise en place sur moustique en Nouvelle-Calédonie.
lefigaro.fr/flash-actu/pre…
La technique de stérilisation est une technologie qui demande une approche scientifique collective et sociétale pour maitriser tous les enjeux éthiques notamment. pour l'instant ces projets d'étude sont au stade des premiers pas.
arboriculture-fruitiere.com/articles/techn…
A l'origine cantonnée en Asie, cette drosophile est en fait un fléau pour les cultures de nombreux pays européens, américains, et même africains. Cette guerre dont je parle est donc en fait une guerre mondiale.
gd.eppo.int/taxon/DROSSU/d…
Une simple recherche sur ce réseau en tapant "spotted wing drosophila" (c'est son petit nom anglais) et vous y verrez tout un tas de communications sur des études menées partout dans le monde concernant cette mouche.
twitter.com/search?q=spott…
Ce sont donc des équipes de recherche sur toute la planète qui travaillent en même temps, dans cette lutte. C'est historique : la diversité, la synergie, l'excellence de ces travaux de recherche sont une formidable nouvelle pour espérer trouver des solutions rapidement.
Si elle savait cette petite bête tout ce qu'on fait pour elle ! Ou contre elle plutôt. Le temps, l'énergie, les moyens investis, pour tenter de nous sortir du pétrin, nous jardiniers, nous agriculteurs, nous mangeurs de fraises et de cerises.
On ne l'éradiquera sans doute jamais en France, c'est illusoire maintenant qu'elle est installée. Les solutions de lutte vont, on espère, maintenir les populations à des niveaux bas, non nuisibles. En attendant il faut continuer de résister ! (Merci d'avoir lu jusqu'au bout !)
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