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Je ne sais pas vraiment quelle part le réchauffement climatique a dans les incendies en Australie, mais je vais vous expliquer comment le risque peut être mitigé, avec l'exemple de la Corse.

Thread improvisé sur sujet brûlant.⬇️⬇️

(image @ANRfirecaster)
J'ai grandi dans la zone de Corse la plus frappée par les incendies, la Balagne.

Les années 80, en Corse, c'est 120 000 hectares brûlés, sur 870 000. Les années 2010, c'est dans les 20 000. 6 fois moins.
Malgré le changement climatique, qui nous frappe aussi, faut pas croire.
La chance ?
Non, un gros travail. Pas toujours parfait, loin de là, mais un travail à plein de niveaux : prévention, surveillance, intervention, et un programme de recherche à l'Université.
Dans les années 80 ont été créés des comités feux de forêt. Pas mal de villages ont monté une équipe de bénévoles, connaissant parfaitement le terrain, qu'on a équipés avec du petit matériel et entrainés à l'intervention rapide.

corsenetinfos.corsica/Le-Comite-Feux…
Dans les périodes à risque, leur mission est d'assurer une surveillance constante, nuit et jour, et d'intervenir immédiatement sur les départs de feu.
Et hors saison, ils participent à des actions de prévention.
facebook.com/ccff.speluncat…
A plus grande échelle, les autorités créent des pare-feux dans les zones sensibles.
Par exemple les zones à faible activité agricole, avec de grosses portions de maquis.
Parce que l'une des raisons des incendies catastrophiques des années 70-80 en Balagne, c'était la déprise agricole.
La situation s'est bien améliorée depuis, et les exploitations agricoles rajoutent des zones pare-feu substantielles.
En montagne, les forêts sont parcourues de pistes "défense contre l'incendie", et parsemées de réservoirs, permettant aux forestiers et pompiers d'intervenir, en prévention ou en intervention (et malgré ça, c'est pas facile).
Et toujours en montagne, la prévention est complétée par des brûlages dirigés, permettant de réduire la biomasse sur les zones stratégiques (crêtes, certains sous-bois...).

haute-corse.fr/site/index.php…
A l'approche des habitations, la loi impose une zone de 50m débroussaillée (pas qu'en Corse, et pas assez respectée), ce qui évite de perdre des dizaines d'habitations à chaque feu.
Une ville entière qui brûle en Californie, c'est un problème de prévention, pas de climat.
Et @UnivCorse a tout un programme de recherche sur les incendies.

universita.corsica/fr/focus/feux/
Avec une mention spéciale à @ANRfirecaster et leurs modélisations.

Et bien sûr, tout ça est appuyé par une force d'intervention, au sol et avec des moyens aériens, bien plus conséquente que dans les années 80, mais qui ne pourrait pas grand-chose si nous avions le genre de situation qu'on trouve en Australie...
Où l'on a des surfaces immenses de forêt/bush, qui se sont accrues ces derniers temps, et se sont probablement densifiées, ce qui vient ajouter au problème du climat et rend leur situation très compliquée.

Ils ont des zones gigantesques de végétation continue, sans population, et je ne sais pas comment ils peuvent gérer ça, mais il ne semblait y avoir aucun aménagement dans les zones qui ont récemment brûlé.
Pour avoir vu beaucoup de feux, déjà quand ça brûle sur quelques centaines d'hectares de ce genre de végétation dense et continue, avec du vent, c'est inarrêtable de front, alors dans une telle situation, changement climatique ou pas, ça me semble quasiment ingérable.
Le changement climatique est susceptible de compliquer les choses, notamment en allongeant la saison à risque. On a eu 3 feux >1000ha ces dernières années hors saison (fin octobre 2017, janvier 2018 et février 2019).

Un exemple de modélisation de @ANRfirecaster à destination des services incendie, ici lors de cette situation exceptionnelle d'hiver avec vent particulièrement violent et gros effet de foehn.

@ANRfirecaster Je le disais plus haut : face à un incendie puissant, on ne peut pas le combattre de front. On travaille donc à l'empêcher de s'élargir, en attendant que la tête de feu arrive dans une zone gérable (ici, un pare-feu).
Modélisé ici par @ANRfirecaster :

Mais pour l'empêcher de s'élargir, encore faut-il pouvoir accéder à la zone, et disposer d'espaces sûrs pour les pompiers au sol, même si les moyens aériens font le gros du travail d'atténuation du feu.
Mes autres threads fumeux, terreux, laiteux, évolueux sont par ici, si jamais ça vous intéresse :

Précisions sur les conditions climatiques en Australie, qui ont été effectivement exceptionnelles. Ce qui n'enlève rien aux problèmes d'accumulation de biomasse et de limitation des moyens de prévention. L'ensemble s'est probablement cumulé.

On nous signale que stricto sensu, il ne faut pas parler de pare-feu, mais de zones d'appui à la lutte, permettant aux moyens de lutte de rester protégés, les zones ne stoppant pas le feu par elles-mêmes.
Ce que je disais un peu là :

Je vais encore me faire taper, mais je dois dire que ce genre de visuel me pose problème : on dirait que les incendies représentent une part énorme du territoire australien.
6 millions d'ha brûlés cette année, c'est moins de 1% de l'Australie, en fait.

Je poursuis un peu ma réflexion, j'espère que je vous embête pas trop.
En Corse, niveau incendies, quand on a vécu notre grosse crise des années 70-80, on était assez pauvres et très ruraux.
Quand on subissait des incendies, on ne comptait pas trop sur les pompiers.
Quand le feu approchait du village (des feux sérieux de plusieurs milliers d'hectares, des rafales à 100km/h), tout le monde se battait contre, avec ce qu'on avait. Seaux, pelles, branchages...
On a eu 4 gros feux, 76, 85, 89 et 92, on n'a jamais évacué ni perdu une seule maison.
Il y avait un vieux, M. Tarchini, dans une maison isolée, en bas dans la plaine, en plein couloir d'incendie. Il n'a jamais quitté sa maison. Il l'a toujours défendue.
Il y avait cet esprit-là, ça nous semblait juste normal.
C'est sans doute pour ça que les comités communaux ont bien marché. L'attachement viscéral au lieu, et l'habitude de faire avec les moyens du bord.
Là, un pick-up avec une petite citerne et un motopompe, c'était juste le moyen d'avoir une équipe plus spécialisée et performante.
En revanche, une bonne part de ces incendies étaient criminels. Et c'est toujours valable aujourd'hui. C'est peut-être le point où on a le moins progressé.
Criminels au sens propre. Le 25 août 1994, Serge Martinelli, du village voisin du mien, a payé de sa vie son engagement pour sa terre, à 23 ans.
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