Le glissement entre l'analyse historique d'un document, ou un document historique tout court, et la lecture biaisée qu'on peut en faire est toujours sujet d'étonnement pour moi.
Thread de réflexions personnelles sur la relation entre historiens et récepteurs de nos travaux.
Thread de réflexions personnelles sur la relation entre historiens et récepteurs de nos travaux.
La première fois que j'ai eu à l'affronter, argumentativement parlant, c'était en 2002. Un obscur document mentionnait qu'une femme seule, probablement veuve, résidant dans une campagne normande, avait vu sa maison envahie par un type en armes et saoul.
Sauf que la dame, face au gros con, ne se laisse pas démonter.
Le texte ne dit pas comment, mais il est fait état de la mort du dit soudard, tué par sa propre épée.
Le texte ne dit pas comment, mais il est fait état de la mort du dit soudard, tué par sa propre épée.
Et là, par un miracle que je ne m'explique toujours pas, un pratiquant de reconstitution médiévale a interprété le texte ainsi : la jeune veuve était formée aux arts martiaux, a désarmé le soldat et l'a tué avec sa propre épée.
L'explication est physiquement possible. Mais franchement, la faire coller à la source revient à remplir les trous de manière très orientée. Voire totalement gratuite.
Je vois où est le biais, hein, mais il est ENORME. Trop pour ne pas faire sonner toutes les alarmes.
Je vois où est le biais, hein, mais il est ENORME. Trop pour ne pas faire sonner toutes les alarmes.
Ces biais, je les fréquente depuis, quasi automatiquement.
Un maître d'armes raconte, dans son traité d'arts martiaux, qu'il s'est battu trois fois en duel sans armure dans sa vie, qu'il a flippé sa mère parce qu'il a cru qu'il allait crever et qu'il faut METTRE UNE ARMURE ?
Un maître d'armes raconte, dans son traité d'arts martiaux, qu'il s'est battu trois fois en duel sans armure dans sa vie, qu'il a flippé sa mère parce qu'il a cru qu'il allait crever et qu'il faut METTRE UNE ARMURE ?
Ça se transforme aujourd'hui en " les maîtres d'armes de cette époque voyageaient partout et défiaient chaque combattant pour parfaite leurs talents martiaux".
Un bushi japonais en musha shugyō (une sorte d'errance chevaleresque). SANS AUCUNE PREUVE.
Un bushi japonais en musha shugyō (une sorte d'errance chevaleresque). SANS AUCUNE PREUVE.
Les communautés bourgeoises médiévales se regroupent en confréries d'armes pour renforcer la camaraderie, mais aussi jouer, se représenter en situation de pouvoir, ramasser du pognon ?
Comme raconté ici
Comme raconté ici
Dans une oreille contemporaine, cela devient parfois "Les bourgeois se regroupent pour se préparer à la GUERRE !!!!!!"
Je comprends bien que le cadre socio-culturel de réception tend à modeler les représentations du passé.
Mais comment passe t'on de probabilités à une certitude ?
Comment passe t'on d'un discours A à un discours -A ?
Mais comment passe t'on de probabilités à une certitude ?
Comment passe t'on d'un discours A à un discours -A ?
Est ce qu'on loupe un truc, quand on fait de la médiation sur l'histoire médiévale ? Et comment corriger ça sans répéter 50 millions de fois la même chose, jusqu'à en avoir tellement marre qu'on fait des montées de tension ?
