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La femme lambda au temps des cathédrales : la maîtresse de maison, queen du Medieval way of life

4e fil, suite de notre thread ⤵️

Ce qu’on appelle depuis le XIXe siècle la « femme au foyer » se dit également la « maîtresse de maison ». Maîtresse, comme maître, est celle qui gouverne. Celui qui gouverne est celui qui organise.

Contrairement aux gynécées ou aux harems, elle partage la vie de famille en étant chargée d’une responsabilité centrale.

Elle est effectivement la « femme au foyer » : le foyer est ce lieu de chaleur et de nourriture qui permet à la famille de vivre et de se tenir au chaud, le cœur du nid s’il on peut dire.

« Foyer » vient de focus, en latin, le « feu ». Focus, c’est aussi le centre de l’attention, bien sûr, donc le centre tout court. Par ailleurs, on appelle les groupes familiaux fiscaux des « feux » sous l’Ancien Régime.

En effet, au Moyen Âge apparaît... la cheminée ! Celle que nous connaissons aujourd’hui, avec un conduit. Dans une société où le chauffage est inexistant à part près du feu, inutile d’insister pour comprendre que le foyer est le cœur de la maison.

Alors que l’homme est le spécialiste des travaux des champs (mais la femme l’aide largement), du soin du gros bétail, de la forge et du moulin, la femme domine désormais un espace : le foyer.

Une révolution technologique a en effet débarrassé la femme d’un travail ancestral — et pénible — consistant à écraser le grain à la main : le moulin.

Il s’agit particulièrement du moulin à eau, généralisé en deux siècles, capable de fournir en une heure le travail équivalent de 40 esclaves de l’Antiquité : 150 kg de grain.

Autre invention géniale : l’attelage des chevaux, leur permettant de tirer dix fois leur poids par les épaules, donc sans s’étrangler avec des poids bien moindres comme pendant l’Antiquité.

Ces deux inventions débarrassent la femme d’une partie non négligeable de son aide dans les travaux extérieurs.

D’autres inventions lui facilitent la vie au foyer : l’usage du verre à vitre, laissant mieux pénétrer la lumière du jour (réservé aux gens aisés), le miroir de verre (remplace le métal poli), le savon dur (remplace la pâte savonneuse), l’usage du bouton fermé pour les vêtements.

L’historien Robert Fossier, dans un colloque tenu en 1976, explique, presque en ces termes, que la femme médiévale apparaît au centre de la famille et de la maison, qu’elle est le « noyau sans lequel ces cadres n’existeraient pas, cheville ouvrière de toute cette construction ».

Il ajoute : « alors qu’il est évident que c’est la maison qui forme la cellule essentielle de la vie, si, comme il est certain, la femme y règne, c’est bien elle et non l’homme qui occupe le centre de la société ».

Rappelons que la société, ce n’est pas le pouvoir : la société est le groupe organisé des êtres humains, et le pouvoir est l’affaire d’à peine 1% des membres de la société médiévale (et actuelle, d’ailleurs).

Tout cela demeure considérations théoriques. Le quotidien rural médiéval, comme aujourd’hui sans doute, est éreintant et prend tout le temps des paysans, hommes comme femmes, à des tâches différentes.

(Dans Une vie cachée, de Terrence Malick, au-delà de l’histoire éblouissante qui est bien plus importante, on observe des paysans — du XXe siècle ! — trimer H24 ; cela en dit long sur le détachement et le don de soi de ces gens)

Contrairement à une idée reçue, la base de l’alimentation est davantage la viande que le pain ; le vendredi (notamment), on observe chrétiennement l’abstinence de viande, pénitence par excellence d’une société qui en consomme régulièrement.

Les femmes médiévales sont les gestionnaires de trois domaines en particulier : la cuisine, la santé et l’hygiène (déjà des ouvrages écrits par des femmes concernant la diététique ou la gynécologie).

Autre idée reçue à battre en brèche : l’hygiène, justement. Le bain des gens de l’époque était régulier aux XIIe-XIIIe siècles, bien plus qu’aux XVIe-XVIIe siècles (je ne puis résister à la citation écrite d’Henri IV à l’une de ses maîtresses : « ne te lave pas, j’arrive ! »).

Ces bains se prenaient chez soi, dans sa chambre, aux bains publics ou aux étuves, ouverts chaque jour sauf le dimanche et jours de fête, et dont on connaît même les tarifs : 2 deniers le bain de vapeur, 4 pour le bain d’eau tiède.
Ambiance détendue ci-dessous

Les femmes, à propos d’hygiène, écrivent aussi des traités de beauté, comme L’Ornement des dames, par exemple.

Ces artifices, ces « mensonges visuels », font rager un évêque de Rennes du XIIe siècle, Étienne de Fougères, qui ne mâche pas ses mots :

La propreté est un fondamental, avec une toilette quotidienne assez complète ; et s’il faut attendre le XIXe siècle pour voir les premières brosses à dents, les dents doivent tout de même rester « écurées, fourbies et frottées » ☝️

Les femmes soutiennent leur poitrine avec un voile ou des bandelettes ; elles portent, comme les hô, une chemise de toile ; par-dessus, elles mettent une sorte de corset piqué, puis enfilent la cotte, ajustée par laçages.

Ensuite, elles enfilent le surcot, corsage sans manches et jupe traînante, puis le mantel (manteau), souvent rond, tenu par une agrafe, parfois fendu sur le côté ; mais ce n’est pas tout !

Le manteau est recouvert d’une chape longue, munie d’un fermail ou d’une pièce d’orfèvrerie (là, on parle de celles qui ont de quoi).

L’idéal de beauté féminin est la plupart du temps le suivant : une peau la plus claire possible, des cheveux blonds et longs ; bref, il faut avoir l’air d’un ange descendu du ciel. D’où la pâleur pas forcément à la mode ajd des représentations de l’époque

La beauté féminine inspire les hommes du Moyen Âge, comme Guibert de Nogent, y voyant « le miroir direct et immédiat, quoique imparfait et périssable, de l’infinie et immuable beauté de Dieu » (Pernoud) : le « symbole, signe, image de l’invisible beauté de Dieu » (Nogent).

Nous parlerons fort logiquement (u_u), donc, de l’amour courtois lors du prochain fil de ce thread. 💕 Merci pour vos lectures !