Thread by @AlexArchambault

Le Twitter expert qui aime bien bitcher à longueur de journée sur l’état du réseau aérien d’Orange en rural (en mode salauds d’actionnaires ultra-turbo-capitaliss qui refusent l’entretien des zones non rentables tuant nos campagnes), j’en ai une bien bonne pour toi. #Thread

Déjà, un petit rappel historique. Non, contrairement à une croyance répandue dans le Twitter collectiviste, le déploiement des télécoms n’a pas été financé par l’impôt, mais par ce qu’on appelle un budget annexe, financé par recettes d’exploitation et, horreur, marchés financiers

Le Twitter soviétique serait bien inspiré de jeter au coup d’oeil aux budgets annexes qui se sont succédés de 1924 à la privatisation de 1997. Avec une réalité historique : c’est la main invisible du marché qui a sauvé le réseau à partir de la fin des années 1960

Sur la genèse du budget annexe (en gros, un truc distinct du budget général de l’Etat, et prié d’être à l’équilibre et idéalement excédentaire pour au cas où ça tourne mal, oui, je sais, un truc de dingue qu’on a plus connu dans le général depuis 1975) je renvoie à ceci #MustRead

Sinon, oui, je sais, voir écrit « la loi stipule » dans un rapport législatif, ça peut piquer les yeux. Mais que voulez-vous, les Sénateurs, ce sont des vrais punks, surtout quand il s’agit de Gérard Larcher senat.fr/rap/r95-260/r9…

Et dernière petite précision, il y a une petite brèche dans le financement de l’infra. A partir des années 60, les collectivités ont été priées par les préfets de ne pas mettre de bâtons dans les roues de l’administration, voire même de contribuer localement au cas par cas

Indirectement sous forme de mise à disposition de terrains, bâtiments. Directement sous forme de financement des infras déployées localement ou dans certains cas réalisation d’infras rétrocédées gratuitement à la DGPT.
C’est ce qu’on appelle les Acquisitions à Titre Gratuit (ATG)

Les ATG, ce sont environ 1/5eme des unité d’oeuvre de la boucle locale. Mais attention, l’infra dont a hérité gratuitement pour pas un rond (et sans frais de mutation, quoi, qui a dit aide d’état ?) FT/Orange en 1996 ne saurait se cantonner à la seule BL

A ce stade, nouvelle petite précision : compte tenu de son caractère stratégique, les infras télécoms ont fait l’objet d’une domanialité exclusivement nationale, contrairement aux autres réseaux qui appartiennent aux collectivités

Donc « ouin ouin, regardez ce que fait le grand méchant capital vendu à la finance apatride des réseaux déployés avec nos impôts », allez-y mollo, la desserte de commune à commune en rural, c’est pas nécessairement de la boucle locale

Tout comme le «regardez ce que ça donne le bazar de la fibre & 4/5G lorsque c’est déployé par les opérateurs, j’te nationaliserai toussa et en 3 ans c’est réglé», pareil, mollo.
Regardez ce qu’écrivait l’Etat-stratège plein de bonnes intentions en 1930 sur… le service universel

Pour la petite histoire, il faudra 50 ans (ok, avec au milieu une guerre infligeant de très lourds dégâts) et l’appel au secours du grand méchant capital pour y parvenir. #JDCJDR

Mais revenons à nos poteaux voulez-vous. Si les liaisons longue distance étaient le plus souvent en souterrain (avec des câbles à enveloppe de plomb directement posés en pleine terre), l’aérien restait privilégié pour la desserte départementale / locale

Déjà éloignez @florencemehrez du Twitter (ou montrez-lui des photos de Cassis) à la vue de la dernière photo qui vous mènerait aujourd’hui tout droit en correctionnelle : travail en hauteur, non casqué, simple ceinture de rappel en cuir qui peut se rompre = chute mortelle

@florencemehrez Tout comme en milieu parisien, le raccordement d’abonnés était une activité à très haut risque sanitaire, réalisée dans les égouts sans dispositif de protection (ici opération de soudure à l’acétylène sur un câble à enveloppe de plomb, éloignez l’inspection du travail)

A l’origine, et jusqu’au milieu des années 60, les poteaux étaient en bois. Problème, même avec la meilleure des volontés et traitements qui vont bien, les fondations de poteaux en bois ne résistent pas aux outrages du temps

On commence alors à tester d’autres matériaux. On a même une parcelle du CNET à Lannion qui va se spécialiser pour ça, en se prenant en pleine face tempêtes et intempéries (image rare d’une acalmie, les pelouses cramées, c’est parce qu’ils arrosaient au chouchen)

Et c’est alors que les experts sont formels, pour remplacer les poteaux qui commencent à flancher, et pour tenir les cadences du plan Delta-LP (le plan de rattrapage à marche forcée du retard téléphonique sous Pompidou / Giscard), rien ne vaut l’acier galvanisé

Sauf que patatras, levée de boucliers des élus locaux qui entonnent l’hymne de nos campagnes et qui, pour flatter les écolos (ainsi que la filière bois) exigent le démantèlement de ces horreurs et le retour des bons vieux poteaux de bois
senat.fr/comptes-rendus…

Notez d’ailleurs que tout monopole qu’il était doté de prérogatives de puissances publiques, il fallait encore 8 mois *en moyenne* pour obtenir un raccordement téléphonique. A méditer par celles et ceux qui pensent, depuis leur canapé, fibrer un abonné en 48h tout partout

Les écolos de l’époque étaient de la partie, pas tant en raison du bilan carbone de l’acier galvanisé, mais parce que les poteaux acier galba étaient creux, et constituaient un piège mortel pour les oiseaux

Bref, le lobbying des élus locaux (qui nationalement sont les 1ers à chouiner sur la mauvaise desserte, rassurez-vous, en 40 ans cela n’a pas changé) finit par prospérer. Giscard s’émeut de la situation. C’est pas comme s’il y avait des législatives qui s’annonçaient délicates

Giscard finit par faire plier le DGT de l’époque, un certain Gérard Théry (oui, celui des autoroutes de l’information en 1994 vie-publique.fr/sites/default/…), sommé d’interdire les poteaux en acier galvanisé

Ce qui est fait par une décision (dont je recherche la trace) du DGT en date du 30 août 1978, interdisant à compter du 1er septembre 1980 la pose de poteaux en acier galvanisé. Finalement, l’interdiction ne vaudra qu’à partir du 1er janvier 1981, et hors agglomération

Et voilà que depuis 1981, tous les poteaux remplacés hors agglo l’ont été en bois. Avec une durée de vie dont on savait qu’elle ne dépasserait pas les 35 ans, 40 ans au mieux, mais l’intendance, ce n’est pas le problème des élus qui aiment bien jouer avec l’argent des autres

Pour vous situer, les poteaux supportant les câbles télécoms, il y en a environ 18 millions, dont 13 en propre chez Orange (les 5 autres sont des poteaux Enedis mutualités avec d’autres réseaux). Pas le genre d’infra qui se change en un claquement de doigts

D’autant plus que les règles d’intervention en voirie n’ont plus rien à voir avec ce qui se faisait à l’origine, ou il y a encore 30 ans

Bref, toi, oui toi élu d’une collectivité en zone rurale qui une fois au Sénat ou à l’Assemblée Nationale penses flatter ta circo en bitchant sur l’état (objectivement préoccupant) des supports aériens Orange, pose-toi les vraies questions sur les choix imposés par tes ainés.

Pour finir, ma préférée. Le binôme de lignards la clope au bec. Quelque part les hussards de notre République. Respect infini à eux.

Bonus, à l’intention de celles et ceux qui pensent, parfois légitimement, qu’une bonne vieille nationalisation est la solution à tout.

Voici ce que l’Etat jacobin exigeait pour pouvoir raccorder une nouvelle commune au téléphone. #TheEnd

#YaPot