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Juste une réflexion sur #Jaccuse. Les défenseurs de Polanski semblent avoir oublié d'où vient le titre du film et ce qu'était au fond cette tribune de Zola, "J'accuse...!" . Et le storytelling Polanski a renversé de façon ahurissante le sens profond de cette histoire.
Sa critique des faiblesses et des fautes impardonnables de la justice française le conduit à une forme de désobéissance civique : puisque justice n'est pas rendue, il choisit une tribune publique, populaire pour interpeller le pouvoir.
Zola, c'est une voix qui tonne contre les puissants. C'est la voix d'une vérité qui se libère. Ecoutons-le et demandons-nous qui dirait ce qu'il dit aujourd'hui.
"La vérité est en marche et rien ne l’arrêtera. C’est d’aujourd’hui seulement que l’affaire commence, puisque aujourd’hui seulement les positions sont nettes : d’une part, les coupables qui ne veulent pas que la lumière se fasse...
de l’autre, les justiciers qui donneront leur vie pour qu’elle soit faite. Je l’ai dit ailleurs, et je le répète ici : quand on enferme la vérité sous terre, elle s’y amasse, elle y prend une force telle d’explosion, que, le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle."
Zola se met hors la loi et le revendique. Il liste ceux qu'il considère comme coupables dans cette affaire, sans qu'aucune décision de justice ne lui permette de le faire, parce qu'il est convaincu de la vérité des faits . Il défend un innocent, il accable aussi des coupables.
"J’accuse le lieutenant-colonel du Paty de Clam", "J’accuse le général Mercier", "J’accuse le général Billot", "J’accuse le général de Boisdeffre et le général Gonse", "J’accuse le général de Pellieux et le commandant Ravary" enchaîne Zola dans un véritable réquisitoire.
"En portant ces accusations, je n’ignore pas que je me mets sous le coup des articles 30 et 31 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881, qui punit les délits de diffamation. Et c’est volontairement que je m’expose."
Zola sera d'ailleurs, après maintes péripéties judiciaires condamné à un an de prison et 3.000 francs d'amendes. Pour avoir dit la vérité, face à ceux qui avaient le pouvoir et étaient prêt à tout pour la faire taire.
Ses adversaires le conspuèrent, l'accablèrent, le dépeignirent en agent de l'étranger. On ne parlait pas encore de "tribunaux populaires", et, mâle privilège, il échappa à l'accusation d'hystérie.
Peu lui importait au fond. Son but était politique. Il voulait sortir l'affaire du traitement judiciaire qui avait permis tous les manquements. Il réussit d'ailleurs son opération : l'article fait l'effet d'une bombe, bouscule les certitudes et relance l'affaire.
Celles qui sont dans la lignée de Zola aujourd'hui, ce sont celles qui dénoncent et qui se lèvent. Pas ceux qui veulent imposer le silence sur les injustices et les violences.
J'ajoute un mot. Je suis toujours décontenancé quand des militants de gauche font une confusion entre le droit, ses règles, leur application (qui sont le fruit d'un rapport de force social à un moment donné) et la justice, pas comme institution mais comme principe.
Le fait que l'institution judiciaire ait pris ou non telle décision à un moment donné ne rend pas une situation juste. Des lois, des procédures, des pratiques sont faites pour être changées si elles ne permettent pas de faire face aux violences, à l'injustice à l'arbitraire.
L'esclavage a été légal. Le viol conjugal n'était pas sanctionné jusqu'à l'évolution de la définition du viol dans les années 80, une évolution de la jurisprudence en 1992 et il a fallu attendre 2010 pour que la présomption de consentement entre époux disparaisse.
C'est bien parce qu'il y a eu des colères, des révoltes, des actions, des militantes et des militantes et pas des frileux comportements notariaux se réfugiant derrière des "oui, mais la Justice dit que" que le droit a évolué.
C'est bien parce que certaines ont réussi à politiser les violences et les sortir de la sphère privée et des cas individuels, tellement pratiques pour garder la tête dans le sable, que nous avons avancé.
Ces lois ont voulu dire à un moment donné que des esclavagistes ont pu agir et que des maris ont pu violer légalement. L'institution judiciaire n'est pas parfaite et elle se base sur un droit imparfait.
Cette imperfection, qui est au cœur de la récupération de Dreyfus et Zola par Polanski, qui vaut pour les USA comme pour la France et pour tous les systèmes ne concerne pas que l'innocent condamné. Elle concerne aussi la victime oubliée et le coupable impuni.
L'Affaire Dreyfus, c'est aussi la trop longue impunité de coupables protégés par leur statut, leur rapport au pouvoir, leur puissance sociale.
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