[thread #Vajont] épisode 4
Pendant que l'eau s'élève dans le barrage, les interrogations sur la faille sur le Mont Toc (à gauche sur l'image) se multiplient...
Pendant que l'eau s'élève dans le barrage, les interrogations sur la faille sur le Mont Toc (à gauche sur l'image) se multiplient...
Le fils de Semenza, géologue, rend son rapport. Et il a travaillé sérieusement. Il arrive à peu près aux mêmes conclusions que Muller et se rend compte que l’eau pourrait accélérer le processus d’éboulement de cette gigantesque zone qu’il estime à environ 200 millions de m3.
Il en explique même l'origine : il s'agirait d’un éboulement datant probablement de la préhistoire qui se serait tassé sur le fond de la vallée, selon un plan de glissement malheureusement très difficile à déterminer.
Pendant des milliers d’année, cet éboulis a obstrué la vallée avant d’être percé par le torrent Vajont qui a creusé année après année des gorges impressionnantes pour aller se jeter dans le Piave plus bas.
Coupé en deux par le torrent, un côté est resté posé de façon peu cohérente avec le Mont Toc, et de façon assez instable. Cette vallée présente du coup une variabilité géologique assez remarquable. Et cela aurait pu rester ainsi pendant des milliers d'années... À moins que...
"À moins que quoi ?" l'interrompt-on pendant la réunion de la Sade où il présente ses conclusions ? “A moins que quelqu’un vienne lui baigner les pieds avec un lac” répond-il...
Le 2 décembre 1959, en France, le barrage du Malpasset à Fréjus cède. 423 morts sur la côte d’Azur. D’un point de vue technique, c’est une infiltration d’eau sous les trop faibles fondations du barrage qui a fait perdre à l’édifice sa stabilité et qui l’a fait exploser.
Comme un bouchon de champagne qui n’est plus retenu. Rien à voir avec le Vajont, qui comporte plus de 1000 points de fixation dans la roche, se rassure-t-on à la Sade. Mais le climat est franchement oppressant dans la vallée.
Semenza se pose des questions, mais ce qui compte, c’est de livrer ce barrage, le chef d'œuvre pour lequel il a travaillé 30 ans de sa vie. Il invite son fils à faire "relire" son rapport par le vieux Dal Piaz. Après tout, pourquoi le jeune aurait-il raison contre l’expérimenté ?
L’eau remplit, semaine après semaine le barrage. Les habitants voient leurs maisons noyées et se mettent à repêcher tout ce qui peut l’être à partir de barques. La Sade voit ce ballet d’un mauvais oeil et produit un texte typiquement vénitien : une interdiction de naviguer.
Les perspectives d’une nationalisation se faisant plus concrètes, la Sade fait le forcing et accélère les essais à rentabiliser l’ouvrage. Elle obtient l’autorisation de monter l'eau à 660m, sans avoir préalablement vidé le barrage pour vérifier l'état des installations.
Vers 650m, l’eau se met à lécher les pieds de la zone “fragile” du Mont Toc. Les montagnards se mettent alors à remiser leurs barques. Ils s’inquiètent de bruits, de traces jaunâtres dans l’eau. Et après une semaine de déluge, le 4 novembre 1960, un éboulement se produit.
La vague reste mesurée. L’éboulement est limité. Mais il creuse encore plus la faille sur le mont Toc qui devient très largement visible, et que Tina Merlin évoque dans la presse. Semenza fait venir ses géologues. Muller parle d'un processus d’éboulement "irréversible".
Alors que faire ? Les équipes de la Sade en viennent à la conclusion qu’il faut contrôler cet éboulement et le faire tomber. Pour cela, il faut vider le lac afin d’éviter une vague incontrôlable qui pourrait endommager le barrage.
Mais il faut tout de même conserver la possibilité de stocker l'eau! Et si le but de la Sade n’est pas de faire un lac pour faire un lac, il faut tout de même que de l’eau puisse faire tourner les turbines même dans le cas où de la terre viendrait couper le lac en deux.
La décision est donc prise de construire un “By-pass” une sorte de siphon reliant sous terre les deux parties du lac situées de part et d’autre de la zone d’éboulement potentiel.
La Sade va consacrer 1 milliard de Lires et 7 mois de travaux à la réalisation de cet outil destiné à sauver la pérennité du barrage dans le cas d’un éboulement qui couperait le lac en deux. Sans se préoccuper outre mesure des conséquences sur la vie des habitants.
Après tout, se dit la Sade, un tunnel à travers la montagne est censé évacuer les éventuels trop-plein d’eau, Erto et Casso ne risquent pas grand chose.
Le 17 novembre 1960, la commission revient sur le site, réalisant (enfin) que quelque chose ne tourne pas rond.
Le 17 novembre 1960, la commission revient sur le site, réalisant (enfin) que quelque chose ne tourne pas rond.
Mais Penta, le chef de la commission continue de privilégier l’hypothèse d’une faille “superficielle”. Dans le doute, la Sade fait installer des repères lumineux sur la zone incriminée afin de pouvoir “suivre” les mouvements éventuels de terrain, de jour comme de nuit.
Le 30 novembre, accusée par la Sade de "#fakenews" avant l'heure, Tina Merlin est relaxée à Milan suite aux photos de la faille et aux témoignages des habitants qui dénoncent fissures, tremblement de terre, bruits sourds et préoccupants…
L’opinion publique commence à se rendre compte que quelque chose ne va pas. Malgré les réponses rassurantes du ministère, le président de la province, Da Borsa, démocrate-chrétien est très préoccupé d’apprendre sur quoi la et Sade et Rom font travailler l’Université de Padoue.
Ce n'est qu'une maquette. Mais quelle maquette !
Elle est destinée à simuler et évaluer un éboulement dans le lac. Il n'en saura pas plus. À chaque fois qu’il va à la pêche aux informations, il fait chou blanc. Les hommes de la Sade sont partout. Un “Etat dans l’Etat” dira-t-il.
Elle est destinée à simuler et évaluer un éboulement dans le lac. Il n'en saura pas plus. À chaque fois qu’il va à la pêche aux informations, il fait chou blanc. Les hommes de la Sade sont partout. Un “Etat dans l’Etat” dira-t-il.
L’hiver 61, glacial, voit la situation se stabiliser. La faille ne progresse plus. Dal Piaz avait sans doute raison ! Dans le doute, on a quand même construit le “by-pass” après avoir vidé le lac. Sans aucune autorisation. Les ouvriers ne comprennent pas ce qu’on leur fait faire.
Ils s’en inquiètent. Tina Merlin publie un article évoquant un risque d’éboulement de 50 millions de mètres cubes. L’hiver et ses gelées salvatrices se retirent, l’été approche. On a finit les travaux du bypass et la Sade veut remplir à nouveau le barrage.
Le récit continue ici
