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Ze Vincent Benard @vbenard
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#Thread À la demande de quelques uns, un petit #Thread sur les prix de l'immobilier à Tokyo.

Dans l'esprit des gens, longtemps, le Japon en général et Tokyo en particulier, c'était l'immobilier le plus petit et le plus cher du monde.
Voici un graphe historique des prix immobiliers au Japon. Notez l'explosion bullaire à la fin des années 80... Et l'explosion de la bulle après.
Pour vous donner une idée, la bulle fut tellement énorme qu'un certain Yoshiaki Tsutsumi, sorti de nulle part, fut classé première fortune mondiale entre 1987 et 1993 par Forbes, 16 Mds$ en 1990, soit 30 Mds $ d'aujourd'hui. ...
En 2006, il était tombé à la 26e place japonaise et à la 645e place mondiale, avec une fortune de l'ordre du milliard. #LaGamelle
(et après, il a eu de gros ennuis avec la justice japonaise pour fraudes diverses, mais passons).
Aujourd'hui, à Tokyo, le prix moyen des logements neufs est inférieur à 3700 Euros du m2, pour une taille moyenne des nouveaux logements de 98m2

Et non, ce n'est pas lié à la démographie pantelante du Japon. Là bas comme ailleurs, les grosses villes continuent leur croissance.
Ainsi, de 1988 à 2014, le nombre de foyers à Tokyo est passé de 4,4M à 6,5M. 47% d'augmentation. Mais le nombre de logements a cru encore plus vite, +54%. Il y a 900 000 logements de plus que de foyers.
Le Financial Times note que dans l'arrondissement central de Tokyo, Minato Ku, la population a augmenté beaucoup plus vite qu'à San Francisco ou à Londres (+60%), mais que les prix y ont connu une croissance bien plus faible.
Il est intéressant de noter qu'à Tokyo, le taux de croissance du parc de logement est resté supérieur à celui de 3 autres grandes mégapoles de référence (Paris, Londres, NY), même après l'explosion de la bulle.

Et ce alors même que le foncier disponible à Tokyo est quasi de 0.
Pourquoi ce dynamisme de la construction ?
En 1992, l'explosion de la bulle immobilière avait mis le pays à genoux, les banques japonaises ne survivaient que grâce à des interventions étatiques massives... Qui ont entrainé l'économie dans une longue phase de stagnation.
Les économistes locaux ont immédiatement diagnostiqué que des réglementations trop contraignantes adoptées après guerre, sur un modèle dirigiste, avaient contribué à la formation de la bulle.
Et le gouvt japonais de l'époque... Les a écoutés, et a considérablement libéralisé le droit de la construction. Notamment en restaurant le droit de propriété: un propriétaire qui respecte quelques règles "de prospect" simples (comme dans notre code civil, au début) peut...
... presque faire ce qu'il veut. S'il est zoné en "résidentiel", aucun voisin ne peut s'opposer, par exemple, à ce qu'il démolisse sa maison et construise un immeuble, sous réserve qu'il respecte les normes anti sismiques.
Et les zonages (résidentiels ou autres) sont bien plus souples que chez nous: la plupart des zones sont en fait "mixed use", vous pouvez ouvrir une petite entreprise dans un quartier résidentiel si vous vous engagez à respecter un niveau de nuisance prédéfini.
Rezoner un terrain si nécessaire est assez facile, et surtout, les pouvoirs locaux doivent avoir de très bonnes raisons techniques de s'y opposer, ne peuvent invoquer des arguments "frivoles" ou politiquement en vogue.
Cette évolution législative a été facilitée parce que les japonais ont un rapport au logement différent du notre. Là bas, traditionnellement, les logements sont détruits au bout de 15 à 25 ans. Pourquoi ?
Parce que depuis longtemps, les japonais savent qu'un tremblement de terre peut réduire leur capital à néant. Alors ils envisagent le logement comme un bien de conso à durée de vie longue et non comme un réservoir de valeur.
Et là bas, détruire un vieux logement pour en faire un nouveau plus grand, avec de meilleurs normes sismiques, et de meilleures prestations, est une forme normale de parcours ascensionnel dans le logement.
A Tokyo, on détruit en moyenne 1 logement ancien pour 4 à 5 nouveaux logements construits. Bien obligé: zéro foncier disponible.
Pour les japonais, la bulle de 1990 ne fut pas perçue comme une bénédiction qui gonflait artificiellement leur patrimoine, mais comme un obstacle à l'ascension à un meilleur confort de logement.
Alors bon, le système japonais n'est pas sans défaut. Son code de l'urbanisme très centralisé tend à "uniformiser" l'apparence des villes sans respect pour leurs spécificités historiques.
Certains esthètes trouvent que dans certains quartiers, le "laissez faire" esthétique conduit au n'importe quoi. N'ayant pas vu moi même, je m'abstiendrai de tout jugement esthétique.
De nombreuses villes de Middle America, dont de très grandes métropoles (Houston, DFW) fonctionnent un peu comme Tokyo, malgré une géographie différente (bien plus d'espace).
Ainsi, à Houston, il est courant de détruire des maisons, y compris de riches ou de la classe moyenne supérieure d'il y a 20 ans, pour y construire des ensembles middle class ou même de gamme inférieure plus denses, même si on n'y construit peu en hauteur (pas besoin).
Et du coup, dans ces villes, les prix restent sages alors que la population explose, alors que dans d'autres (en Californie, dans le Colorado...), les prix s'envolent dès que l'économie repart, malgré des croissances de population bien plus faibles.
S'il y a des leçons à tirer de l'agglomération de Tokyo:
- La liberté de construction n'est pas incompatible avec la densité
- La liberté a permis d'améliorer la qualité et la taille des logements
- La liberté rend plus facile le remplacement des vieux logements pourris.
- Enfin, la liberté permet de concilier des croissances de population fortes et des prix raisonnables, même dans des espaces géographiques très contraints.

Inutile de dire qu'il y a des sources d'inspiration à trouver pour une réforme de l'urbanisme en France.
Pour une raison inconnue, le twitt ou je citais mes sources ne s'est pas chainé avec le thread. Le revoici donc
Encore un Addendum. Suite à vos réactions, j'ai recoupé certains chiffres, et il apparait que la moyenne des nouveaux logements cités par le tableau en début de thread ne concerne que les maisons détachées, qui représentent 1/4 du parc de logements.
La superficie moyenne des nouveaux logements à Tokyo "prefecture" est de 66m2 et non 98. Par contre, le taux d'occupation étant en chute libre, la surface par habitant est passée de 20m2 au début des années 80 à presque 35 aujd'hui.
Après vérif, Tokyo préfecture est "plus que le centre" mais pas toute l'agglo, Yokoham ou chiba, par exemple, n'en font pas partie, alors qu'ils font partie de la métropole. Difficile de s'y retrouver !
La définition des différentes "aires" (urbaine, agglo, métro, etc) de Tokyo est un beau bordel, il peut donc y avoir des biais statistiques liés à des définitions d'aires différentes

en.wikipedia.org/wiki/Greater_T…
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