Thread by @fabricearfi

[PETIT THREAD JURIDIQUE] Avec la remise en liberté de Crase et Benalla — bravo sincère à leurs avocats —, j'entends ici ou là que ce serait la démonstration qu'il y aurait un doute sur les enregistrements révélés par Mediapart le 31 janvier.

Oh que non.

Voici pourquoi.

D'abord, une évidence: Mediapart n'a enregistré personne ni demandé à quiconque de le faire. Nous avons récupéré cette bande dans le cadre d'une enquête débutée en août au gré de laquelle nous avons aussi réuni des mails, photos, rapports, extraits bancaires, etc...

Cette bande est le fruit d'un enregistrement clandestin de 36 minutes, réalisé le 26 juillet dernier, en début d'après-midi, à Paris. Nous avons authentifié la bande ; je vous le redis : certitude 100%. Et sélectionné 7 extraits au total, issus de la même bande.

Nous avons transmis aux juges de l'affaire du 1er-Mai, qui en avaient fait la réquisition (sans perquisition), les extraits que nous avions rendus publics. La sélection s'est faite selon deux exigences: l'intérêt public des informations et le respect du secret des sources.

Rappel: sans sources dignes de ce nom, vous ne liriez, mes amis, que des communiqués de presse améliorés, le Journal officiel de la République ou le Bulletin municipal de telle ou telle commune. C'est intéressant, j'dis pas, mais le journalisme, ce peut être autre chose.

Les enregistrements ont été à ce point considérés comme fiables par — je prends ma respiration — les juges d'instruction, le juge des libertés, le parquet et le parquet général qu'ils ont justifié le placement ou le maintien en détention de Crase et Benalla.

Mon petit doigt me dit d'ailleurs que d'autres éléments extérieurs aux seuls enregistrements sont de nature à confirmer les informations de Mediapart. Patience, vous en saurez plus assez tôt...

Mais. Car il y a un mais : l'expertise définitive de la police sur les bandes n'a pas encore été rendue. Raison pour laquelle les avocats de Crase et Benalla ont eu beau jeu de dire: sans preuve “scientifique” définitive, il ne peut y avoir d'affirmation péremptoire...

..., d'un point de vue judiciaire, selon laquelle leurs clients ont violé leur contrôle judiciaire le 26 juillet. Donc: comment les mettre en détention sans avoir ce rapport définitif ? Franchement, cela peut parfaitement s'entendre comme raisonnement.

Même si, encore une fois, tous les magistrats qui se sont penchés dessus précédemment avaient un avis divergent, y compris le parquet général de la cour d'appel de Paris. Pas les juges de la chambre de l'instruction. Cela s'appelle l'Etat de droit. Et c'est heureux.

Mais. Car il y a un deuxième mais : cela ne vient EN RIEN remettre en cause l'authenticité ou la validité des enregistrements mis au jour par Mediapart. D'abord, parce qu'on vous le répète avec la foi d'un planteur de clous: ces bandes sont parfaitement authentiques.

Ensuite, parce que le caractère clandestin des enregistrements n'en fait pas pour autant une preuve irrecevable judiciairement. La loi et la jurisprudence disent même l'inverse, et depuis longtemps. Je vous renvoie là-dessus à l'excellent thread de @jjalmad.

Alors quand j'entends @jmaphatie dire et répéter que ces enregistrements relèvent d'une barbouzerie parce qu'un appartement aurait été sonorisé à Paris, non seulement, je me marre, mais je dis: raté, c'est faux, archi-faux.

Quand j'entends Me Dupond-Moretti vomir sur Mediapart parce que nous utilisons ce type de matériau, je me marre au carré et rappelle que les enregistrements clandestins cela l'étouffait moins quand il en utilisait, lui, pour défendre le roi du Maroc. leparisien.fr/faits-divers/c…

Dans les affaires Bettencourt, Cahuzac ou des financements libyens de Sarkozy & cie, nous avons toujours dû composer avec des tirs de barrage contre nous. Il en va de même avec l'affaire Macron-Benalla. Franchement, c'est bon signe. 😉

Allez, bonne soirée.