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Quelques réflexions sur #belga au lendemain du licenciement de deux journalistes (disclaimer: j’y ai bossé pendant onze ans et demi, jusqu’à l’année dernière, et j’y ai été représentante du personnel):
Belga est, contrairement à ce qu’on voit ailleurs et ce qu’on pourrait penser, une société privée (une SA) avec une particularité qui a toute son importance: ses actionnaires principaux sont aussi ses clients (les groupes de presse)
C’est super parce que ça permet d’avoir un lien fort et d’être à l’écoute presque en direct des besoins des clients (Même si entre les besoins des journalistes ds les rédactions et ce que s’imaginent les directeurs de médias il peut y avoir une « légère » différence)
Mais il y a aussi un côté hyper schizophrène parce qu’en tant qu’actionnaires les médias ont intérêt à avoir une boîte saine qui dégage du bénéfice, alors qu’en tant que clients ils ont intérêt à exiger des prix d’abonnement les plus bas possibles
Personne à Belga n’est aveugle et n’est passé à côté de la crise que traverse la presse belge depuis plus de dix ans: ses journalistes ont d’ailleurs couvert tous les plans de licenciements dans tous les groupes de presse.
On pourrait croire que dès lors que les effectifs s’amenuisent dans tous les médias, alors que la quantité d’informations, elle, explose, les clients-actionnaires de Belga accepteraient de renforcer un minimum la rédaction de l’agence de presse
(Petite incise) Belga fonctionne pour les autres rédactions à la fois comme un marche-pied sur lequel elles peuvent s’appuyer pour développer des sujets et y apporter de l’enrichissement, et comme un filet de sécurité: là où elles ne peuvent pas être, Belga couvre
Logiquement, on pourrait donc voir belga comme une forme de mutualisation des coûts pour les actionnaires, qui auraient donc tout intérêt à avoir une agence de presse forte qui peut être « partout » et en tout cas là où leurs journalistes moins nombreux ne peuvent pas être
(Deuxième incise) Belga, ce sont des dizaines de dépêches judiciaires par jour, des comptes-rendus de commissions parlementaires ds tous les parlements, des résultats sportifs, des résultats trimestriels et annuels, des conseils communaux, etc. C’est énorme.
Et notons que c’est aussi dans l’intérêt du politique que l’Agence reste forte et présente partout (sinon on parlerait moins d’eux)
Belga fonctionne sept jours sur sept, 24heures/24, écrit dans les deux langues (français et néerlandais) et traduit les dépêches interessantes vers l’autre langue. Une mine, je vous dis. Un trésor.
Or, depuis dix ans, les journalistes de belga sont invités à montrer qu’ils souffrent aussi de la crise, en solidarité avec les autres. Et c’est pas juste une posture: le prix des abonnements est gelé depuis longtemps, par exemple.
De plus en plus s’impose le discours selon lequel la rédaction coûte cher, plus cher que ce qu’elle ne « rapporte » (discours detestable qu’on entend aussi dans d’autres médias hein 🙄)
Le problème, c’est que dans la recherche de nouvelles sources de revenus, belga est priée de ne pas faire concurrence à ses clients-actionnaires. Logique, mais à nouveau, ça donne l’impression d’être entre le marteau et l’enclume.
Son meilleur « produit » à valoriser, c’est bien sûr sa copie, c’est-à-dire l’ensemble des dépêches produites par ses journalistes. Sauf que ça nécessite des moyens humains (et donc financiers) pour maintenir la qualité de la copie. Vous voyez le casse-tête?
Il y a plusieurs années (2016 je crois), une étude sur les risques psychosociaux a montré que les journalistes de belga sont fortement engagés pour leur Agence, mais sans surprise ça s’accompagne d’un risque accru de burn out
Depuis lors les travailleurs essaient d’élaborer des solutions avec la direction, mais ça s’apparente à un dialogue de sourds
Il y a clairement un décalage entre le discours du patron (la rédaction c’est l’essentiel, le core business de belga) et ses actions (investir bcp ds les services commerciaux et peu dans la rédaction)
Alors licencier deux personnes en prévoyant de ne pas les remplacer (ni la personne qui part bientôt à la pension), c’est la goutte d’eau.
Un arrêt de travail aussi long, c’est extrêmement rare. En onze ans et demi, je n’ai jamais connu ça. Et c’est à la hauteur de l’enjeu. On parle de qualité de l’information de base et de qualité des conditions de travail.
Je crois que j’ai dit tout ce que j’avais en tête 😅 encore ceci: courage les copains et copines, celles et ceux qui resteront. Et courage aux personnes brutalement licenciées hier.
Encore ceci: les journalistes de belga, ce sont les petites mains du journalisme, comme les plumassières ou les brodeuses en haute couture. On ne voit pas leur nom mais sans eux la pièce finale serait bien moins belle.
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