Thread by @vbenard

Le logement est le plus gros échec de tous les politiciens depuis... 1914. Et les conséquences vont bien au delà du simple coût du logement. Petite chronologie incomplète de toutes les conneries accumulées par l'état français sur cette question #Thread Improvisé

https://twitter.com/LCP/status/1126932622985158656

1914: blocage dur des loyers. Erreur économique sans doute, mais dans la situation de la guerre, compréhensible. Seul problème: aucun politicien pour revenir sur cette erreur en 1918. On construira 3 à 4X moins de logements qu'Allemagne et UK entre 2 guerres, pas rentable.

Pendant la guerre, le gouvernement de Vichy, dont on sait combien il respectait la propriété (avis à la team 1er degré: c'est ironique, hein ?), limite considérablement de facto le principe de compensation des servitudes d'urbanisme. "keske quoi ?"

Cela veut dire que lorsqu'une commune passe votre terrain de "constructible" à "non constructible", par exemple, elle n'est plus tenue, ou bien moins tenue, sauf cas extrêmes, d'indemniser le propriétaire pour la perte de jouissance de propriété induite.

Revenons aux conséquences du blocage des loyers.
Après guerre, Pénurie de logements avant guerre WW2: 2M. Après guerre: 4M.
Là, discussion politique pour savoir s'il faut libérer les loyers: aboutira au compromis bancal de 1948 :

Les loyers sont tjs bloqués pour les logements anciens, mais débloqués pour les logements neufs. Qui peineront donc à trouver un marché de locataires existants. La mesure de libération ne fera effet que quand les enfants du baby boom arriveront sur le marché du lgt, années 60-70

1954: à la suite du happening médiatique de l'abbé Pierre, l'état choisit de nationaliser la politique du logement social, contrairement à l'Allemagne (de l'ouest) qui la confie au privé et qui a complètement débloqué les loyers du secteur privé.

Résultat, en 1960, l'Allemagne, qui avait pourtant une pénurie de logements de plus de 7 millions d'unités en 1950, a rattrapé et dépassé la France dans les années 1960 tant en qualité de logement qu'en quantité.

Années 50-60: lancement du programme villes nouvelles et nouveaux quartiers, dont 60 ans plus tard, nous payons le prix fort en terme de dégradation des relations sociales et intercommunautaires.

contrepoints.org/2016/05/10/252…

1967 : création du code de l'urbanisme sous sa forme contemporaine. Pérennise le principe vichyste de compensations limitées des servitudes d'urbanisme, et surtout, le principe de constructibilité accordée par les pouvoirs publics.

Bon, dans les années 70, les élus ne sont pas encore tous gagnés par des bouffées de malthusiannisme foncier. Et c'est dans les années 70 que tous secteurs confondus, on bat le record (jamais égalé depuis) de construction de logements en France: 550 000 lgts environ en 1973.

1982: Retour du contrôle des loyers version Quillot, qui casse les effets de la timide et très incomplète libéralisation de 1948. Les chiffres de la construction plonge.

1986: faisant preuve pour une fois de courage politique, Jacques Chirac abroge le contrôle des loyers (loi Méhaignerie). Mais sa défaite en 1988 permet aux socialistes de le rétablir en 1989, loi Mermaz-Malandain. Qui sera durcie plus tard par Cécile Duflot.

2000 : vote de la loi SRU par le gouvt Jospin et ministre communiste, Jean Claude Gayssot.
Deux effets:
1- subordination des plans locaux d'urbanisme à un écheveau normatif étatique accru
2- Instauration de quotas de logements sociaux ...

2 suite ... et d'amendes pour les communes ne respectant pas les quotas.
3 - possibilité pour les communes de forcer les promoteurs privés à inclure des logements sociaux dans tout programme.

A noter que les exigences environnementales de la loi SRU seront renforcées par plusieurs lois ultérieures, dont les lois Borloo ("grenelle de l'environnement"), et surtout Duflot (quotas de logements sociaux renforcés et amendes multipliées par 5)

La difficulté de mobiliser du foncier constructible du fait de toutes ces lois se matérialise à partir de 1997 par une croissance exponentielle du prix de l'immobilier, du fait du choc de solvabilité offert aux ménages sous forme de baisse des taux d'intérêt.

Les prix du logement sont multipliés par 2 à 3 entre 1987 et 2007 selon l'agglomération (les agglos les plus dynamiques étant les plus chères). Tous les gains officiels de pouvoir d'achat sont bouffés par le logement...

(interruption temporaire du Thread, j'y reviendrai un peu plus tard).

#ImBack L’économiste Joseph Comby, sur la base des stats INSEE, calcule qu’entre 1997 et 2007, la valeur du foncier détenue par ceux qui ont la chance d’en avoir passe de 62% du PIB à 308% du PIB.

Cf contrepoints.org/2015/03/12/200…

La hausse des prix dans les agglo dynamiques dépasse largement le gain de solvabilité permis par les taux d’intérêt.

Et a repris de plus belle dans ces agglos vers le milieu de la présente décennie.

Evidemment, pour tous les ménages modestes qui n’ont pas accès au crédit, c’est assez catastrophique...

Pour les autres, la loi SRU leur impose une sorte d’impôt « caché », à savoir l’obligation de financer du logement social. Ce qui fait le jeu de nombreux organismes acoquinés aux grands établissements financiers:
contrepoints.org/2013/11/02/144…

Autre effet de cette loi: elle réduit le nombre total de logements construits, la distribution des revenus gaussienne faisant qu’un prix d’équilibre plus élevé se traduit par une baisse rapide du nombre de ménages solvables.

Pire encore: les lois Borloo et postérieures ont encore resserré le carcan anti-libération de foncier constructible en allant controler les plan d’urbanisme des communes (le « SCOT », créé par la loi gayssot, mais renforcé par Borloo et Duflot) rurales, qui jusqu’ici...

... Pouvaient encore servir d’échappatoire financièrement accessible pour lesdits ménages modestes.

Résultat, c’est devenu presque impossible de trouver autre chose que des terrains à lotissement minable dans les zones péri-rurales des grandes agglomérations dynamiques. Mais qui coûtent un bras quand même.

Et notre président transcendant, après avoir refusé de revenir sur les délires duflotesques en matière de contrôle des loyers, annonce qu’il va renforcer l’arsenal anti-artificialisation, comprendre « anti construction ».

Bref, le mal logement en milieu rural...

Dont on ne parle jamais mais qui mobilise une part croissante de l’énergie des services sociaux, n’est pas près de s’arranger. Et les abrut... pardon, le gouvt parle d’y limiter le recours au chauffage au fuel...

Et de forcer les petits propriétaires pauvres à réhabiliter leurs logements, à coup de carottes (subvention) et de bâton (normes obligatoires pour pouvoir louer ou vendre).

Les jacqueries de type gilets jaunes ont un bel avenir.

Bon, j’arrête là, vous avez compris le topo. J’ai omis plein de « petits » textes qui ont participé à l’extension du désastre.
J’ai passé sur la sur-protection du locataire mauvais payeur. J’ai zappé la fin des abattements pour entretien du logement...

Et la désertion du locatif privé (pas du locatif social « haut de gamme, hein ?) par les grands investisseurs institutionnels...

Bref, il y aurait bien un livre à (ré)écrire sur le sujet ! /FIN