Thread by @ibnkafka

Papier très décevant mais qui sera très lu par les quelques décideurs et desk officers "Maroc" et influera plus leur jugement que toute autre analyse: Le mystère Mohammed VI, techno-monarque à la tête d’un Maroc plus inégalitaire que jamais
lemonde.fr/afrique/articl…

Les yeux commencent à piquer des la première phrase: "Ce roi est discret comme un souverain scandinave". Ben manque de bol, je suis suédois, et non, le roi de Suède n'a en aucun cas la même visibilité que le roi du Maroc, que Dieu le glorifie. #thread

Les seules fois où le roi de Suède fait l'ouverture des journaux télévisés en Suède c'est quand il a dit une connerie, fête ses 75 ans ou quand un bouquin est sorti détaillant ses escapades sexuelles. Pas vraiment le cas du Maroc donc.

Lors d'un incendie ayant fait une dizaine de morts dans une usine à Casablanca en 2008 le journal télévisé des deux chaînes publiques avaient, comme chaque jour qu'il y a des activités royales officielles, ouvert sur celles-ci. Idem le jour des élections législatives.

Ces jours-ci, en période de préparation de la fête du trône au Maroc, les journaux sont pleins d'encarts publicitaires payés par sociétés et administrations marocaines en vue d'exprimer leur "voeux déférents et indéfectible attachement au glorieux trône alaouite"

Alors non, faire passer SM le Roi Mohammed VI pour HMK Carl XVI Gustav est un commentaire complaisant, pas un propos journalistique.

Si on ne le voit pas tous les soirs au journal télévisé c'est qu'il arrive à SM le Roi de faire des voyages privés bien mérités. Les photos et selfies pris par ses innombrables admirateurs -ses propres sujets ou des étrangers- égaient alors le morne quotidien des réseaux sociaux.

La phrase "Mohammed VI fuit la lumière", si elle laisse les Scandinaves de marbre surprendra les quelques millions de Marocains présents sur les réseaux sociaux. Une recherche selfie Mohammed VI sur Google édifiera le journaliste de @lemondefr, qui les mentionne pourtant.

Poursuivons. "il incarne une monarchie technocrate: style plus apaisé, feutré, moins glamour". Je vous renvoie au tweet précédent, le libellé actuel de l'article 179 du Code pénal marocain ne permettant pas de plus amples développements.

Passons ensuite à ces "20 ans, qui ont durablement transformé et modernisé le Maroc". La lecture des indicateurs et classements internationaux - cf @CGuguen - invalide ce jugement de valeur: le Maroc n'a pas bougé au classement IDH ni dans ceux liés aux libertés publiques.

Les problèmes économiques seraient aisément reconnaissables par un économiste tombé dans le coma dans les 90's et se réveillant aujourd'hui: déficit commercial structurel, faible productivité, dépendance agricole, croissance insuffisante à combler le chômage.

On a le TGV, Morocco Mall et toutes sortes de franchises de grandes marques occidentales, mais cela ne traduit pas un changement réel, sinon de pratiques de consommation creusant encore plus un déficit commercial structurel, avec un taux de couverture de 56%.

L'article ne souffle mot des grands projets, du Plan Azur au Maroc Vert en passant par l'INDH dont le succès n'est pas fulgurant en dépit de leur Haut Patronage.

Plus grave: le hirak du Rif est mentionné pour mémoire seulement, aucune mention du 20 février ni du grand-guignol nord-coréen ayant présidé au référendum plébiscitaire par lequel la Constitution de 2011 fut adoptée - 98,5% de oui!

Rien sur la répression continue de la presse indépendante, une des réelles réussites de ces 20 dernières années, ou sur le harcèlement continu de l'AMDH ou Al adl wal ihsane, et aucune quantification des prisonniers politiques du Rif.

Ensuite, un passage caricatural où il est relevé qu'on trouve des ouvrages de Mahmoud Darwich et de David Grossman en vitrine de librairies marocaines et le constat réel que le Maroc n'a pas sombré dans le fascisme de Sissi. Ne manquent plus que les filles en mini-jupes...

...et les bières servies dans les restaurants pour que le festival des clichés à jouj riyal sur le "Maroc libéral" soit complet - et pas un mot sur le ralliement de chioukh salafistes au Palais après le 20 février 2011...

Certes, tout n'est pas noir, et quelques progrès ont été faits, mais il faut être captif d'une bulle diplomatico-courtisane rbatie pour ne pas percevoir le profond malaise socio-politique au Maroc. Ne pas même mentionner le nom de Nasser Zefzafi dans cet article-bilan est grave.

Permettez à un rajaoui de tirer la couverture à son club - quand 60.000 spectateurs reprennent en choeur à chaque match un chant aussi poignant de désespoir que Fbladi delmouni, croyez-vous vraiment que cela soit le signe d'une "démocratie frémissante"?

Le Maroc et son peuple méritent mieux que des impressions partiales et partielles au lieu de faits, et ces faits, si certains sont positifs, rendent odieuse l'expression "démocratie frémissante". Faites votre travail sérieusement!