Thread by @cle_perronnet

#AFS2019
C'est le 3e jour du congrès de l'Association française de sociologie @afs_socio et on est toujours en pleine forme ! 🤸

Je suis ce matin à la session du RT Théories et paradigmes sociologiques : « Au risque du reclassement théorique ».

@afs_socio On commence par écouter une communication préparée par Jérôme Lamy, mais performée par @ArSaintMartin : « Une croyance qui vient de loin. Les sources philosophiques de la théo(socio)logie de Bruno Latour »

Le texte de J. Lamy porte sur l'enracinement religieux des productions de B. Latour, qui est catholique.

Quelle place de la croyance dans sa recherche ?

Enjeu : faire une sociogenèse du positionnement théologique de B. Latour.

Une 1e partie est consacrée au champ théologique.

J. Lamy explique notamment que jusque dans les années 1960, 2 pôles structurent clairement le champ philosophique :

1 pôle rationaliste – qui attire philosophes intéressés par les sciences et techniques

1 pôle métaphysicien

Au sein de ce pôle métaphysicien a lieu un travail aux frontières de la philo et de la théologie --> Latour engage ses premiers travaux dans ce contexte.

[Il y a bcp d'autres choses sur
les champs philosophiques et théologiques dans le texte, trop difficile à retranscrire.]

J. Lamy s'attache notamment à montrer comment le Consul de Vatican 2 a joué un rôle d'embrayeur méthodologique pour B. Latour, qui tente dans son mémoire de master de dissoudre la frontière entre philosophie et théologie.

*Ledit mémoire porte sur l'amour évangélique.

On en vient à la thèse de B. Latour.
Premier problème : trouver le manuscrit... qui demeure inconsultable. On a juste accès à un texte issu des actes d'un colloque.

La thèse s'appelait « Exégèse et ontologie : à propos de la résurrection », soutenue dans une faculté de théologie en 1975.

Autres indices : B. Latour y mobilise Saint-John Perse et C. Péguy.

Le texte de colloque accessible porte sur Péguy (il date de 1973).

📑 Ce texte sur Péguy est disponible ici : bit.ly/2UafHqa

J. Lamy voit dans ce texte (et sûrement dans la thèse, dont c'est donc la seule trace) la poursuite du projet latourien de dissolution des frontières entre philosophie et théologie.

Pour finir J. Lamy évoque un 3e moment clé du parcours de Latour : son passage en Côte d'Ivoire & sa conversion à la sociologie.

Latour rend en 1974 un rapport sur les ouvriers d'Abidjan qui identifie le racisme structurel des contremaîtres européens

📑 bit.ly/2MJKXLU

À partir de ce texte, J. Lamy fait à nouveau le lien entre les travaux de B. Latour et les transformations/ouvertures de Vatican
2.

On y trouve en effet un renversement de la perspective sur le « tiers-monde », qui n'est plus seulement un terrain à évangéliser.

En cela, Vatican 2 ouvre la voie à une compréhension sociologique du monde.

La sociologie est alors pour B. Latour un moyen nouveau de s'abstraire du champ philosophique pour construire des sujets de recherches, pointés par Vatican 2.

#AFS2019

Après des discussions animées sur cette première communication, nous écoutons un deuxième intervenant :

Charles Bosvieux-Onyekwelu : « Les sodiodicées : essai de classification théorique »

Cette communication porte sur le concept de « sociodicée ».

Défini chez Bourdieu comme les récits et les stratégies argumentatives élaborées par « les dominant·es » pour justifier le monde social tel qu'il est, c'est-à-dire à leur avantage.

Bien que forgé par Bourdieu, le terme sociodicée est utilisé sporadiquement, il ne correspond pas à un concept phare comme habitus ou champ.

1e partie : Quelques éléments de généalogie de la notion

La notion de sociodicée vient de loin... et d'abord du terme « théodicée », qu'on retrouve chez Leibniz, Weber...

Chez Weber : la théodicée comme intériorisation de la question morale (« théodicée du bonheur »).

P. Bourdieu passe ensuite de la « théodicée » à la « sociodicée » en la sécularisant.

📑 Voir « Genèse et structure du champ religieux » (1971)
bit.ly/2PhGQIT

La généalogie de la notion passe également par les travaux de Mills et sont « vocabulaire des motivations ».

Pour finir cette 1e partie, C. Bosvieux-Onyekwelu insiste aussi sur la grande hétérogénéité de la notion.

La 2e partie du propos est consacrée à l'opérationnalité de la notion

Que faire de ce concept qui est loin d'être indigène (aucun·e enquêté·e ne parle jamais spontanément de « sociodicée ») ?

On repart de l'idée de Weber : pour que la domination se maintienne, il faut que le pouvoir apparaisse comme un service rendu aux « dominé·es » --> la domination implique le service.

De là C. Bosvieux-Onyekwelu a étudiée dans sa thèse le *service public*.

Historiquement, il y a eu un remplacement du *pouvoir* public par le *service* public = une légitimation du pouvoir = une sociodicée des élites.

Dans une vision généreuse du gouvernement, lien fort entre service publique et république.

Le travail de C. Bosvieux-Onyekwelu – qui a analysé les positions par rapport au service public (adjuvant, opposant, neutre) – montre que la corrélation est plus complexe que cela.

In fine, le service public apparaît davantage comme un discours de rechange des élites en contexte démocratique.

C. Bosvieux-Onyekwelu développe à présent un 2e exemple, et propose de voir le pro bono des avocats comme une sociodicée du privilège.

Pour conclure ce propos, une question – parmi d'autres avancées par l'intervenant :

Parler de sociodicée, n'est-ce pas considérer de façon problématique que les élites pensent toutes la même chose ? La sociodicée = une conspiration des élites ?