Thread by @cle_perronnet

#AFS2019 Jour 4 !

Après la soirée fort réussie d'hier soir, retour dans les amphis pour la 4e et dernière journée de congrès...

Aujourd'hui, je vais suivre la conférence semi-plénière consacrée à la réception des classements dans l'éducation et la formation.

La séance s'ouvre avec une intervention de Xavier Pons : « Le pouvoir des classements : une approche configurationnelle ».

Objectif : réfléchir à partir d'une sociologie de l'action publique au pouvoir des classements - à partir de la notion de « configuration ».

X. Pons défend la thèse suivante : le pouvoir performatif des classements ne repose pas uniquement sur leurs propriétés intrinsèques, mais sur la + ou - forte adéquation entre ces propriétés et les configurations d'action publique dans lesquelles ces classements sont utilisés.

La « configuration » est ici définie comme l'agencement particulier des processus sociaux qui rend les acteurs d'une même action publique interdépendants les uns et des autres.

Les classements sont considérés comme autant d'outils de gouvernement.

X. Pons distingue par ailleurs 2 formes de classements :

1) les outils statistiques (ex : PISA)

2) les catégories d'action publique.

Dans cette communication, il va présenter 3 apports de l'approche configurationnelle
en détaillant 3 exemples.

1er exemple, la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Comment comprendre que cette loi qui produit des effets de classements similaires produise des effets différents d'un domaine d'action publique à l'autre ?
--> en analysant le contexte, la configuration.

1er apport de l'approche configurationnelle : elle offre un outil d'analyse intéressant pour penser les instruments d'action publique.

2e apport : contrôler l'interprétation des matériaux empiriques, éviter des sauts interprétatifs. Illustration avec l'exemple de PISA.

X. Pons a montré que la réception française des études PISA correspond à 3 configurations successives qui banalisent et routinisent le débat sur PISA, jusqu'à vider l'enquête de son contenu statistique pour aller vers des inférences politiques.

Ces 3 configurations :

2001-2004 : PISA est une « affaire d'initiés » 

2005-2010 : PISA devient un « palmarès politisé »

2010-2016 : PISA comme « outil de communication banalisé »

3e apport de l'approche configurationnelle : elle permet de travailler une autre vision du pouvoir et de l'action sociale.

Illustration avec l'exemple de l'absentéisme.

L'absentéisme scolaire a fait l'objet de différentes formes de problématisation/classement : d'abord comme un « fléau », puis « prélude à la violence » puis outil de responsabilisation des parents (controverses sur les allocations familiales, supprimées si absentéisme...).

Ces classements produisent une forte domination symbolique, tant des professionnels de l'éducation que des familles et des élèves.

--> une radicalisation autour de l'absentéisme & une forte politisation du débat liée à la configuration politique, médiatique, professionnelle...

X. Pons achève cette communication en soulignant quelques limites de l'approche configurationnelle.

On peut lui reprocher d'être uniquement descriptive, de provoquer une explosion des variables, d'être une « sociologie sans acteurs »...

Oui, mais... X. Pons défend cette notion de configuration, pas à abandonner (par ex. au profit de la notion de champ) mais à compléter.

Contrepoint : voir J.-H. Déchaux contre la notion : «Sur le concept de configuration : qqes failles dans la sociologie de N. Elias » (1995)

On passe à la 2e intervention avec @annabellallouch : « Le revanche du premier recalé ? Pour une sociologie des recours contre les classements scolaires, d'Harvard à Parcoursup »

A. Allouch nous présente aujourd'hui les premiers résultats d'un tout nouveau terrain de recherche.

@annabellallouch Ce n'est donc pas un retour sur son ouvrage _La société du concours. L'empire des classements scolaires_ (2017)...

Il ne reste plus qu'à le lire vous même 😉

Cette intervention se demande dans quelle mesure on peut se mobiliser *contre* les classements scolaires.

@annabellallouch Mais déjà, c'est quoi un concours ?

C'est un processus social et une forme institutionnelle, dont la force s'impose à tous ceux qui sont socialisés à le reconnaître.

+ relativement homogène dans son organisation matérielle et ses objectifs (= évaluer un individu)

Le concours comme processus de séparation, d'agrégation, de classement et de catégorisation fondé sur la transformation de micro-différences en statuts sociaux = les 0,25 points qui séparent le dernier reçu du 1er recalé.

Dans son travail, A. Allouch mobilise principalement 3 auteurs pour penser le concours : Bourdieu, Boltanski et Foucault

--> le concours est aussi un instrument et une technique de gouvernement qui produit des rapports de pouvoir.

A. Allouch distingue 3 dimension du concours :

1) dimension axiologique : le concours est composé de critères de jugement, d'usages coutumiers, d'une méthode rationalisée.

2) dimension procédurale et matérielle = le concours est tjrs une série de lois ou règlements. Des dispositifs matériels qui contraignent la décision (copies, plateforme Parcoursup, décors)

Une dimension peu prise en compte car peu légitime.

3) dimension affective : angoisse, travail émotionnel des tous les intermédiaires (secrétaire, enseignant·es, famille...)

Comment les réformes actuelles des concours affectent-elles ces 3 dimensions ?

+ spécifiquement, quels effets des injonctions actuelles à la transparence ?

Ces injonctions à la transparence donne d'abord une nouvelle place à l'usager du concours --> elle en affecte la dimension procédurale.

Ces injonctions à la transparence ont + largement des effets à l'École : introduction des logiques marchandes, new public management...

...introduction d'instruments d'évaluation et de classements des institutions...

Mais en contexte scolaire, l'injonction à la transparence se heurte souvent à la question du secret des concours.

Pourquoi ?

Parce que la force des jugements scolaires réside en la croyance dans leur caractère sacré, qui est éminemment lié à leurs caractère secret.

📕 #Durkheim

Dans ce contexte de tension entre injonction à la transparence et secret des concours, multiplication des recours des usagers - notamment pour ParcourSup, mais aussi à Sciences Po, qui a ouvert en 2013 un « call center » pour justifier les résultats de son concours.

De là, A. Allouch propose de faire une sociologie du contentieux universitaire lié aux admissions.

À l'heure actuelle, il n'y a pas d'offre juridique claire pour ces recours.

Donc les familles sollicitent d'autres acteurs pour être sources d'infos et d'aide : qui ?

- des assos de parents d'élèves

- des assos indépendantes d'aide aux lycéen·nes

- les universités

--> A. Allouch construit depuis juillet 2019 un terrain d'enquête à partir des correspondances mail de ces assos... et tombe par hasard sur des recours contre le bac 2019 !

Quelques éléments issus de ± 300 mails dépouillés par la sociologue :

- 64 % de cas sont relatifs à l'échec au bac 2019 ;

- 22 % des demandes juridiques portent sur des notations du bac jugées trop sévères : affaires de mentions non obtenues...

Le temps presse et on ne peut pas explorer tous les résultats...

Il faudra patienter un peu, l'enquête est en cours !

3e et dernière intervention de la séance.

Nous écoutons Roger Establet : « Sociologie de l'éducation et classes sociales ».

Question au cœur de cette intervention : en quoi la sociologie de l'éducation peut-elle contribuer à former les classes sociales ?

R. Establet ouvre avec un tableau de Paul Clerc qui présente le taux d'accès en 6e selon le revenu mensuel & diplôme du père (1963).

« Au total, la différence entre les conditions sociales est une différence culturelle », conclue Clerc.

Une révolution en socio de l'éducation.

Dans les années qui suivent, travaux de Bourdieu & Passeron sur la reproduction. Cela donne le fameux tableau de _La Distinction_ (1979) qui fait apparaître les classes sociales.

= une utilisation de la socio de l'éduc. pour constituer un univers cohérent des classes sociales

Depuis ces années 1960, l'éducation a cependant connu plusieurs transformation.

1e de ces transformations : entre 1980 et 1990, les filles ont dépassé les garçons...
Elles obtiennent même de meilleurs notes en maths ! Mais sans accèder aux filières scientifiques du pouvoir...

C'est à ce sujet que R. Establet et C. Baudelot publient _Allez les filles !_ en 1992.

« C'est un titre un peu macho, quand même », reconnaît R. Establet. « Mais personne n'est parfait ! »
🤷‍♂️

Cela oblige à repenser le classement en classes sociales pour prendre en compte les effets du genre.

Autre transformation qui intéresse actuellement R. Establet : la prise en compte de l'échelle mondiale en sociologie de l'éducation.

Un cadre sup africain a un pouvoir d'achat ± équivalent à celui d'un cadre sup français...

MAIS

Un ouvrier africain à temps complet a un pouvoir d'achat qui correspond à 1/5 de celui d'un ouvrier français.

Qu'est-ce que cela nous apprend sur les classes sociales ?

Le tableau de _La Distinction_ est à l'échelle de la France, un hameau à l'échelle du monde...

Les inégalités sociales, notamment en matière éducatives sont bien + plus vives en Afrique ou en Inde qu'en Europe.

R. Establet, qui a profité de sa retraite pour enquêter en autres en Inde et en Turquie, invite donc les jeunes sociologues à faire une étude des classes sociales à l'échelle mondiale.

Et de conclure en citant Hegel, « le philosophe de ses 18 ans » :

« Ce sont toujours les parents qui sont élevés par leurs enfants ».