Quelques observations sur ces propos qui pourraient apparaître, pour les lecteurs hors recherche, comme frappés au coin du bon sens.
Le système actuel de recherche en France, hors salaires des personnels permanents, fonctionne principalement sur des «appels à projets» et concours de nature diverse (financement de thèse, ANR, ERC, autres projets européens, pôles, régions, appels internes aux universités...).
Par ailleurs, les procédures de recrutement et de promotion des personnels permanents sont elles mêmes fort compétitives. (J'invite les gens qui ne seraient pas convaincus à se renseigner sur le concours de chargé de recherche au CNRS.)
Mais tout cela est-il vraiment si efficace pour promouvoir les résultats scientifiques ? Pas si sûr. Permettez-moi une anecdote éclairante.
Le pouvoir politique s'est pris récemment de passion pour l'intelligence artificielle: il y a urgence à développer celle-ci en France. On a donc créé des «instituts 3IA». Après diverses tergiversations, on les a ouverts.
D'un coup l'institut de Grenoble, nouvellement créé, se voit doté de 40 allocations doctorales par an, alors que l'école doctorale, pour tout le reste de l'informatique, des mathématiques pure ou appliquées, n'en a que 15-16.
Or, il n'y a pas a priori de "vivier" d'étudiants où recruter autant de monde !
On ne peut pas faire apparaître magiquement autant d'étudiants dans un domaine d'un coup !
On ne peut pas faire apparaître magiquement autant d'étudiants dans un domaine d'un coup !
Je ne peux m'exprimer d'avance sur ce qui se passe précisément dans cet institut, c'est trop tôt, mais par le passé, quand on a ouvert grandes les vannes par effet de mode, on n'a pas recruté que du très bon.
Bref, le «pilotage de la recherche» pour être «compétitif par rapport aux standards internationaux», ça risque de donner des choses en fait peu performantes.
J'ajouterais que dans ces fameuses «grandes universités de standing international» (Oxford, EPFL..) dont on nous rebat les oreilles, il y a à boire et à manger.
Le modèle qu'on nous donne en exemple, c'est par exemple celui de mon collègue d'Oxford, avec son groupe de 20 personnes. Autant vous dire qu'il ne supervise pas vraiment tous ses doctorants et que leur gestion est sous traitée à des post-docs de longue durée.
À une époque où —injonction contradictoire— où l'on demande un encadrement présent et attentif, vérifié par les «comités de suivi», pareil exemple laisse rêveur.
Cela n'est possible, notamment dans les «grandes universités américaines», que parce que la durée des thèses est très supérieure à celle des nôtres, et ce même en tenant compte du fait que leur première année de thèse est l'équivalent de notre master 2.
