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On continue notre série d'articles consacré à la Peste noire. Aujourd'hui, épisode 9 : « La Peste dans l’empire byzantin ». Entre 1347 et 1466, l’empire byzantin subit onze vague de peste, suscitant d’intenses réflexions parmi les médecins... et les théologiens. Un thread ⬇️ !
La grande question qui obsède les savants, c’est « pourquoi la maladie frappe-t-elle ? ». Deux visions s’opposent. La première est médicale : la maladie est due à une corruption de l’air dans une région donnée, et les gens tombent malade ou non en fonction de leur état physique
La deuxième vision est religieuse : la Peste est vue comme un châtiment divin, envoyé par Dieu pour punir les péchés des hommes. Le patriarche Kallistos propose une petite variante : Dieu envoie la Peste pour éduquer son peuple et le remettre dans le droit chemin #supersympa
Les défenseurs de ces deux visions s’opposent tout au long de la période. Le théologien Théodore Agallianos insulte ainsi l’un de ses collègues qui « accorde de l’importance à la nature, au mouvement des planètes ou à la qualité de l’air », alors que selon lui tout vient de Dieu
Derrière ces questions théoriques se cachent des enjeux très concrets. Selon Agallianos, en effet, il ne faut pas fuir quand la maladie frappe, car c’est une tentative de se soustraire au jugement divin : c’est donc blasphématoire, et donc ça énerve encore plus Dieu...
Raison pour laquelle, selon lui, la maladie se diffuse de ville en ville : le courroux divin suit littéralement les gens qui s’enfuient... On a en quelque sorte une lecture religieuse de la contagion, qui permet de donner du sens à ce qui se passe.
Alors, dans cette optique, que faire ? Agallianos a la solution idéale : il faut aider son prochain. Et donc, lors d’une épidémie, il faut soigner les malades. C’est selon lui la seule façon de racheter ses péchés... et donc d’échapper à la maladie !
Les médecins, quant à eux, n’admettent pas l’idée d’une contagion d’homme à homme. La fuite est donc utile à condition de réussir à quitter la « zone d’influence » de la maladie.
Les médecins grecs s’appuient sur les remèdes traditionnels : renforcer la résistance du corps par un régime adapté, assainir l’air en faisant de grands feux... Comme aujourd’hui, les médecins sont très souvent contaminés et meurent beaucoup #SoignonsNosSoignants
A l’époque, les membres du clergé sont également très touchés, car ils touchent les cadavres : selon un auteur, les prêtres « meurent tous à cause de la chaleur et de la fatigue » - et surtout à cause de la contagion, mais celle-ci n’est pas théorisée à l’époque
Vu que les médecins s’avèrent incapables de guérir la Peste, puis d’empêcher son retour régulier, les sources mentionnent des comportements irrationnels : dans telle ville, les gens brisent tous les vases car une rumeur dit que la maladie se cache dans les récipients !
Partout, les gens se précipitent dans les églises et organisent des prières collectives, sous la forme de grandes processions urbaines : il s’agit d’apaiser la colère de Dieu ou de s’assurer la protection d’un saint local.
Quand la maladie frappe, c’est la société toute entière qui se délite. D’abord dans le rapport entre les morts et les vivants : vu qu’on n’ose plus toucher les cadavres, les morts restent abandonnés dans la rue ou dans leurs maisons, parfois pendant des jours entiers.
Selon plusieurs auteurs, les élites sociales fuient les villes dès les premiers signes de la maladie. Ce qui contribue à la désorganisation sociale et politique de la communauté urbaine...
Paniqués, les gens pillent les réserves alimentaires, s’en prennent les uns aux autres ou blasphèment : en 1466, un auteur note que la maladie était tellement virulente que les gens commencent à dire que Dieu n’existe pas, ou que s’il existe, il doit être fou ou maléfique...
Les conséquences psychologiques à l’échelle individuelle sont également très lourdes. En 1347, puis en 1361, Kydonès, un jeune homme proche de l’empereur, écrit des lettres pendant l’épidémie, qui permettent de saisir « sur le vif » son état mental
« Mon âme est dans la crainte, je souffre les affres de la mort » ; « J’ai l’impression d’être mort moi-même, ma tête me brûle, je crains de devenir fou ». Diagnostic : dépression, avec une bonne dose de stress post-traumatique !
Les vagues de Peste contribuent ainsi à l’affaiblissement de l’empire byzantin, et donc à son effondrement : pas uniquement du fait de la saignée démographique, mais aussi en déstructurant les solidarités sociales et en démoralisant les habitants des grandes villes.
Pour éviter de déprimer comme Kydonès, pensez à prendre soin de vous ! La suite au prochain épisode !
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