Bon. Visiblement mon idée de thread a fait réagir. Donc... c'est parti pour "un thread sur la réalité du métier de libraire pour que les gens arrêtent de penser qu'on fait que "lire toute la journée et vendre des livres."
Fais toi un thé, et déroule.
Fais toi un thé, et déroule.
En 1999, un charmant petit film romantique tout mignon tout gentil est sorti. Ce film, c'est "Coup de foudre à Notting Hill" featuring Julia Roberts et Hugh Grant, qui découvrent le loooove dans une librairie anglaise trop hype trop cool.
Tu vas te demander pourquoi je te parle de ce film. Eh bien tu vois, ce film revient souvent dans les discussions que j'ai à propos de mon métier. Comme si Hugh Grant avait représenté à la perfection la virevoltante et sublimement calme vie du libraire indépendant.
Alors certes, la pauvre librairie de Hugh d'amour n'a pas une superbe destinée dans le film, MAIS. Je compte plus le nombre de fois où l'on m'a dit "ouaiiiiis, mais bon, son job est pas difficile quoiiiiii. Il fait pas grand choooooose."
J'ai donc décidé, avec amour, bienveillance et sympathie, de détruire ces clichés et fausses idées que les gens se font de mon métier, en particulier à cause des standards d'Hollywood mais aussi parce que "Amazon c'est tellement plus rapide, la librairie c'est dépassé."
CLICHÉ NUMÉRO UN : "non mais au fond, ton métier c'est de vendre des livres, c'est pas non plus l'usiiiiiine..."
Je ne prétends pas avoir un métier aussi difficile que les gens qui travaillent en usine. Loin de là. Mais dire qu'être libraire, c'est simplement vendre du livre, c'est faux. C'est une image fantasmée.
Le métier de libraire, c'est de la vente, d'accord. Mais qui dit vente, dit marketing, gestion, communication. Qui dit vente dit étude de marché, des stocks. Qui dit vente dit mise en avant du produit, création de vitrines, de tables thématiques, d'opérations commerciales.
Si mon boulot c'était juste de poser des bouquins dans les mains des gens en disant "tiens, lis ça" je me ferais chier. Parce que les gens peuvent très bien se passer du contact humain et double cliquer sur Amazon, ils n'ont pas besoin de moi pour acheter des livres.
Mon boulot c'est de montrer aux gens que la librairie indé, c'est autre chose. Qu'on bosse tous les jours pour EUX, que tout est étudié pour qu'ils se sentent le mieux possible, que chaque client aura un conseil personnalisé. Tout ça, ça passe par de longues heures de gestion.
Cette gestion, c'est connaître les prescriptions scolaires par cœur, s'assurer d'avoir un stock suffisant pour chaque titre. Cette gestion, c'est éplucher la presse, spécialisée ou non, pour avoir "le livre dont on parle dans Télérama, vous savez."
Cette gestion, c'est travailler avec des éditeurs, trouver des compromis commerciaux, se farcir 20 cartons pour trouver LE livre qui n'a pas encore été rangé en rayon et que le client veut absolument aujourd'hui, pour qu'au final il reparte sans. Histoire vécue.
Bref, comme tu l'as compris, être libraire c'est pas juste poser des bouquins dans le panier des clients. C'est aussi tout ce qu'il y a autour, et dans cet autour, y'a des milliers de trucs pas toujours drôles.
CLICHE NUMÉRO DEUX : "Mais c'est merveilleuuuuux, tu es entouré de livres toute la journée, tu dois passer tout ton temps à liiiiiiiiiiiire..."
Oui, c'est vrai, je lis beaucoup. Peut-être plus qu'une personne lambda. Parce que c'est au cœur de mon métier, que sans lecture il n'y a pas de conseils, pas de conseils signifiant clients pas contents qui ne reviennent pas, et donc coucou la faillite.
Mais devine quoi? Je lis pas sur mon lieu de travail. Non, vraiment. Jamais. Genre... même pas une petite minute vite fait pendant mon heure de caisse. J'te jure. Ça t'en bouche un coin, hein?
Tout mon temps de lecture, c'est en dehors du boulot. Pendant ma pause déjeuner, dans les transports, chez moi dès que je rentre. Là où d'autres vont au ciné pendant leur jour de repos, moi je lis. Pendant que d'autres dorment après leur journée de boulot, moi je lis.
Ceci n'est pas une plainte. C'est un choix personnel. Mais c'est pour montrer que la journée d'un libraire ne se finit pas au moment où les portes ferment. Une fois arrivé dans ton pieu, t'es toujours au boulot, parce le livre que tu tiens sera un livre que tu conseilleras.
Et pourquoi? Simplement pour pas passer pour un con devant le-a client-e qui te demande "vous l'avez lu?" et pouvoir lui dérouler un argumentaire de vente correct, qui va confirmer ou non son désir d'achat.
