Tenez, nouvelle illustration du jeu de dupes qu'est la procédure pénale française. Cette fois, les victimes sont mineures, ce qui ne perturbe absolument pas le principe. Tout le monde perd.
Depuis le 1er janvier 2017, la présence de l'avocat est obligatoire pour les mineurs. C'est l'effet de la loi du 18 nov. 2016, art. 31. legifrance.gouv.fr/affichTexteArt…
Cette disposition est issue d'un amendement parlementaire, de l'assemblée nationale. L'opération a eu lieu en deux temps. 1er temps, un amendement prévoit que la famille du mineur désigne obigatoirement un avocat. assemblee-nationale.fr/14/amendements…
L'amendement est adopté contre l'avis du gouvernement qui dit que ça va coûter trop cher. assemblee-nationale.fr/14/cri/2015-20…
Deuxième temps, quand le texte revient en 2e lecture, cet article est modifié par la commission des lois pour que l'obligation ne pèse plus sur les parents mais sur le parquet. assemblee-nationale.fr/14/amendements…
L'amendement est adopté sans difficulté. assemblee-nationale.fr/14/cri/2015-20…
L'amendement est adopté sans difficulté. assemblee-nationale.fr/14/cri/2015-20…
Désormais, la loi dispose que "Dès le début de la garde à vue, le mineur doit être assisté par un avocat, dans les conditions prévues aux articles 63-3-1 à 63-4-3 du code de procédure pénale." Ces articles sont le droit commun de la présence de l'avocat en GAV.
Ces règles ont été rédigées en 2011, bien avant la loi de 2016, et concernent des majeurs pour qui l'avocat est facultatif et qui peuvent y renoncer à tout moment. Et notamment cette loi prévoit pour la 1re audition (et la 1re seulement) un délai de carence.
L'OPJ doit attendre deux heures avant de procéder à l'audition pour permettre à l'avocat d'arriver. Passé ce délai, il peut passer outre et entendre sans avocat même si le gardé à vue en désire un. Pour éviter le blocage de la procédure.
Pour les auditions suivantes, la loi ne prévoit aucun délai. L'OPJ peut théoriquement entendre à tout moment sans avocat, en pratique il est invité à laisser un délai raisonnable, et concrètement, on procède par rendez-vous, pas de pb. legifrance.gouv.fr/affichCodeArti…
Sauf que. Il est l'heure du jeu de dupes.
La cour de cassation vient de décider (Crim. 20 déc. 2017, F-P+B, n° 17-84.017) que le renvoi que fait l'ordonnance sur l'enfance délinquance aux articles de droit commun rend applicable aux mineurs le délai de carence. Après deux heures, on peut entendre le mineur sans avocat.
On peut relire les travaux parlementaires (on vient de le faire), JAMAIS une exception au principe de l'avocat obligatoire n'a été voulue par le législateur. La cour de cassation sous couvert d'interprétation fait dire à la loi ce qu'elle ne dit pas.
Et curieusement (not), cette interprétation contra legem se fait dans un sens défavorable à la défense. Fût-ce d'un mineur. Abracadabra : le législateur, en voulant créer une garantie pour le mineur, a créé sans s'en rendre compte une exception à cette garantie. Le jeu de dupes.
L'arrêt du 20 décembre 2017, commenté sur @Dalloz Actualité, avec lien vers l'arrêt dalloz-actualite.fr/flash/conseque…
