#Thread (complété) sur la réfutation par Aristote du communisme tel qu’imaginé par Platon dans La République. Les arguments qu’il développe dans Les Politiques sont remarquables et devraient être rappelés lorsque les utopies collectivistes font leur retour dans le débat 1/
2/ D’abord, nous dit Aristote, le communisme a un vice intrinsèque majeur : il considère les humains comme des unités homogènes. Pis, il tend à l’uniformisation, ce qui revient à nier la diversité d’une cité.
3/ Parlant de l'organisation idéale platonicienne et notamment du communisme recommandé pour la classe des Magistrats (les Sages), il écrit : "il est bien évident qu'avec cette unité poussée un peu loin, la cité disparaît tout entière. Naturellement, la cité est fort multiple."
4/ "(…) fût-il possible de réaliser ce système, il faudrait s'en garder, sous peine d'anéantir la cité. [Car] la cité ne se compose pas seulement d'individus en certain nombre ; elle se compose encore d'individus spécifiquement différents."
5/ "les éléments qui la forment ne sont point semblables. Elle n'est pas comme une alliance militaire, qui vaut toujours par le nombre de ses membres, réunis pour se prêter un mutuel appui, l'espèce des associés fût-elle d'ailleurs parfaitement identique."
6/ Aristote développe ensuite un argument puissant : la propriété privée, que Platon aurait voulu abolir (dans La République, il reviendra sur ce point dans Les Lois), est indispensable au fonctionnement de la cité car nous prenons plus soin de ce qui nous appartient :
7/ "Le système proposé [par Platon] offre encore un autre inconvénient : c'est qu'on porte très peu de sollicitude aux propriétés communes. Chacun songe vivement à ses intérêts particuliers, et beaucoup moins aux intérêts généraux, si ce n'est en ce qui le touche personnellement"
8/ "(…) quant au reste, on s'en repose très volontiers sur les soins d’autrui (…) Il est donc évidemment préférable que la propriété soit particulière et que l'usage seul la rende commune."
9/ Il est assez fascinant de relire ce passage d’un ouvrage publié au 4e siècle avant J.C., en pensant aux échecs des utopies socialistes du 19e siècle (Fourier, Owen) et aux expériences invraisemblables et destructrices du 20e siècle dans le monde communiste.
10/ Dernier argument avancé par Aristote, d'une grande finesse sur la nature humaine : la propriété privée est indispensable pour que chacun puisse ressentir le besoin de donner, de partager, de penser à son prochain. En d'autres termes, la philanthropie et plus généralement,
11/ la conscience d'appartenir à une cité ne peuvent s'exprimer que si l'on dispose de ses propres revenus. La vraie solidarité selon Aristote n'est pas forcée mais doit partir de l'individu, libre de donner parce qu'il fait preuve de modération et d'altruisme.
12/ Il écrit ainsi : "On ne saurait dire tout ce qu'ont de délicieux l'idée et le sentiment de la propriété. L'amour de soi, que chacun de nous possède, n'est point un sentiment répréhensible ; c'est un sentiment tout à fait naturel."
13/ "(…) ce qui n'empêche pas qu'on blâme à bon droit l'égoïsme, qui n'est plus ce sentiment lui-même et qui n'en est qu'un coupable excès ; comme on blâme l'avarice, quoiqu'il soit naturel, on peut dire, à tous les hommes d'aimer l'argent."
14/ "C'est un grand charme que d'obliger et de secourir des amis, des hôtes, des compagnons ; et ce n'est que la propriété individuelle qui nous assure ce bonheur-là."
15/ "Détruire la propriété privée, conclut Aristote, enlève à deux vertus toute occasion de s'exercer : d'abord à la continence (…) en second lieu, à la générosité, qui ne va qu'avec la propriété (…)."
16/ "Car, dans cette république [celle de Platon], le citoyen ne peut jamais se montrer libéral [qui donne à autrui], ni faire aucun acte de générosité, puisque cette vertu ne peut naître que de l'emploi de ce qu'on possède."
FIN (Note sur la traduction =>)
17/ Note : j’ai repris ici la traduction de Jules Barthélémy-Saint-Hilaire de 1874 car celle-ci est en ligne gratuitement. Pour une lecture plus aisée, je recommande les traductions récentes de Pierre Pellegrin (1990) ou celle de Jules Tricot (1962) que je trouve très agréable.
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