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En français cette fois (après la version anglophone)

FIL - Les "points de bascule" du climat dans les rapports spéciaux du #GIEC @IPCC_CH de 2018 et 2019
La question de ces points de bascule du climat a récemment suscité un très large intérêt, suite ) la couverture médiatique de ce commentaire publié par @NatureNews :

nature.com/articles/d4158…
Les commentaires publiés dans le journal "Nature" sont une commande des éditeurs du journal. Je ne pense pas qu'ils fassent l'objet d'une relecture scientifique (peer-review).
Ce récent commentaire dans "Nature" citait certains des derniers rapports du #GIEC @IPCC_CH
Sa figure, qui cite "source, IPCC" est une représentation incorrecte des dernières évaluations de risque dans les rapports du #GIEC @IPCC_CH, comme je le montre ici pour l'AR5 (2014) et pour #SR15 (2018).
@NatureNews, est-ce possible de mettre à jour votre figure pour refléter correctement les seuils de niveaux de risque tels qu'ils ont été évalués dans les rapports du #GIEC @IPCC_CH?
Mais quelle est vraiment l'évaluation concernant ces "points de bascule" du système climatique qui figure dans les 3 derniers rapports spéciaux du #GIEC @IPCC_CH #SR15, #SRCCL et #SROCC?
Quelques définitions (glossaire #SR15 en français)
Commençons par le rapport spécial #SR15, qui a examiné l'état des connaissances (sur la base des publications scientifiques) pour des niveaux bas de réchauffement planétaire, principalement entre l'actuel (1°C) et des mondes 1,5°C à 2°C plus chauds (par rapport à 1850-1900)
Le résumé pour décideurs fournit une mise à jour de l'évaluation des impacts et risques associés aux "évènements singuliers de grande échelle", définis comme des changements relativement importants, abrupts, et parfois irréversibles de systèmes induits par le réchauffement global
Que contenait le rapport précédent, le 5ème rapport du GIEC, sur ces aspects : calottes polaires, circulation thermohaline, ENSO et rôle de l'océan austral?
Rapport AR5 (de 2013-2014) : les risques associés à ces événements deviennent modérés entre 0,6°C et 1,6°C au-dessus des niveaux préindustriels et élevés entre 1,6°C et 4,6°C (potentiel d'élévation irréversible du niveau de la mer à cause des calottes du Groenland & Antarctique)
(et cela avec un degré de confiance faible à moyen)
L'évaluation du #SR15 est : le niveau de risque modéré se situe à 1°C de réchauffement planétaire et le niveau de risque élevé ) 2,5°C du fait de nouvelles connaissances (observations et modélisations) de la calotte de l'Antarctique de l'Ouest (degré de confiance moyen)
Il y a bien sûr une évaluation détaillée dans le chapitre sous-jacent, traçable à l'analyse des sources d'information et leur cohérence dans la littérature scientifique (en anglais) :
ipcc.ch/sr15/chapter/c…
Pour les calottes polaires, sa conclusion: la plage de températures 1,5°C-2°C présente un risque modéré, associé à un déclenchement potentiel d'une instabilité dynamique de la calotte de l'Antarctique ou une perte irréversible de la calotte du Groenland,
pouvant être associés à une montée du niveau des mers jusqu'à 1-2 m à l'échelle de 2 siècles.
Pour la circulation méridienne de retournement de l'Océan Atlantique (AMOC):
- il est plus probable qu'improbable que l'AMOC s'est affaibli au cours des dernières décennies,
- les éléments scientifiques liant l'affaiblissement récent de l'AMOC au réchauffement anthropique sont limitées

- il est très probable que l'AMOC s'affaiblira au cours du 21ème siècle
- il n'y a pas d'élément scientifique indiquant des amplitudes significativement différentes de l'affaiblissement de l'AMOC entre 1,5°C et 2°C de réchauffement climatique, ou d'un arrêt de l'AMOC pour ces niveaux de réchauffement planétaire.
Les risques associés pour cette plage de réchauffement sont donc considérés comme faibles à modérés
Pas de conclusion claire pour l'évolution du rôle de l'océan austral comme puits de carbone dans cette plage de réchauffement
Les éléments scientifiques montrant une augmentation de la fréquence des événements extrêmes d'El Nino avec le niveau de réchauffement climatique conduisent à indiquer un risque élevé même pour 1,5°C.
Dans le #SR15, vous trouvez également une évaluation de points de bascule à l'échelle régionale, à partir d'une analyse d'éléments scientifiques montrant ou non l'existence de bifurcations / irréversibilité / points de bascule, pour différentes plages de réchauffement
Aucun élément ne montre de point de bascule pour la glace de mer de l'Arctique (réversible) mais c'est bien sûr différent pour les conséquences de son recul pour les espèces ou les écosystèmes qui en dépendent.
Il y a également une évaluation succincte portant sur les forêts tropicales, qui sont sous pression du fait de la déforestation et du changement climatique.
C'est une excellente transition vers l'évaluation de "points de bascule" dans le rapport spécial du #GIEC @IPCC_CH portant sur le climat et les terres #SRCCL (non mentionné dans le commentaire de "Nature") de 2019.
La référence à des "points de bascule" est limitée dans ce rapport, mais l'irréversibilité de la dégradation des terres, y compris la désertification, fait bien sûr partie de cette évaluation de l'état des connaissances.
Le rapport met en évidence des écosystèmes spécifiques particulièrement vulnérables à l'irréversibilité (qui ne peut pas être restauré à un état antérieur), en raison à la fois de la pression sur les terres et du changement climatique:
- les tourbières (difficultés pour retrouver leur état initial en les réhumidifiant)
- les systèmes de pâturage des zones arides sont vulnérables à des points de bascule lorsque la couverture du sol tombe en dessous de 50%, après quoi la productivité chute, l'infiltration diminue et l'érosion augmente
L'évaluation des risques liés aux processus liés aux terres comprend la perte irréversible des fonctions et des services des écosystèmes terrestres nécessaires à l'alimentation, à la santé, à l'habitabilité des lieux de vie et à la production / niveau de réchauffement climatique.
Des formes irréversibles de dégradation des terres (par exemple, perte de terre végétale, érosion grave par ravinement) peuvent entraîner une perte complète de la productivité des terres.
Des limites potentielles à l'adaptation existent si la dégradation des terres devient grave et irréversible:
- érosion côtière où les terres disparaissent
- effondrement des moyens de subsistance en raison de la fonte du pergélisol,
- et formes extrêmes d'érosion des sols (par exemple, glissements de terrain, érosion par ravinement menant à des surfaces impropres à toute activité agricole)
A long terme, les pratiques d'irrigation utilisant les eaux souterraines peuvent également entraîner des combinaisons sévères d'effets secondaires potentiels et des conséquences irréversibles.
Dans d'autres contextes, la pression conjointe d'un manque d'eau et d'incendies répétés peut conduire à une transition d'une forêt fermée à une savane ou une prairie :
quand les incendies se répètent fréquemment, les arbres ne peuvent pas atteindre leur maturité reproductive et la régénération post-incendie échoue.
De même, une diminution de la pluviométrie et une augmentation de la récurrence de sécheresses peut empêcher le succès de la régénération forestière.
Ce rapport mentionne également brièvement une autre dimension d'irréversibilité, liée à la perte d'héritage culturel (je ferais un fil sur ce point précis par la suite).
Pour en savoir plus, le rapport complet est disponible (en anglais) ici : ipcc.ch/srccl
et en attendant la disponibilité des traductions officielles en français, voici le lien vers la traduction citoyenne du résumé pour décideurs :
citoyenspourleclimat.org/2019/03/24/inf…
Passons maintenant au troisième rapport spécial récent du #GIEC @IPCC_CH qui porte sur l'océan et la cryosphère dans un climat qui change, #SROCC.
Ce rapport continent des dizaines de références aux "points de bascule", dès son premier chapitre de cadrage et introduction.
Ce chapitre 1 introduit la notion de non linéarité et de seuils dans l'océan et la cryosphère.
"Les potentiels points de bascule de l'océan et de la cryosphère font partie des éléments scientifiques en faveur d'efforts visant à limiter le réchauffement climatique bien en dessous de 2°C (GIEC, 2018)".
Ce chapitre 1 du #SROCC introduit également la notion "d'incertitude profonde" et en donne trois exemples: émissions de carbone et de gaz à effet de serre du pergélisol; calotte polaire antarctique et montée du niveau de la mer; risques composites et impacts en cascade
Le chapitre 4 sur la montée du niveau de la mer présente une évaluation détaillée de l'état des connaissances relatives aux changements à long terme des calottes polaires. Je souligne simplement la conclusion de sa section sur les scénarios à long terme, au-delà de 2100.
Il y a également un encadré complet sur l'instabilité dynamique des calottes polaires ("marine ice sheet instability") dans le chapitre 3 de #SROCC (Cross-Chapter Box 8 in Chapter 3)
Environ un tiers de la calotte glaciaire antarctique (AIS) est une calotte polaire "marine", c'est-à-dire qu'elle repose sur un socle rocheux situé sous le niveau de la mer, la majeure partie de la marge de la calotte polaire se terminant directement dans l'océan.
Ces caractéristiques rendent la calotte polaire vulnérable aux instabilités dynamiques.
La future réponse dynamique de la calotte glaciaire antarctique en réponse au réchauffement sera en grande partie déterminée par les changements de ces plates-formes de glace flottante (ice shelves),
car leur amincissement ou leur effondrement réduira leur capacité à jouer le rôle de contrefort, ce qui entraînera une accélération de l'écoulement de la glace continentale et un amincissement des bords de la calotte.
Depuis l'AR5 (2013), il y a de plus en plus d'éléments scientifiques (observations et modélisation) selon lesquels un retrait accéléré pourrait être en cours dans plusieurs exutoires importants de la calotte en baie d'Amundsen,
y compris les glaciers de Thwaites, Pine Island, Smith et Kohler.
L'un des plus grands glaciers émissaires de la calotte glaciaire de l'Antarctique de l'Est, le glacier Totten, a également reculé et s'est aminci au cours des dernières décennies.
Cependant, l'échelle de temps et le rythme futur de ces processus ne sont pas bien connus, ce qui crée une incertitude profonde quant aux projections des contributions de la calotte polaire antarctique à la montée future du niveau des mers.
Terminons avec le chapitre 6 du #SROCC qui est fortement axé sur les changements abrupts, ici au sens des aspects du système climatique physique, mais aussi en termes d'irréversibilité des impacts sur les écosystèmes ou les systèmes humains.
Voici le tableau récapitulatif des phénomènes abrupts et irréversibles liés à l'océan.
et le tableau récapitulatif des phénomènes abrupts et irréversibles liés à la cryosphère.
Ce chapitre comporte également une évaluation pour la circulation méridienne de retournement de l'Océan Atlantique (AMOC).
Les observations in situ (2004-2017) et celles basées sur des reconstructions de la température de la surface de la mer indiquent que la circulation méridienne de retournement de l'Atlantique (AMOC) s'est affaiblie par rapport à 1850-1900.
Les données sont insuffisantes pour quantifier l'ampleur de cet affaiblissement ou pour l'attribuer rigoureusement au forçage anthropique en raison du manque de longues séries d'observations.
Bien qu'une attribution (formelle) ne soit actuellement pas possible, les simulations des modèles CMIP5 de la période 1850–2015 montrent, en moyenne, une AMOC s'affaiblissant en réponse au forçage anthropique.
L'AMOC s'affaiblira très probablement au cours du 21ème siècle (degré de confiance élevée), bien qu'un effondrement soit très peu probable (degré de confiance moyen).
Néanmoins, un affaiblissement substantiel de l'AMOC reste un scénario physiquement plausible.
Un tel affaiblissement affecterait fortement les systèmes naturels et humains, entraînant une baisse de la productivité marine dans l'Atlantique Nord, davantage de tempêtes hivernales en Europe, une réduction des précipitations estivales sahéliennes et sud-asiatiques,
une diminution du nombre de cyclones tropicaux dans l'Atlantique et une augmentation du niveau régional de la mer autour de l'Atlantique, en particulier le long de la côte nord-est de l'Amérique du Nord (degré de confiance moyen).
De tels impacts seraient superposés aux changements associés à la poursuite du réchauffement climatique.
D'ici 2300, un effondrement de l'AMOC est aussi probable qu'improbable en cas d'émissions de gaz à effet de serre très élevées et très peu probable en cas de forte diminution des émissions de gaz à effet de serre,
soulignant qu'un effondrement à long terme de l'AMOC peut être évité par l'atténuation du CO2 (degré de confiance moyen).
Néanmoins, l'impact de ces changements physiques sur les activités humaines n'a pas été suffisamment évalué et il existe des lacunes de connaissances considérables dans les réponses d'adaptation à un affaiblissement substantiel de l'AMOC.
Ces conclusions liées aux points de bascule potentiels, aux changements abrupts et à l’irréversibilité se reflètent dans le Résumé pour décideurs du #SROCC
Ainsi, pour les calottes polaires :
Une accélération de l'écoulement et du retrait de la calotte ouest antarctique est observée dans la baie d'Amundsen ainsi que pour Wilkes Land en Antarctique de l'Est (degré de confiance très élevé),
ce qui a le potentiel d'entraîner une élévation du niveau de la mer de plusieurs mètres en quelques siècles.
Ces changements peuvent être le début d'une instabilité irréversible de la calotte polaire.
L'incertitude associée au début d'une instabilité de la calotte polaire provient d'observations limitées, de la représentation inadéquate des processus de la calotte polaire dans les modèles,
et d'une compréhension limitée des interactions complexes entre l'atmosphère, l'océan et la calotte polaire.
Certains processus contrôlant le déclenchement futur d'une perte de plate-formes de glace flottante, ainsi que l'étendue d'instabilités de la calotte polaire
pourraient accroître la contribution de l'Antarctique à l'élévation du niveau de la mer à des valeurs sensiblement supérieures à la plage probable, sur un siècle et à des échelles de temps plus longues (degré de confiance faible).
Compte tenu des conséquences de l'élévation du niveau de la mer qu'entraînerait l'effondrement de certaines parties de la calotte polaire antarctique, ce risque d'impact élevé mérite d'être considéré attentivement.
La plage d'élévation du niveau de la mer qui doit être prise en compte pour la planification et la mise en œuvre des réponses côtières dépend de la tolérance au risque des parties prenantes.
Les parties prenantes ayant une tolérance au risque plus élevée (par exemple, celles qui planifient des investissements qui peuvent être très facilement adaptés à des conditions imprévues) préfèrent souvent utiliser la plage probable de projections,
tandis que les parties prenantes avec une tolérance au risque plus faible (par exemple, celles qui décident d'une infrastructure critique)
prennent également compte un niveau moyen mondial et local de la mer au-dessus de la valeur haute de la plage probable (globalement 1,1 m pour le scénario RCP8,5 à horizon 2100)
et à partir de méthodes caractérisées par un niveau de confiance plus faible, par exemple à partir de l'élicitation d'avis d'experts.
L'évaluation des changements d'AMOC est également rapportée dans le résumé à l'intention des décideurs
Le texte du résumé à l'intention des décideurs comprend donc une description de ce qui peut se produire si des événements à faible probabilité et à fort impact se déroulent.
L'évaluation faite dans le #SROCC met en évidence l’état actuel des connaissances et ses limites, complétant l’évaluation #SR15 pour des niveaux de réchauffement plus élevés (et des échelles de temps plus longues) sur la base des projections CMIP5
ainsi que des développements récents disponibles dans la littérature scientifique.
Vous trouverez plus d'informations dans le rapport complet (en anglais) ipcc.ch/srocc

et en attendant les éléments de traduction officiels en français, vous pouvez accéder ici à la traduction citoyenne de son résumé pour décideurs :
citoyenspourleclimat.org/2019/03/24/inf…

FIN!
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