Un #thread sur la question du rétablissement de la dissuasion par les USA à l’égard de l’Iran, avec notamment sur la question du ciblage. 52 cibles pour 52 les otages de 1979 et des sites culturels: le symbolique est partout.
Est-ce illégal comme on l’a dit ? Pas pour les Etats-Unis, qui n’ont ni signé ni ratifié le 2ème protocole de la Convention de La Haye. L"immoralité n'est pas l'illégalité... - unesco.org/eri/la/convent…
Pourquoi spécifiquement frapper le symbolique ? Parce que dès que l’on joue sur la dissuasion par coercition, on mobilise des représentations et des symboles et on peut gager qu’à son habitude, Trump monte aux extrêmes.
Est-ce cohérent avec le style de guerre américain ? Pas nécessairement. Durant la guerre froide, la perspective d’un engagement nucléaire impliquait la destruction massive de villes et donc d’une partie des sites culturels, russes et chinois notamment.
En réalité, autant dans les débats de stratégie nucléaire que de stratégie aérienne, la frappe d’objectifs civils a gêné les auteurs américains. W. Sherman (l’aviateur) estimait que les propositions de Douhet n’étaient pas légitimes... tout en considérant l’usage du chimique.
C’était dans les années 1930 et sa vision a motivé une approche d’interdiction stratégique ciblant les tissus industriels. Durant la guerre froide, D. Brennan, qui a pourtant « inventé » le terme MAD (Mutual Assured Destruction) finit également par estimer immorales les…
…Frappes contre-démographiques. Avec d’autres facteurs (l’arrivée des charges MIRV, plus précises, ou la doctrine de la riposte graduée…), tout cela concourra à l’émergence de logiques "war-winnning", protostratégiques pour reprendre Guitton et Sallantin.
Il s’agit ainsi de créer de l’intrawar deterrence : au cours d’une opération, menacer d’une montée au extrêmes « paliers par paliers », pour contrôler l’escalade. Le contexte était nucléaire. Ici, Trump en arrive au culturel et cible un auditoire très sensible à l’histoire.
Dans la sémiotique politique, c’est donc une montée aux extrêmes. (aparté : selon certaines méthodologies comme le ciblage axiologique notamment - apps.dtic.mil/dtic/tr/fullte…, pas nécessairement). Reste... la question de la crédibilité, pierre cardinale de la dissuasion.
Sur les capacités, c’est jouable. Sur les intentions, c’est une autre question où l’on rejoint la problématique du madman, déjà évoquée pour Trump face à la Corée du Nord : « il est tellement barge qu’il pourrait le faire ». Mais là aussi, il y a astuce.
Les menaces de Trump valent pour l’attaque de cibles… américaines. Or, comme le rappelle @Olivier1Schmitt, les options iraniennes se résument à escalader verticalement (contre les USA donc) ou horizontalement, en utilisant ses proxys ou Qods.
@Olivier1Schmitt Charmant cadeau donc pour les alliés des Etats-Unis dans la région, ainsi offerts à la stratégie indirecte de Téhéran : Washington réagira-t-il à une attaque les visant ? La dissuasion, c’est aussi l’ambiguïté. In fine, le jeu des acteurs me parait plus ouvert qu’il n’y parait.
@Olivier1Schmitt Du moins à court terme. A plus long terme, l’affaire ne manquera pas de laisser des traces: Téhéran regagne certes en statut/considération internationale mais n’en aura définitivement regagné que lorsque les sanctions seront levées. Ce dont Washington ne veut pas entendre parler.
@Olivier1Schmitt De ce point de vue, la meilleure arme iranienne est sans doute la relance du nucléaire, petit à petit : placer Trump face à ses incohérences tout en se sanctuarisant. A nouveau, il y a une carte européenne à jouer...
@Olivier1Schmitt Là-dessus, bonne semaine à toutes à à tous !
