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Rédaction#PQR #PHR, thread du rédacteur en chef, éditeur, ou chef d'agence : j'aurais aimé ne pas devoir apprendre sur le tas ce que je vais y partager, le merveilleux monde journalistique semblant s'imaginer que ça vient tout seul...
On va papoter formation, recrutement, motivation et organisation. Mon expérience, c'est deux ans comme journaliste & chef en hebdo local, puis un an de double rédaction en chef de deux hebdos (soit une dizaine de personnes).
Histoire de vous détendre tout de suite, rassurez-vous, j'ai eu mon lot de recrutements qui ont complètement échoué, de journalistes qui me rendaient taré, et de confères compétents avec qui j'avais du mal à communiquer ou dont je n'ai su tirer le meilleur.
Commençons par le début : les recrutements. Si j'ai une seule proposition, ce serait d'arrêter la cooptation, qui vous coupera de 99 % des candidats potentiels. Alors oui, ça veut dire qu'il faut se fader des centaines de candidatures. Mais ça vaut le coup !
Je recommande donc de rendre le plus publics et ouverts possibles les recrutements. J'ajouterais qu'il est bien à mon avis de ne pas restreindre avec des conditions de diplômes, tout en étant extrêmement clair sur ses exigences opérationnelles et humaines (fortes).
Même chose pour les conditions de travail, ça évite le ressentiment. Un éditeur me parlait comme le roi qui me faisait une obole avec un boulot au Smic (la PHR...) et contrat signé à l'embauche. Je l'ai lâché sans pitié la veille de ma prise de poste vu que j'avais eu mieux !
Autre chose importante même si très chronophage : essayer sincèrement de répondre à tous les candidats. Un moyen de ne pas se noyer : indiquer que tous ceux qui n'enverront pas les documents demandés (CV, lettre de motivation, book ou idées de sujets) n'auront pas de réponse.
Quant au recrutement lui-même, tant afin d'ouvrir au maximum que pour éviter les mauvaises surprise côté employeur, je suis devenu assez fan des procédures opérationnelles. Mettez-les 2 h au boulot et voyez comment ils s'en tirent...
Une fois la personne dans les locaux, et c'est personnellement ma plus grande difficulté, il faut parvenir à se montrer encourageant tout en restant exigeant, compréhensif sans tout excuser au risque de se retrouver piégé après la période d'essai.
Par contre, ne pas mégoter sur la formation par pitié. Il faut s'investir à corps perdu, surtout les premières semaines, pour les accompagner dans la découverte du territoire couvert, des habitudes et idiosyncrasies du journal comme de sa ligne éditoriale.
Mais aussi sur tout le reste : prise de photos sympas, construction de récits complexes, lancement d'enquêtes, etc etc. Si vous identifiez des déficits importants, demandez-vous s'ils pourront être résorbés par votre formation ou par une formation demandée à la hiérarchie.
La formation bénéficie également aux journalistes déjà en poste quand vous arrivez, en décrocher permet de se pointer avec quelque chose en échange du changement de chef (toujours difficile pour un salarié). Ça marche aussi avec du nouveau matériel ! (poke @MonsieurPierre)
Le matériel justement : identifier ce qui pourrait être amélioré (photo, téléphones, ordinateurs, écrans), demander ce qu'ils aimeraient. Pour l'obtenir, se battre, et faire savoir qu'ont se bat ! L'aide des syndicats peut d'ailleurs être précieuse sur la formation et le matos.
Parce qu'à la fin, sion exige beaucoup des journalistes, ils sont en droit et attendront que l'ont soit exigeant envers la direction pour obtenir les moyens d'avoir la productivité et la qualité requise. Au pire, trouver des solutions peu coûteuses.
Dans le même ordre d'idée, remettre en permanence la ligne éditoriale au centre de la rédaction. Pourquoi on couvre ça ? Et pourquoi on ne le couvrirait pas ? Accepter que les journalistes opposent cette ligne éditoriale, quitte à admettre de temps en temps des exceptions.
Tenter également au maximum de créer des spécialités aux journalistes en les envoyant sur les sujets qu'ils préfèrent ou connaissent, ils en seront heureux, deviendront de plus en plus compétents et respectés par leurs interlocuteurs, devenant point de référence de la rédaction.
Ça veut dire aussi qu'un sujet n'a pas forcément à être couvert par celui qui l'amène à la rédaction (tant de propositions ne sont pas faite pour ce motif...). Le but explicite doit être que chacun s'éclate, même si on n'a pas toujours le choix, évidemment.
On en vient au dialogue : chacun son style de management, j'aime bien les échanges collectifs. Un truc gêne la rédaction (typo, ligne éditoriale, incohérences) ? Se caler une heure ou deux, échanger ensemble, prendre une décision en fin de réunion. Et la tenir !
Autre évidence pour les managers, souvent absente dans les médias. Faire des points individuels réguliers, hebdomadaires à l'embauche, mensuels ensuite. Les journalistes auront souvent des choses à dire au chef, et vous de même ! J'ai découvert que c'était très apprécié.
Ces points permettent aussi d'éviter que ne montent des tensions qui, au bout d'un moment, peuvent devenir insurmontables humainement. Je me suis déjà fait presque engueuler en tant que chef, parce qu'il lui fallait vider son sac. Pas facile, mais utile, sinon on rate l'alerte.
Autre évidence managériale méconnue chez nous : ce rôle est absolument merdique, n'attendre aucun remerciement, ni d'en haut ni d'en bas. On ne gratte jamais assez pour les journalistes, et la direction vous trouvera toujours inutilement protecteur... mieux vaut le savoir.
Hors du salaire, qui n'est en général pas de votre pouvoir, bien d'autres leviers de motivation existent. Les utiliser dans l'intérêt de la rédaction. Faire du bon journalisme, être craint autant que respecté, trouver un meilleur poste ensuite en font partie.
Avoir une direction claire l'est aussi, on en revient à la ligne éditoriale et aux pratiques. Un journaliste qui va de sujet en sujet sans même savoir ou comprendre pourquoi se démoralise, c'est normal. Faire savoir sa satisfaction sur les bons papiers est important à ce titre.
Spécificité du manager dans le journalisme, affronter les nombreux pouvoirs. A l'extérieur, défendre farouchement les qualités de la rédaction... quitte à ce que les choses soient dites franchement en interne en cas d'erreur, pour éviter de les refaire et repartir du bon pied.
Attention : ça ne signifie pas qu'on défend le boulot stupidement. On peut admettre des erreurs, les rectifier, le tout publiquement. Mais pas un mot sur les subordonnés hors de l'espace protégé que constitue la rédaction (voire même hors de la réunion individuelle).
Et surtout, soyez aussi journaliste. On peut trapper un sujet mais se débrouiller pour le faire sortir ailleurs, apprendre à ses subordonnés à jouer aux cons ou à vous permettre de le faire. C'est un peu cryptique mais si vous savez, vous savez.
Tout faire pour qu'eux, au quotidien, ne soient pas conscients des facteurs d'autocensure ou de censure. Les rendre libres et prendre ça à votre charge 99 % du temps. Et puis, de temps en temps, autour d'un verre, quand ça s'est refroidi, transmettre ce savoir utile.
Finalement, c'est ça mon plus grand enseignement : discuter, dialoguer, prenez ce temps. Oh, on ne l'a pas, je sais. Mais en fait, et l'erreur est souvent là, le consacrer à faire du management (je sais c'est sale) permet d'en gagner beaucoup au quotidien sur tout le reste.
Votre temps journalistique, lui, n'est plus prioritaire, ça frustre. Vos papiers sont souvent médiocres là où vous pourriez faire tellement mieux. C'est le prix à payer pour que la moyenne du travail de la rédaction, elle, soit bonne, et l'ambiance correcte.
Parce que sinon, une fois que des gens sont dégoûtés de leur travail, qu'ils ne savent plus pourquoi ils bossent dans le journal ou ce qu'ils font dans ce métier, on est mort car la rédaction se trouve à la dérive. Et là, pour remonter la pente, bon courage...
Si vous êtes "simple" journaliste, j'espère que ce thread n'a pas été trop horrible à lire ! N'hésitez pas à indiquer ce qui pour vous fait un bon rédacteur en chef. Les chefs qui arrivent jusqu'ici, je suis preneur de tout commentaire et conseil, ce sera partagé pour tous.
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