Ma première perspective est simple : il faut leur parler, échanger, partout, tout le temps. Des questionnaires réguliers, des chats, des réunions publiques (comme à @lavoixdunord) ou a minima demander à tous ceux qu'on croise ce qu'ils pensent du journal me semble pas mal.
Mais surtout, il faut leur répondre ! Je connais tant de journaux locaux où les lecteurs interpellent les journalistes sur les réseaux sociaux ou par courriel, parfois sur des points fort légitimes, sans que jamais il n'y soit répondu... alors que ces échanges sont riches.
Alors non, ce n'est pas toujours facile car bien des sollicitations se font sur un mode un peu agressif. Mais en réalité, il est très rare que ce mode persiste une fois engagé le dialogue !
Or, il est normal que les lecteurs se comportent ainsi : des choses évidentes pour le journaliste ne le sont souvent pas pour son audience, et en plus, on touche parfois directement à sa vie (tout particulièrement dans les si sensibles pages fait divers...).
Pareil pour le téléphone : tant d'appels initialement agressifs se transforment, une fois quelques explications apportées avec humilité (car on fait forcément des erreurs) font basculer la relation vers plus de cordialité... et parfois un autre article.
Bon, par contre, je conseille d'éviter à tous prix les très rares lecteurs qu'on connaît comme les loups blancs du coin parce qu'ils sont un peu fous. Toujours discuter, mais refuser quand ça ne mène à rien. Ça reste rare, c'est l'exception qui confirme la règle.
Autre point vital : ne jamais, jamais discuter les rectifications d'erreurs factuelles. Jamais. Mise à jour rapide sur le web, erratum (ou précision en cas de manque de clarté) en papier. Et remercier chaleureusement celui qui signale, lui dire de ne pas hésiter à le refaire.
Pourquoi, contrairement à ce qu'on imagine parfois, ce n'est pas propagateur d'incompétence mais au contraire de professionnalisme ? Parce qu'on est voué à l'erreur dans ce métier si artisanal. Même le meilleur professionnel peut se tromper. Il faut l'assumer et l'expliquer.
À ceux qui en doutent, un exemple : la seconde page du @nytimes papier est entièrement consacrée à des rectificatifs. Est-il considéré comme peu fiable, moins fiable qu'un hebdo ou quotidien local français ? Je ne crois pas...
nytimes.com/2018/06/07/rea…
nytimes.com/2018/06/07/rea…
Tant qu'on y est, une erreur ne s'est pas "glissée" dans le journal telle une voleuse, comme on peut le lire dans tant d'erratums :-) elle a été commise par la rédaction ! Nulle honte à l'assumer face au lecteur, ça participe d'ailleurs de son éducation aux médias.
Sur le web, hors des mises à jour orthographiques et syntaxiques (quoique...), il est important de signaler au lecteur le contenu de la mise à jour, en particulier en cas d'erreur factuelle importante. Encore une fois, suivre le @nytimes en la matière semble pertinent.
Suivre les mêmes principes concernant les droits de réponse : indiquer spontanément cette possibilité aux lecteurs/sujets mécontents si c'est une question de perspective et non factuelle. Ne pas mégoter leur publication si toutes les formes ne sont pas respectées.
Ou, si le service juridique tient absolument à ce que le droit en la matière soit suivi à la lettre pour les publier, créer un onglet ou une page dédiée sur le site web, exposant précisément ce qui est exigé. Publier, et y répondre si besoin. Parfois ça crée des sagas ;-)
Quand on vous propose des sujets merdiques ou hors ligne éditoriale, ne dites jamais non frontalement. Faites semblant d'y réfléchir, hésitez, puis expliquez leur que malheureusement, ce ne sera pas possible pour telle et telle raison et que vous en êtes bien désolé.
Ça évite de froisser inutilement. MAIS creusez vous sincèrement le crâne pour voir si derrière cette proposition un peu pourrie, il n'y a pas un beau sujet pour lequel il faudrait travailler un peu votre interlocuteur, et expliquez lui ça !
Ex : "Je veux passer vous voir pour un article sur mon association d'aide aux devoirs dans tel quartier populaire". Répondre : "Je suis désolé, on ne fait pas trop ce type d'articles car nous n'avons pas assez de temps, comprenez qu'après 350 assos nous solliciteraient."
"Par contre, est-il possible de caler un reportage avec plusieurs enseignants bénévoles lors d'une session de présentation aux parents précaires, puis un autre lors de sessions d'aides aux devoirs dans un second temps ?"
"Je vous laisse gérer l'accord des profs et parents, revenez vers moi quand c'est bon." Avec un peu de chance, vous aurez un beau papier sur des gens lambda qui se mobilisent, et sur ces parents/enfants pauvres qui eux aussi font tout pour améliorer leur avenir.
Ce qui ne vous empêche pas, avant publication, de rappeler des parents (dont vous aurez pris les numéros à la réunion) pour avoir leur perspective *après* le début des aides aux devoirs, et de contacter des connaisseurs du coin pour vérifier que l'asso est légitime et respectée.
Autre grand principe selon moi : se tenir à distance des responsables politiques dans comme hors du travail. Tout se sait en local, et j'ai entendu tant de fois "Lui c'est un vendu il déjeune tout le temps avec bidule". Pas d'article ? Pas de "on" ? Pas de rencontre physique !
Pour les interviews et entretiens avec des responsables politiques (et autres pouvoirs si besoin), je ne peux qu'inviter à dupliquer les règles de @lavoixdunord : enregistrement et refus de relecture, annoncés publiquement. Bravo @PJankielewicz !
20minutes.fr/medias/2202083…
20minutes.fr/medias/2202083…
Tant qu'on y est, je vous en supplie, bannissez les micro-trottoirs. Non seulement ça n'apporte aucune information ou plus-value, mais en plus ça fait perdre beaucoup de temps aux journalistes, et les lecteurs savent bien que ça ne représente rien en 2020.
Pas d'articles aux potes, pas d'articles sur les livres ou expos de ses journalistes ou ceux des confrères, pas d'articles bidon sur les nouveaux points de vente du journal (et que les commerciaux arrêtent de les leur vendre pour convaincre).
Essayez à tout prix de présenter les gens cité de la façon la plus complète possible. Bien sûr qu'on a l'air bête quand on fait parler un président d'association qui est aussi élu, un citoyen aussi militant politique connu, et qu'on ne le signale pas aux lecteurs.
Autre point qui me semble important : pas de honte à citer un communiqué de presse. Mais il faut absolument le signaler comme tel ! Le maire qui l'a envoyé avec ses propres citations dedans ne se "confie" ainsi évidemment pas, par exemple.
Ce qui fonctionne aussi pour les confrères et médias concurrents (ou pas d'ailleurs). Les lecteurs le voient. Je sais à quel point la question est sensible, je vous renvoie donc au thread ci-dessous.
Comme d'habitude, je vous invite à commenter, et surtout à donner vos suggestions et recettes dédiées à ce lien si particulier qui unit les abonnés et leur journal local.
