1) Mon livre d’entretiens avec Azdyne Amimour « Il nous reste les mots » est paru aux éditions Robert Laffont le 9 janvier 2020. Ça mérite un #thread, qui va être long, je m’en excuse par avance.
2) Cette publication m’a valu de nombreux messages de soutien, une proportion bien moindre de courriers haineux et souvent ignobles que je m’applique à ignorer, mais aussi quelques réactions perplexes de la part de gens sincères. C’est à eux que je voudrais m’adresser ici.
3) Ma principale préoccupation depuis quatre ans est d’apporter ma contribution, de la manière la plus efficace possible, à la lutte contre le terrorisme en général et le terrorisme djihadiste en particulier.
4) Je ne suis pas naïf (contrairement à ce que pense certains de mes critiques) et je sais que cette lutte nécessite une action militaire et policière.
5) Il est en effet important d’éviter que se reconstitue un « Etat Islamique » au Moyen-Orient ou au Sahel, de repérer les terroristes sur les territoire français et européens, de déjouer et réprimer les attentats.
6) Je soutiens ces efforts, mais je ne peux y participer directement, n’ayant ni l’âge ni les compétences requises pour devenir soldat ou policier.
7) Je suis convaincu que, pour nécessaires qu’elles soient, ces dimensions « musclées » (mais aussi intelligentes, car le renseignement y joue un rôle essentiel) ne sont pas suffisantes. Il faut aussi œuvre à enrayer la « machine à fabriquer des terroristes ».
8) Bien des choses peuvent et doivent être faites dans cet objectif.
9) sur le plan diplomatique, pour apaiser les tensions géo-politiques,
10) sur le plan économique et social, pour éviter de reléguer des populations venant majoritairement de pays musulmans dans des ghettos géographiques, économiques et culturels,
11) sur le plan politique et juridique (pour défendre et si nécessaire adapter nos lois basées sur le principe si précieux de laïcité de manière à garantir les libertés et favoriser le « vivre ensemble ».
12) Mais pour prévenir de futures tragédies, il me paraît également essentiel d’éviter de tomber dans le piège tendu par les terroristes, qui consiste à mettre « dans le même sac » djihadistes, islamistes fondamentalistes, musulmans dans leur ensemble.
13) Je n’ai jamais dit, ni pensé, que le terrorisme djihadiste n’a « rien à voir avec l’Islam » car les djihadistes pensent agir au nom de l’Islam selon la lecture hautement contestable qu’ils font du Coran et de la Sunna
14) Mais il n’y a aucune fatalité à ce qu’un musulman devienne un fondamentaliste en lisant le Coran, comme le montre la diversité même des pratiques de l’Islam, que ce soit au niveau individuel mais aussi dans l’histoire et dans la géographie de l’Islam contemporain.
15) Il n’y a d’ailleurs aucune fatalité à ce qu’un fondamentaliste devienne un terroriste, comme le montre le simple fait que les premiers sont beaucoup plus nombreux que les seconds.
16) Ceci ne veut pas dire qu’il ne faille pas combattre le salafisme, ou l’islamisme politique des frères musulmans, comme toute idéologie intolérante et sectaire porteuse d’atteintes aux droits de l’homme, et de la femme.
17) Savoir comment mener efficacement le combat contre les formes rétrogrades et sectaires de l’Islam est une question difficile.
18) Poster sur les réseaux sociaux des vidéos de femmes voilées disant des sottises, ou envoyer des missives furibondes au courrier des lecteurs de Valeurs Actuelles ou du Figaro me paraît particulièrement inefficace (et même contre-productif).
19) Azdyne Amimour n’est ni un terroriste, ni un fondamentaliste. Il a longtemps été un musulman par atavisme familial, mais fort peu pratiquant.
20) Il a entrepris une démarche de réappropriation de sa religion à la suite de la « conversion » de son fils, mais dans une forme de pratique qui se situe aux antipodes de celles prônées par les fondamentalistes de tous poils.
21) La dérive islamiste de son fils, son départ en Syrie, son refus de quitter l’Etat Islamique pour revenir en France lorsque son père est allé jusqu’en Syrie pour le chercher, et son horrible acte final ont été autant de drames terribles pour Azdyne Amimour.
22) C’est Azdyne Amimour qui a demandé à me rencontrer pour s’expliquer avec moi, et dans l’espoir que je l’aide à comprendre ce qui s’était passé.
23) Je n’ai vu alors aucune raison de refuser la main qui m’était ainsi tendue, et je n’en vois toujours aucune.
24) Si nous refusons de parler aux Azdynes de ce monde, en les considérant comme coupables « par association » des méfaits de leurs enfants ou de leurs coreligionnaires nous les condamnons à l’isolement communautariste.
25) Les fondamentalistes et les djihadistes seront alors libres d’aller faire leur marché dans ce ghetto pour recruter de futurs adeptes.
26) En publiant mon dialogue avec le père du meurtrier de ma fille, j’espère convaincre tout un chacun qu’il est possible de parler à son voisin de palier, même si leurs croyances diffèrent.
