Thread by @oliviertesquet

[MINI-THREAD] Au premier jour des audiences d'extradition d'Assange, il est utile de relire "Conspiracy as governance", son manifeste publié en 2006. Et notamment cet extrait, qui oblige à considérer une continuité entre 2010 et 2016, entre son journalisme et son ingérence.

Tout y est, jusqu'au Parti démocrate, dont les emails seront publiés en pleine campagne présidentielle 🇺🇸 dix ans plus tard. Au même moment, il précise sa pensée dans un autre billet de blog, consacré aux "effets non-linéaires des fuites sur les régimes de pouvoir injustes".

Il y décrit le mode opératoire à venir : révéler les secrets des gouvernants ne permet pas seulement l'éclosion de la vérité ; c'est une attaque "cognitive" contre leur pouvoir, qui dérègle leur fonctionnement et les fragilise.

web.archive.org/web/2007102005…

Cette lecture mathématique des luttes de pouvoir est essentielle pour comprendre le projet et le fonctionnement de WikiLeaks. C'est un peu la version informationnelle de la loi des grands nombres, ce qui justifie - pour Assange - de tout publier sans jamais rien expurger.

A cet égard, WikiLeaks est la matérialisation radicale de la fameuse phrase de Stewart Brand : "L'information veut être libre". Celle-ci sera d'ailleurs invoqué par Chelsea Manning, la principale source d'Assange, dans l'échange qui l'enverra en prison.

wired.com/2010/06/wikile…

Plutôt que de voir Assange comme un agent russe à la lumière de son action en 2016, il faudrait plutôt se demander ceci : qu'est-ce qui, dans la structure du pouvoir américain, a permis la réalisation de son idée ?

Indice en bas de votre écran : washingtonpost.com/news/the-switc…

Les Etats-Unis sont devenus l'ennemi naturel de WikiLeaks car d'un point de vue informatique (celui d'Assange, ancien hacker), un pays dont les secrets sont partagés par 5 millions d'individus est mécaniquement plus exposé aux fuites.

Bien sûr, dans les jours et les semaines qui viennent, il sera surtout question de savoir dans les médias si Assange est journaliste (spoiler : oui, pour les faits concernés). Mais ce serait quelque part lui faire injure que de ne pas s'intéresser à la cohérence de sa pensée.

Et ceci quoi qu'on pense de son action.

p.s. : le lien vers son manifeste fondateur est ici, cryptome.org/0002/ja-conspi…

Pendant que le sort d'Assange se joue dans un tribunal londonien, la justice américaine continue de s'acharner contre Chelsea Manning, la source de WikiLeaks. Son avocate réclame - de nouveau - sa libération. Personne ne peut la forcer à témoigner.

sparrowmedia.net/2020/02/legal-…

De retour en prison depuis mars 2018, Manning pourrait y rester aussi longtemps que dure la procédure contre Assange (on parle d'années). Elle doit en plus s'acquitter d'une amende de 1000$ par jour où elle refuse de témoigner.

Plus de détails sur sa détention dans ce thread que j'avais entamé l'année dernière :

https://twitter.com/oliviertesquet/status/1103783554251739136

📻 Une émission pour prolonger ce thread : j'étais hier dans le #NRVfi de @LaurentGoumarre pour évoquer en profondeur la philosophie de Julian Assange, qui voit le pouvoir comme un ordinateur à pirater. Stimulante discussion avec @A__Lacroix et @jsferjou.

franceinter.fr/emissions/le-n…

Avec cette question (ouverte) : l'apport de WikiLeaks se mesure-t-il à la force de la répression qui s'abat contre son fondateur ?

(écouter notamment ce que dit A. Lacroix en fin d'émission sur le curieux rapport aux normes de Julian Assange)