C'est bien d'alerter sur ce qui devrait être la grande cause nationale chaque année. Mais les pouvoirs publics incluent la justice, et parler d'indifférence de sa part est totalement faux et injuste.
Et à l'attention de tous ceux qui vont venir me parler du cas de Machine qui a été refusée au commissariat où on ne l'a pas crue, servez-vous : 
La politique pénale en la matière est la même au niveau national : dès lors qu'il y a un certificat médical des UMJ, ou des preuves suffisantes autres que médicales pour établir ces violences, c'est le triptique garde à vue, défèrement, CPPVCJ, je vous traduis ça tout de suite.
CPPVCJ : Convocation par Procès Verbal (c'est le procureur himself qui vous donne en main propre votre citation à comparaître) avec Contrôle Judiciaire, c'est à dire qu'avant de sortir vous allez voir un juge qui va vous interdire d'entrer en contact avec la plaignante,…
et de vous présenter à son domicile jusqu'à la comparution. A chaque fois ou presque, le prévenu dit qu'il n'a nulle part où aller. Le juge lui propose donc une chambre aménagée à Fleury Mérogis, et le prévenu se souvient qu'il a un frère qui a une chambre d'ami.
A l'audience, le tarif pour une première comparution est de la prison avec sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans, avec obligation d'indemniser la victime, de se soigner, et interdiction d'entrer en contact avec elle.
A chaque fois ou presque, le prévenu dit que c'est pas possible, il doit récupérer ses affaires et voir ses enfants. A chaque fois, on lui parle de Fleury, il se souvient qu'il a des gens qui pourront aller chercher ses affaires et ses enfants.
On ne dira jamais assez ce que Fleury fait pour lutter contre les problèmes de mémoire.
Si le profil de prévenu est considéré inquiétant, le mandat de dépôt peut tomber très facilement. Tant pis si le prévenu a un boulot, un logement, et qu'il ressortira considérablement désinséré voire précarisé.
Défendre un prévenu de violences conjugales est un exercice difficile et que je n'apprécie guère. Entre le client dans le déni absolu, avec ces formules qu'on entend à chaque fois bien qu'on leur ait supplié de ne pas les dire, et qui ont un effet désastreux sur le tribunal :
"On s'engueule, comme dans tous les couples", "je ne l'ai pas frappé, je l'ai bousculée/poussée contre le mur" (bravo tu viens d'avouer), "Je l'ai tapé du plat de la main" (idem), "Oui mais elle marque facilement aussi".
Parfois, disons-le afin de provoquer une shitstorm qui est une figure obligée désormais sur Twitter, le comportement de la victime n'incite pas à la sympathie, voire relève de l'inconscience.
Il y a des conjointes qui savent faire exploser leur compagnon de colère, et le provoquent, se mettant ainsi en danger, pour obtenir une rupture immédiate, avec garde des enfants et attribution de l’appartement. Et c'est assez imparable. Si elles survivent.
Il y a aussi, et cela met les parquetiers en fureur, les compagnes qui volent au secours du compagnon à l'audience, retirant leur plaint. Ce n'est PAS un cadeau pour la défense, car le tribunal interprétera ça, souvent à raison, comme un signal de danger.
Et plaider la faute de la victime passe très mal, même si parfois il y a des éléments concrets. Maintenant, précision d'importance : ce parfois désigne une minorité de cas.
Dans la majorité, je dirais au pifomètre en repensant à mes dossiers ou à ceux que j'ai vu juger, neuf sur dix, on est en présence d'une femme 100% victime, prise dans un enfer dont elle ne peut sortir sans aide. Et elle la trouve dans le tribunal.
Alors la justice fait ce qu'elle peut avec ce qu’elle a c'est à dire pas grand'chose. Il existe un outil qui a prouvé son efficacité, le TGD : téléphone de Grand Danger. Un bouton à presser pour donner une alerte qui déclenche une intervention immédiate.
Efficace mais coûteux, chaque tribunal doit les attribuer avec parcimonie et parfois choisir entre deux grands dangers.
Enfin, s'il est un message qui doit passer : il ne faut JAMAIS accepter la moindre violence conjugale. Le premier coup porté ne sera pas le dernier. Ca doit être l'acte de décès du couple. Ne pas chercher d'excuse à l'auteur du coup. Même si vus avez insulté sa mère.
La réponse à une insulte à sa mère est une insulte à votre mère (et à ce stade, il est peut être temps de vous demander ce que vous faites ensemble), mais pas un coup. La seule chose qui peut le justifier est pour se défendre d'une agression.
Outre le coup porté, sont des violences le jet d'objets dans votre direction même destinés à vous rater, des gestes ou propos menaçants. Il faut partir, ou le mettre dehors, même si cela ne sera pas suffisant pour provoquer une réponse judiciaire.
Dans les plus de cent affaires où un conjoint est tué par son compagnon, la quasi totalité du temps, des violences existaient déjà. Le meurtre "out of the blue" est une rareté. Et les magistrats le savent, beaucoup ont eu à en connaître.
Et il existe, surtout en région parisienne, plein d'associations très compétentes et rodées à ces situations, et il y a le 3919, appel gratuit, n'apparaît pas sur les factures détaillées de 9h à 22h du lundi au vendredi,
et de 9h à 18h le samedi, le dimanche et les jours fériés.
et de 9h à 18h le samedi, le dimanche et les jours fériés.
Voilà pour ce qui est de l'indifférence des pouvoirs publics. Ça m'a un peu ulcéré de lire ça. Plus de moyens sont nécessaires, c'est certain, aussi certain qu'on ne les aura pas. Mais c'est plus l'indifférence des voisins qui tue que celle des pouvoirs publics.
