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Qffwffq @qffwffq
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Continuons un peu sur le sel avec cette fois-ci un petit thread qui vous montrera à quel point il est très casse-gueule d'avoir des certitudes d'après les résultats d'une ou deux études, même bien faites.
On va causer de SEP.

Il y a quelques années une nouvelle idée a émergé : et si le sel était un facteur de risque de SEP ?
Dans un monde parfait, pour trouver un traitement, il vous faut une hypothèse de départ, des modèles animaux qui l'étaye, une confirmation chez l'humain, d'autres modèles qui suggèrent comment modifier les résultats, et si possible quelque chose qui débouche sur une thérapie.
Dans notre exemple on a déjà l'hypothèse de départ. Elle est basée sur plusieurs constations. Plus on habite au nord du monde et dans un pays développés, plus on a un risque de SEP. Ce même gradient nord sud se retrouve quand on regarde la consommation de sel.
Évidemment il y a plein d'autres facteurs qui ont ce gradient comme par exemple l'ensoleillement, la vitamine D ou le niveau d'hygiène.
Mais on ne peut ignorer le gradient du sel.

Du coup, maintenant qu'on a l'hypothèse, il faut regarder ce qui se passe chez les bestioles.
Et chez les bestioles c'est très drôle : quand vous induisez un des équivalents murins de SEP et que vous nourrissez les rats avec beaucoup de sel, ils font des poussées plus intenses qui récupèrent moins vite.

Et c'est statistiquement très très significatif.
C'est même tellement beau, que ça permet d'avoir un article dans Nature, LA revue scientifique absolue.
Bon ben avec ça on a déjà les gros titres : LE SEL DONNE LA SEP !

Sauf que pour l'instant on n'a pas essayé chez l'humain.

Donc étape deux : faire des expériences chez l'homme.
Alors vous allez peut-être être surpris, mais on n'a pas le droit d'induire une SEP puis donner du sel à un humain pour voir comment il réagit.

Oui je sais c'est fou, mais en fait c'est pas éthique (et on manque de volontaires).
Du coup il faut se débrouiller autrement. Et pour se débrouiller autrement on peut, entre autre, soit demander à des patients avec une SEP quel était leur régime alimentaire avant et pendant la maladie, soit mesurer dans leurs urines la quantité de sel qu'il ont ingéré.
La première méthode a l'avantage de permettre d'étudier ce qui s'est passé avant d'être malade (pour un supposé facteur de risque c'est mieux.

La deuxième d'être quantifiable avec une assez grande précision.
Et donc c'est très exactement ce qui a été fait dans deux études différentes.
Et là ... Ben aucun lien n'a être prouvé. Rien de chez rien.
Bon du coup c'est moins intéressant donc c'est publié dans des revues moins généralistes.
Mais ça donné quand même le droit a des titres dans la presse : LE SEL NE DONNE PAS LA SEP.
Sauf que .....
Sauf que à un moment c'est pas mal d'essayer de comprendre ce qui nous différencie des rats.

Et du coup il faut reprendre la méthodologie des études (le truc que vient de découvrir @Formindep qui tweet sur la disparité des résultats entres équipes selon la méthodo statistique).
Parce que dans cas des rats, on sait très exactement quand ils sont malades (puisqu'on provoque la maladie) et ce qu'on leur donne à manger (car le rat ne va pas faire ses courses à Monop').
Par contre chez l'homme c'est totalement le bordel. Vous vous souvenez-vous de ce que vous avez manager il y a 17 jours ? La quantité d'aliments ? Le type exact ? Non ! (Faites pas semblant).
En fait les études sur le sel alimentaire sur le long terme ne valent rien. C'est pas moi qui le dit mais des études épidémiologiques.

Mais, me direz-vous, ok c'est pas précis, mais les études dans les urines ça c'est fiable ça ! On peut pas se planter ! (Hein @BioHospitalix )
Et c'est vrai. La mesure dans les urines est incroyablement précise. Sauf que le rein, est un organe incroyablement imprécis.
Voilà par exemple les variations de sel dans les urines pendant deux mois malgré des apports de sel constants dans l'alimentation. C'est juste n'importe quoi.
Du coup, sur le long terme et sans contrôle des apports, évaluer le lien entre SEL et SEP en regardant ce qui se passe dans les urines ne sert à rien non plus.
Donc on n'a pas beaucoup avancé. Et la presse ne va pas publier : LE SEL DONNE LA SEP OU PAS parce que c'est un titre nul qui me vaudrait on regard fait de pitié avec une pointe de mépris de la part de @so_sroy si je lui proposais.
Alors comment on avance ? On fait appel à une classe mystérieuse et inconnue de médecins : les physiologistes (@totomathon va être fier de moi, j'ai enfin réussi à placer sa spé sans un thread).

Et on leur demande : où puis-je trouver dans le corps, un compartiment où....
Le sodium reflète de façon fiable (c'est à dire de façon indépendante des variations quotidiennes des apports et des excrétions) la quantité de SEL absorbé.

Et là les physiologistes répondent : LA PEAU.

Et là on fait : Ah...
C'est bien la première fois que des neurologues demandent à des dermatologues (coucou @Boutonnologue) ce qu'ils pensent de la SEP.

Et ça tombe bien parce qu'en fait pour mesurer le sodium dans la peau, il faut en fait des radiologues.
On va donc voir @MrFDA69 et on lui demande comment faire. Et il répond, on peut faire des IRM, mais pas en imagerie de protons, mais en imagerie de sodium (enfin ça c'est la théorie parce qu'en pratique ça ne se fait que pour la recherche).
Et là surprise : les patients avec une SEP ont plus de Na dans la peau que les autres.

Je vous laisse admirer ces images qui ne vous diront rien, avant de vous les expliquer juste après.
C'est beau comme la Joconde hein ?

Alors ce qu'il faut voir c'est les 4 images du haut chez le patient normal versus les 4 du bas chez le patient SEP.

Colonne 1 et 2 pas de différence avec une IRM normale

Colonne 3 les IRM de Na
Et comme vous ne voyez toujours rien, la colonne 4 vous fait un zoom. Et ce qu'il faut voir c'est la peau qui est plus en hypersigal (en blanc) chez les patients SEP. Oui je sais c'est subtile mais c'est significatif.
C'est donc génial et on peut donc dire : LA SEL DONNE LA SEP.
Sauf que.... C'est pas du tout ce que ça montre.

Non.

Ça montre juste que les patients SEP ont plus de sel dans la peau que les autres. Mais ça fait pas une cause.

C'est comme dire : avoir des seins donne la SEP juste parce que le ratio femme/homme de la SEP est de 2/1.
Pour faire un lien de causalité il faut un peu plus.
Et ce qu'on a stock c'est des hypothèses.

En voilà une, dont rien ne dit qu'elle est valable (il faudra des études).

Les patients qui mangent beaucoup de sel ont une flore intestinale très pauvre en lactobacilles. Pourquoi ? J'en sais rien je suis pas bactériologiste.
Et certains régimes où en enrichi l'alimentation de lactobacilles semblent améliorer les états inflammatoires. Mais pas tous.
En tout cas (et je vais arrêter là) il est très probable que les théories qui disent : IL FAUT ARRÊTER LES PRODUITS LAITIERS EN CAS DE SEP soient non seulement débiles, mais dangereuses.

Parce que non confirmées par des études
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