Thread by @vbenard

J’ai reçu quelques témoignages de l’Île de la Réunion, que je vais résumer ici. Notez que toutes les personnes que j’ai contactées n’ont pas la même appréciation de la gravité de la situation, sans doute en fonction de leur lieu de résidence #Thread

Tous les commentateurs soulignent la difficulté de circuler de nuit: lorsque la nuit tombe, des bandes criminelles investissent les points névralgiques routiers et ne se contentent pas de bloquer les routes mais rackettent les automobilistes (10 à 50 € pour passer).

Tous n’ont pas la même perception des difficultés de jour. Certains disent que ça circule « moyennement bien », d’autres qu’il y a aussi des blocages violents.

Il faut cependant bien séparer les barrages de gilets jaunes qui restent plutôt pacifiques, et les barrages criminels

En pratique, les supermarchés sont très mal approvisionnés, n’ouvrent que faiblement, et la situation entre clients est parfois très tendue. La crainte d’une pénurie généralisée est réelle.

Le Kerosène est rationné et les avions (tous les avions ? Certains ? Je ne sais pas) vont faire une escale de ravitaillement sur l’île Maurice voisine.

L’agence de Transfusion sanguine manque de sang.
Les petits commerces sont parfois ouverts, parfois pas.

La nuit, des bandes pillent, et saccagent ce qu’elles ne peuvent emporter. D’autres groupes cherchent à en découdre avec les forces de l’ordre.

Il y a unanimité pour dire que l’envoi de renforts militaires a été trop lent, 4 jours.

Le mouvement GJ est mal structuré et sur le terrain, c’est un peu n’importe quoi. Certains « leaders improvisés » ont appelé à ne bloquer que l’état mais pas les routes. Mais apparemment, ce mot d’ordre peine à être entendu.

L’inquiétude croit parce que les manifestants parlent de bloquer l’unique port maritime de l’Ile. Là, l’approvisionnement deviendrait vraiment très difficile.

De mémoire d’habitant, cette flambée de violence est la pire qu’ait connue l’île (qui en a pourtant connu d’autres). Mais ce n’est pas une situation de guerre civile non plus.

Le catalyseur des mécontentements est la disparité entre les revenus du secteur privé, inférieurs à ceux de la métropole, et les prix (très supérieurs à ceux de la métropole dans bcp de domaines), artificiellement gonflés par des facteurs structurels.

Ces facteurs sont:
- Des règles européennes qui élèvent artificiellement les prix des marchandises africaines
- Une taxe dite d’octroi de mer à l’importation de tous les produits entrant dans l’île.
-Une sur-rémunération des fonctionnaires par rapport à la grille métropolitaine

- Aux règles foncières aussi débiles que celles de la métropole s’ajoutent des difficultés physiques: relief et accès à l’eau différent selon les territoires.

Bref, les questions de pouvoir d’achat sont hyper sensibles.

Enfin, la corruption de la classe politique réunionnaise est endémique, le clientélisme la règle, et la métropole se contente de financer les trous ainsi creusés sans jamais s’attaquer aux problèmes de fond.

Les taux de chômage sont le double de ceux de la métropole, voire plus. L’état et les collectivités tentent d’acheter la paix sociale par des allocs. Apparemment, cet « équilibre » trouve ses limites.

Si vous avez des infos complémentaires, concordantes ou divergentes avec ce qui précède, n’hésitez pas à réagir. /Fin

J’ai oublié de préciser:
- C’est la première fois que toute l’île est touchée et pas uniquement quelques quartiers dits sensibles.
- Le phénomène de racket routier n’avait jamais été observé lors des émeutes précédentes. /fin

Ah, on me dit que la nuit dernière aurait été un peu moins agitée. Mais il est trop tôt pour évoquer une normalisation de la situation.

Ci dessous, analyse d'une des principales causes structurelles du chômage endémique à la Réunion, et proposition pour en sortir

https://twitter.com/vbenard/status/1065969039967694848