Thread by @JessuaEmmanuel

1/ Quelques graphs parlants sur l’ampleur de la polarisation de l’emploi (hausse des emplois hautement (1) et faiblement (2) qualifiés, baisse des emplois moyennement (3) qualifiés) dans les pays OCDE depuis 10-20 ans (sources OCDE et David Autor). Thread à dérouler ⤵️

2/ La 1re catégorie porte sur des tâches à haute valeur ajoutée intellectuelle et non automatisables (chercheur, manageur…). La 2e concerne des métiers avec faibles qualifications mais impliquant des interactions sociales complexes (garde d’enfant, par exemple).

3/ La 3e nécessite + de qualifications mais porte sur des tâches automatisables (ouvriers, secrétaires, employés dans les services administratifs et financiers…).

4/ En 20 ans, dans les tous les pays l’OCDE, la part des peu et surtout des très qualifiés a augmenté et celle correspondant à des qualifications moyennes a diminué. La part de l’emploi peu qualifié diminue seulement dans les PECO (encore en rattrapage sur la période).

5/ Cette polarisation se retrouve dans pratiquement tous les secteurs, mais particulièrement accentuée dans l’industrie et les services financiers.

6/ La polarisation s’expliquerait à plus de 60% par la polarisation à l’intérieur des secteurs et à près de 40% par des changements de structure sectorielle en faveur de secteurs plus polarisés selon l’OCDE. Les services aux entreprises contribueraient à 50% de la polarisation.

7/ Petit focus sur les US : la polarisation se perçoit nettement en ordonnant les professions par salaire croissant. Ce qui est frappant est que le pic de baisse de la part des emplois tend à dériver au fil des décennies vers des emplois de + en + qualifiés (du 25e au 50e pctile)

8/ Aux US, la polarisation s’est d’abord faite au détriment des emplois routiniers peu qualifiés, puis s’est étendue aux ouvriers qualifiés et employés de bureau, puis aux commerciaux moyennement qualifiés.

9/ Ce progrès technique biaisé en défaveur des qualifs moyennes a plutôt augmenté les inégalités sur les deux dernières décennies , cf. graph sur les US. D’une part parce que le travail peu qualifié bénéficie moins des gains de productivité induits par la technologie.

10/ D’autre part parce que l’offre de travail peu qualifié est plus rapidement élastique à une hausse de sa demande que le travail qualifié (dont la hausse de l’offre dépend de l’adaptation de l’offre éducative).

11/ Question ouverte : est-on à l’approche d’une accélération de la productivité liée notamment au numérique et à l’IA ? (thèse Brynjolfsson et McAfee) Les destructions d’emplois pourraient alors s’étendre à de plus en plus de tâches qu’on a longtemps crues non automatisables.

12/ Cela induirait une course accrue entre l’éducation et la technologie pour éviter de se retrouver cantonné à tâches moins qualifiées mais moins automatisables.

13/ Ou bien les promesses technologiques ne seront-elles pas tenues ? (Gordon) Le ralentissement de la pdté et de la contribution du K TIC pourrait au contraire laisser craindre un déclassement massif, avec un niveau d’éducation augmentant + vite que les qualifications demandées.

14/ Mais l’éducation resterait indispensable pour limiter individuellement ce phénomène de déclassement. Elle accentuerait de ce fait la pression sur l’emploi et le salaire des moins qualifiés (cf. graph sur les US).

15/ Quelle que soit l’hypothèse qui se concrétisera, l’éducation sera plus nécessaire et les enjeux de maîtrise des inégalités et de redistribution seront plus aigus que jamais.

16/ 3 références (totalement non exhaustives) : D. Autor economics.mit.edu/files/9835
OCDE oecd.org/fr/els/emp/per…
Et le papier très complet et pédago de @econoclaste econoclaste.eu/econoclaste/ed…