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La bonne volonté ne remplace pas la compétence. C’est particulièrement vrai en matière d’(agro)écologie.
Retour sur les pesticides et l’agroécologie, sur le bon et le mauvais agriculteur.

Thread instructif à partir d’un commentaire un peu revêche.

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Si vous n’avez pas suivi l’affaire, on parle ici des deux agriculteurs, l’un bio et l’autre « accro au glyphosate » présentés dans le dernier numéro d’envoyé spécial, qui étaient le sujet de mon précédent thread :
En fait, le commentaire était en deux temps. Sous ses aspects un peu brutaux, il soulève en fait plein de bonnes questions. Il commençait comme suit :
« Pourquoi utiliser des poisons alors qu'on peut faire la même chose en bio ? »

Justement, on ne fait pas la même chose. Ici, l'agriculteur bio laboure, donc perturbe grandement son sol, utilise beaucoup plus de pétrole, produit moins pour plus cher.
Le bénéfice lié au bio vaut-il ces sacrifices ? Je ne sais pas, mais c’est la question qu’il faut poser. La réponse est difficile parce que complexe. Elle inclut des questions écologiques, économiques, sociales, sociétales, politiques…
« Ce reportage était assez convaincant à ce sujet ».

Oui, c’est le principe du montage, des séquences choisies et d’autres rejetées, judicieusement juxtaposées, pour se montrer convaincant. Peut-être ne faut-il pas s’en contenter.
« Ça fait déjà une heure que je laboure et j’en ai marre. Conclusion ? »

Ben je sais pas, moi. Le gars, il a conscience de faire un truc contreproductif, destructeur du sol et pénible, c’est peut-être pas idiot de pas vouloir y passer la journée ?
« Même surface, mêmes revenus ».

Là, on est sur quelque chose de vraiment intéressant. On peut effectivement argumenter que le principal objectif de l’agriculture est de donner un revenu décent aux agriculteurs, et que le reste suivra.
Simplement, en l’occurrence, l’agriculteur bio produit moins (on ne sait pas de combien), et vend jusqu'à deux fois plus cher (c’est dit). Si le but de l’agriculture est de produire suffisamment à un coût raisonnable, on peut se demander si c’est généralisable.
Est-ce que payer deux fois plus cher pour se passer de pesticides vaut le coup ? Ca dépend sans doute de facteurs économiques, et aussi de la question technique du risque lié au produit utilisé. Si ce risque est fort, alors, probablement, oui…
… ça vaut le coup de payer collectivement deux fois plus cher et de perdre du rendement. Si le risque est faible, c’est moins probable. Ca dépend aussi du rendement précis perdu, et de la sécurité alimentaire résultante.
Ca dépend aussi de choix politiques. La France a choisi un modèle productiviste, exporte des surplus de production. On pourrait faire le choix d’une agriculture juste destinée à nourrir les Français, mais totalement bio.

Pourquoi pas, mais il faut en peser les conséquences.
« On a une faignasse égoïste d'un côté et un travailleur qui en fait travailler deux autres de l'autre. »

Là, la question est intéressante. Dans une large mesure, ce qui fait la force de l’agriculture moderne, c’est sa capacité à produire beaucoup avec peu de main-d’œuvre.
On peut en revanche argumenter que l’on est allé trop loin dans le productivisme, et qu’il ne serait pas mauvais que l’on remette plus de monde dans les champs, afin de pouvoir justement travailler à renforcer les aspects agroécologiques.
Ce qui pourrait par ailleurs aider à résorber le chômage. Mais là encore, la question est complexe. D'autant que les méthodes utilisées en bio imposent parfois des tâches particulièrement pénibles. Imaginez-vous passer vos semaines là-dedans :
Notons que dans la vidéo précédente, on a un immense champ d’oignons (monoculture), sol à nu (érosion), pas une haie ni un arbre en vue (biodiversité zéro), on pourrait discuter du caractère agro-écologique de ce bio-là.
« L’un crée du travail et ne pollue pas ».

Il crée du travail, mais vend deux fois plus cher. Il consomme probablement beaucoup plus de pétrole en labourant. Il faudrait aussi connaître tous ses intrants, pour savoir la pollution qu’il génère précisément.
En fonction de ce qu’il utilise comme fertilisants, la disponibilité de ceux-ci risque aussi de ne pas permettre une généralisation totale du bio. Il faudrait alors encourager, dans le non-bio, les meilleures méthodes. Dont le non-labour.
Bref, encore une fois, les questions agricoles ne s’accommodent pas de conclusions vite faites. Elles sont complexes et cruciales et réclament de la compétence. Il faut progresser dans la voie de l’agroécologie, mais la route de l'enfer est pavée de bonnes intentions.
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