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Julien Gossa @JulienGossa
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"La Faisabilité politique de l'ajustement" par Christian Morrisson

Un rapport de l'OCDE de 1996 qui permet tellement de bien comprendre notre époque... Petit thread ! ⬇️⬇️⬇️⬇️

oecd.org/fr/dev/1919068…
Un petit guide facile à lire pour nos décideurs...
... qui promeut des mesures étalées dans temps faisant des gagnants et des perdants en s'appuyant sur une coalition de gagnants...
... pour éviter que les perdants, et notamment les plus pauvres, se rebellent et empêchent le gagnants de gagner...
... mais aussi faire en sorte que les gouvernants restent au pouvoir...
... au pire on peut utiliser le bâton, mais pas trop non plus... mieux vaut faire aussi des gagnants et des perdants dans le rang des perdants pour éviter une alliance (101 du pouvoir : diviser pour mieux régner) ...
A ce stade prenons une minute pour se rappeler :
- Les nombreuses réformes étalées dans le temps qui vont toujours dans le même sens.
- L'absence d'alternance réelle des politiques et des gouvernants.
- Les coalitions de vrais gagnants.
- Les polémiques entre les perdants.
Après l'intro, les crousti-morceaux !
Maintenant que le décor est posé, allons voir ce que donne ce rapport du côté de l'enseignement, et ce qu'on peut en tirer sur les réformes actuelles.
La loi ORE un programme discriminatoire : il touche l'Université, mais ni les prépas, ni les grandes écoles, et à la marge seulement les filières déjà sélectives.

C'est un de ses clés de succès :
Sur un autre modèle que pour les secteurs énergie et transport, la loi LRU aussi, par l'autonomie des universités, a bien conduit à ce qu'elles deviennent chacune une forme d'entreprise en concurrence les unes avec les autres.

C'est une des façons d'affaiblir le corporatisme.
La loi ORE s'est faite en urgence, dès le début du quinquennat et sur la base essentielle du tirage au sort.

Cela a permis de prendre une mesure impopulaire, en profitant d'un soutien de l'opinion, tout en rejetant la faute sur les prédécesseurs.
Le tirage au sort ne concernait d'ailleurs que 0,4% des bacheliers, pour une centaine de filières sous tension (sur 13000).

Exagérer outrancièrement le problème du tirage au sort participe d'une stratégie de communication utilisée en arme dans le combat politique.
(au passage)
google.fr/search?q="tirage+au+sort"+frédérique+vidal
La CPU, la FAGE et le SGEN-CFDT, notamment, ont formé une coalition d'intérêts qui ont fait contrepoids à l'opposition.
Par chance, aucune grève massive n'a touché les enseignants, les masses de lycéens et d'étudiants n'ont pas été libérés.

Cela éclaire aussi l'importance de ridiculiser au plus vite les mesures qui visaient à libérer ces masses, comme le 10 améliorable par exemple.
Des présidences d'université ont eu recours à des référendums sur les blocages.

Dans une circonstance difficile, le régime présidentiel a utilisé la voie démocratique pour se défendre et affaiblir les corporatismes.
Durant la dernière décennie, les bourses aux lycéens et étudiants n'ont pas été réduites... En revanche aucun droit nouveau n'a été créé.
En s'appuyant sur la "règle d'or" (3% de déficit maximum) imposée par l'Europe, les gouvernements successifs ont gelé le salaire des fonctionnaires depuis maintenant 10 ans. Ces dernier l'ont accepté dans l'intérêt de tous.
En plus du blocage des salaires, les départs à la retraite à des fonctionnaires n'ont pas été remplacés. Une politique discriminatoire, avec la "sanctuarisation" de certaines fonctions publiques, a permis d'éviter un front commun de tous les fonctionnaires.
Tous les bacheliers ont la garantie d'être admis à l'université, cependant les moyens ne lui en sont pas donnés.

Ainsi, on évite toute baisse de la quantité, tout en organisant une baisse de la qualité.
Si l'on a pu observer de violentes réactions aux fermetures de classes, la lente dégradation des conditions d'étude ont surtout mené les famille à se détourner du secteur public pour se tourner vers des solutions privées au prix d'une contribution.
Dans le secondaire, comme dans le supérieur, la mise en oeuvre des réformes (rythmes scolaires, mesures d'accompagnement perso) sont laissées à la discrétion des établissements. Certains y parviennent bien, d'autres pas.

On évite ainsi un mécontentement général de la population.
Il faut s'attendre cependant à un impact négatif sur la croissance. Du point de vue de l'efficacité, mieux vaudrait maintenir un enseignement supérieur de qualité.
Les deux grands gagnants de la réforme ORE sont la CPU, avec un renforcement des libertés de recrutement, et les établissements privés, avec une baisse de la qualité du public.

Les réformes ne sont pas une question d'efficacité ou de justice, mais de rapport de force.
La loi ORE a fait l'objet d'une campagne médiatique intense, accompagnée d'annonces spectaculaires ("1 Milliard d'euros", "sexe et drogue", évacuation musclée des campus, médiatisation des dégradations...).

Ceci a fait contrepoids aux inévitables mécontentements.
Il existe cependant un risque qu'une ministre technicienne ait négligé les coûts politiques, notamment en méprisant totalement les avis des organisations syndicales et des instances comme le CNESR et du CSE.

La partie n'est donc pas encore totalement jouée.
Le danger est surtout que privatiser un secteur public comme l'enseignement supérieur est très difficile, notamment parce que les perdants peuvent être touchés tout de suite.
Depuis peu, les fonctionnaires peuvent toucher une indemnité de départ volontaire.
service-public.fr/particuliers/v…

Cela évite de les pousser au désespoir et donc à une réaction.
Le droit de grève a été largement modifié sous Nicolas Sarkozy, et son prédécesseur, Jacques Chirac, a regroupé les élections du président et de l'assemblée.

Ces mesures ont permis de faciliter l'ajustement que nous connaissons depuis ces années.
L'état d'urgence a octroyés des moyens temporaires spéciaux qui ont renforcé le pouvoir de l'exécutif, et les proposition d'adoption d'un système de votation à la Française n'ont jamais abouti.

Ainsi, le gouvernement a conservé la marge manœuvre nécessaire à l'ajustement.
Et pour conclure, ce texte ne s'applique évidement pas à l'Europe, et encore moins à notre époque. De nos jours et dans nos contrées, nous faisons les choses de façon bien plus feutrée.

Le point de contextualisation de ce texte est ici :
education.blog.lemonde.fr/2010/12/24/pou…
Le lien vers le texte ici (le thread s'est coupé, trahi par la technique) :
oecd.org/fr/dev/1919068…
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