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Hier soir on a suivi avec tristesse et émotion l'incendie de #NotreDame #NotreDameFire (bravo aux #pompiersdeparis). On a beaucoup réfléchi et on s'est dit qu'un hommage approprié et « dans nos cordes » serait de vous parler de l'#histoire (médiévale) de ce lieu. Un thread ! ⬇️
Comme bien d'autres églises, Notre-Dame a une longue histoire derrière elle. Elle est édifiée sur le (probable) site d'un temple galloromain (à Jupiter peut-être), comme le prouve le "Pilier des Nautes" retrouvé en 1711 dans les fondations de la cathédrale (ajd au @museecluny)
C'est là qu'on construit une basilique, au VIe-VIIe siècle. Elle devient une cathédrale au IXe siècle – et d'ailleurs elle brûle en 857, incendiée par les Normands !
Bon, pour être honnête, les villes médiévales n'ont pas besoin des Normands pour flamber : c'est un problème récurrent à une époque où elles sont faites de bois et où il n'y a pas de #pompiers... Un de nos anciens articles sur ce thème :
actuelmoyenage.wordpress.com/2017/07/27/la-…
Après 857, on reconstruit une cathédrale romane...
Dire « on reconstruit » est trompeur. En réalité, au Moyen Âge, une cathédrale est un chantier permanent. Dès qu'un coin est fini, il faut réparer, refaire ou agrandir une autre partie. D'où un renouvellement continu des pierres et des styles
Parlons style, justement : au XIIe siècle, l'Occident latin est touché par un nouveau style, le gothique (notons que le mot lui-même n'apparaît que bien après). La basilique Saint-Denis et la Cathédrale Saint-Étienne de Sens en sont les laboratoires
Le gothique se caractérise entre autres par la recherche de la lumière, donc par l'élévation des structures architecturales (le @museecluny y a récemment consacré une éblouissante exposition). De hautes voûtes et des grands vitraux traduisent le lien entre Dieu et ses fidèles
En 1160, Maurice de Sully, évêque de #Paris (l'archevêché est alors à Sens), décide de mettre « sa » cathédrale à la mode du temps. Il lance donc de grands travaux (même si, encore une fois, les travaux sont ininterrompus sur ce genre de bâtiments)
L'enjeu est également de répondre à la croissance démographique qui touche Paris : la ville double en effet de population entre 1180 et 1220 et devient, avec environ 50 000 habitants, l'une des plus grandes villes d'Occident. Il faut une cathédrale à la hauteur - littéralement.
Le chœur est construit entre 1163 et 1182. Puis on enchaîne sur la nef, la façade, les portails, les deux tours. La tour nord est achevée en 1250. C'est fini ? Et non ! On refait alors les transepts, puis les chapelles du chevet, puis...
Bon, vous avez compris le principe (et si vous voulez en savoir plus la page Wikipédia est super complète). On ne s'arrête jamais car les modes changent, et les vieilles parties s'usent. Dès 1267, par exemple, il faut remplacer les arc-boutants du chœur. Et ainsi de suite.
Le talent de ces artisans médiévaux est paradoxalement bien mis en valeur par l'incendie d'hier : après un feu très violent, dans un bâtiment vieux de plusieurs siècles, les destructions sont finalement assez limitées (l'édifice lui-même ne s'est pas effondré !).
Pour en savoir plus sur les aspects proprement architecturaux de la catastrophe, on vous renvoie à cet excellent thread de @ClementSalviani :
Les chiffres de la cathédrale restent impressionnants. 96 mètres de haut. 113 fenêtres. 75 colonnes et piliers. Il faut l'imaginer dans le Paris médiéval, dominant de trèèèès haut les autres bâtiments (l'image est de Jean-Claude Golvin)
La charpente, qui a brûlé hier (😢), datait pour une grande partie de 1220. Elle est (était) constituée de 1300 chênes – ce qui représente plus de 21 hectares de forêt ! On la surnommait d'ailleurs « la forêt »
Certains des plus vieux arbres avaient été remployés de l'ancienne charpente (1160), et parmi eux certains dataient probablement... du VIIIe siècle. Il y a de quoi avoir le tournis, non ? Les arbres qui ont brûlé hier étaient plus vieux que ne l'est notre langue ou notre pays.
Une cathédrale n'est pas faite que de murs. On pourrait parler des vitraux (dont la grande rose, qui a visiblement survécu !), des dizaines de statues, dont les célèbres gargouilles, des œuvres d'art à l'intérieur, des reliques (sauvées hier), de l'orgue, etc.
A la fin du XIIIe siècle, la cathédrale peut accueillir 9000 personnes : près de 20 % des habitants de la ville. C'est comme si le Stade de France pouvait accueillir 400 000 personnes (au lieu de... 80 000). Un chiffre impressionnant qui montre l'importance qu'avait la cathédrale
Son parvis, par contre, est très étroit : l'île de la Cité concentre énormément d'habitations. Sur ce plan de 1550, on voit bien ce petit parvis, qui reste ainsi jusqu'aux travaux du XVIIIe siècle
Très vite, la cathédrale devient une partie essentielle de l'identité urbaine. Elle est souvent représentée sur des enluminures, en arrière-plan, comme pour compléter un décor - ici, Livre d'Heures d'Etienne Chevalier, Tours, c. 1452-1460, New York, Metropolitan Museum of Art
Cette cathédrale est aussi un haut lieu du médiévalisme. Au XIXe siècle, Viollet-le-Duc, par ses travaux, présente ainsi une certaine image du Moyen Âge : un Moyen Âge sombre, angoissant, gothique, manifesté notamment par les chimères dont il décore les toits
Médiévalisme, également, chez Victor Hugo, dont le roman (1831) fait beaucoup pour la célébrité de la cathédrale. L'adaptation de Disney (1996) diffuse l'histoire auprès des plus jeunes, tandis la comédie musicale (1998) donne au lieu une bande-son #ilestvenuletempsdescathedrales
Médiévalisme toujours dans la poésie du XIXe siècle, qui prend souvent #NotreDame comme motif. Allez, sans tricher, de qui sont ces vers ? « Que c'est grand ! Que c'est beau ! Les frêles cheminées, De leurs turbans fumeux en tout temps couronnées... »
Et ceux-là ? « Notre-Dame est bien vieille : on la verra peut-être / Enterrer cependant Paris qu’elle a vu naître... »
Au fil de son histoire, que d’événements... Elle accueille les premiers états généraux du royaume (avril 1302). Puis le procès de réhabilitation de Jeanne d'Arc, le sacre de Napoléon, le mariage de Napoléon III, les funérailles de l'abbé Pierre... #minutestephanebern
Une cathédrale est vivante et Notre-Dame a une vie bien remplie. Les travaux de Soufflot (XVIIIe siècle), les dégradations durant la Révolution française, les restaurations/reconstructions de Viollet-le-Duc au XIXe, tout cela fait partie de l'histoire du lieu
L'#IncendiedeNotreDamedeParis d'hier, aussi tragique soit-il, fait également partie de cette histoire longue de plusieurs siècles. Nul doute que les restaurateurs et restauratrices sauront ressusciter Notre-Dame. Et on peut aider !
don.fondation-patrimoine.org/SauvonsNotreDa…
Bien sûr, ce ne sera pas « la même » : mais précisément, elle n'a jamais été « la même » ! C'est cette réinvention permanente d'elle-même qui fait de Notre-Dame (et des autres cathédrales) des trésors d'histoire, d'une histoire vivante, tournée vers l'avenir et l'espoir
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