Thread by @Fabiensapiens

L’humain, c’est l’espèce faible. Il ne court pas vite, n’est pas très fort, n’a pas de griffes, pas de crocs…
Platon l’avait déjà compris. Arte le répète encore.
Sauf que...

Thread ⬇️⬇️⬇️

arte.tv/fr/videos/0757…

Sauf que non.
Il se trouve que les humains sont carrément bons dans quelques domaines. Avec quelques compétences physiques originales, quelques armes discrètes mais redoutables, acquises il y a à peu près 2 millions d’années.

La première, qui commence à être connue du grand public, c’est l’endurance :
Les humains ont la capacité de courir longtemps à vitesse modérée, ce qui leur confère un avantage substantiel sur beaucoup d’autres espèces.
Dont pas mal qui se mangent.
#çapeutservir

Pourquoi ? Parce que se tenir debout, ça change pas mal de choses.
Déjà, ça permet de respirer mieux :
Les quadrupèdes, quand ils courent, utilisent leurs membres antérieurs. Au galop, ça contraint leur respiration : un mouvement, une respiration.

Et ça épuise vite. Au bout de quelques minutes de galop, le quadrupède moyen doit s’arrêter pour reprendre son souffle.
Sur ses pattes arrière, l’humain n’a pas ce problème. Il peut découpler sa respiration de sa foulée, et l’adapter à ses besoins.

Certains auteurs suggèrent donc une méthode de chasse originale : trouvez un animal, et poursuivez-le juste à la vitesse qui le force à se mettre au galop. Il court plus vite que vous, il vous échappe, mais doit s’arrêter au bout de quelques minutes.

Pistez-le, retrouvez-le, forcez-le à repartir au galop.
Recommencez pendant quelques cycles, quelques heures s’il le faut. Si vous maintenez suffisamment la pression, il finira, à bout de souffle, par ne plus pouvoir s’enfuir ni se défendre.

On appelle ça la chasse à l’épuisement. Méthode qui aurait été rendue encore plus efficace par d’autres caractéristiques physiques humaines. Par exemple, se tenir debout permet d’exposer moins de surface au soleil de midi : on s’échauffe moins.

Être longiligne et sans fourrure permet d’évacuer mieux la chaleur. Et nos ancêtres ont décuplé l’efficacité de leurs glandes sudoripares.
C’est la deuxième moitié de l’arme secrète : pouvoir chasser et courir à des températures où les autres animaux sont en surchauffe.

Çe qui rendrait plus facile une chasse à l’épuisement, et permet d’éviter la concurrence des autres prédateurs, qui en Afrique, aux heures chaudes de la journée, restent sagement à l’ombre.
Ce serait ça, le secret : prendre les autres à contre-pied.

Malgré tout ça, la chasse à l’épuisement, ça peut encore être épuisant pour le chasseur.
Qu’est-ce qui pourrait la rendre plus facile ?
Que la proie soit légèrement affaiblie dès le début de la chasse ? Mouais, pas mal.
Par exemple si elle a reçu un projectile bien lancé ?

Vous l’avez compris, une autre caractéristique physique humaine importante est l’adaptation au lancer. Qui plus tard permettra de projeter des sagaies mortelles, mais qui, déjà chez les premiers humains, permettait sans doute de redoutables jets de pierre.

Et justement, il semble que cette adaptation aussi se mette en place il y a 2 millions d’années.
#ohbençaçatombebienalors

europepmc.org/backend/ptpmcr…

Notons aussi que lancer des objets peut avoir une fonction défensive tout à fait intéressante.
Ça, et savoir encore un peu monter aux arbres, même si on le fait moins efficacement que les cousins chimpanzés.

Il y a discussion parmi les anthropologues sur la réalité de la chasse à l’épuisement, et sur le rôle du lancer, mais ce qui est sûr, c’est l’apparition simultanée de ces compétences physiques nouvelles et de traces de consommation animale plus importante.

Ce qui aurait pu alimenter un cerveau plus gros et plus performant, qui justement, apparaît lui aussi à partir de cette époque.
Oui, rappelez-vous :

https://twitter.com/Fabiensapiens/status/1082541523261112320

Mais alors pourquoi Platon et les auteurs d’@ARTEfr ont-ils loupé ces compétences bien réelles ?
Et bien, parce que pour un humain d’une société post-néolithique, elles ne sont pas évidentes : seuls quelques hurluberlus courent encore des (ultra)marathons.

Et depuis l’invention de l’arc, les lancers directs sont moins déterminants.
Pour l’anecdote, sachez que les chercheurs qui ont suggéré des capacités extraordinaires d’endurance chez les humains (et leur possible rôle évolutionnaire) étaient eux-mêmes des marathoniens.

Mais quoi qu'il en soit, dans des jeux olympiques inter-espèces, l’être humain gagnerait au moins le marathon et toutes les épreuves de lancer…
Et nos ancêtres qui avaient déjà ces compétences il y a 2 millions d’années ont sans doute pu s’en sortir pas trop mal grâce à ça…

Pour plus de détails sur les capacités physiques de la lignée humaine, sur ce qu’en pensent Platon et quelques intellectuels aujourd'hui, n’hésitez pas à aller consulter l’article de blog correspondant à ce thread :
anthropogoniques.com/2018/11/05/pas…

Pour un excellent résumé en 3 minutes de la question de l’endurance humaine et de l'hypothèse de la chasse à l'épuisement, ce très bel épisode de « La Minute Science » :

D'autres threads ici, pour mes nouveaux abonnés :

https://twitter.com/Fabiensapiens/status/1190324001773703170

Une autre modification survenue chez les premiers humains, génétique cette fois. Une modification qui elle aussi pourrait être favorable à l’endurance.

royalsocietypublishing.org/doi/pdf/10.109…

J'ai pas mal de remarques sur les espèces qui pourraient battre les humains en endurance : des canidés, camélidés, équidés...
Si vous avez des données sur les capacités de ces animaux par temps chaud, plein soleil, je suis preneur, il y a assez peu de choses précises.

Il y a des courses comme la man vs horse, mais c'est au pays de Galles, pas exactement un climat comparable à la savane africaine, ça commence au frais tôt le matin, et ça finit au frais tard le soir, et je sais pas le niveau des participants humains.

u-run.fr/40800-man-vs-h…

Oups, je confonds avec une autre course plus longue, pour les horaires, où les chevaux font des temps qui me semblent meilleurs que ce que pourraient faire des humains.
Là encore, en montagne, températures pas comparables à la savane africaine.

teviscup.org