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Le Plantoscope @plantoscope
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Qu’est ce qui est vert et qui pousse partout ? Tout au long de cette belle journée, j’aimerais vous parler un peu d’herbe. Mais surtout de ce qui la rend si verte : la chlorophylle, sa vie, son œuvre, c’est parti, youpi ! #PDJ #PDJ135
Déjà, c’est quoi, de l’herbe ? La question paraît stupide, mais... l'herbe, c'est quelle espèce ? En général, le terme s'applique à plusieurs espèces de Poacées (Graminées) que l’on retrouve dans les gazons, les pelouses, les pâturages…
Pour votre culture générale, l’espèce la plus courante des gazons de nos latitudes est sûrement Lolium perenne (ivraie vivace ou encore Ray-grass en anglais), qui résiste bien au piétinement, et aux variations de températures.
Fins observateurs, vous remarquerez qu’entre le dessin ci-dessus et les pelouses sur lesquelles vous marchez, il semble y avoir un monde. L’aspect touffu du gazon ne résulte que du fait que l’on coupe régulièrement les tiges de ces pauvres herbacées…
Vous ne la verrez donc fleurir de ses discrètes fleurs vertes agglomérées en épis qu'au printemps, dans les endroits où l'on a oublié de tondre la pelouse...
Il en existe plus d'un millier de variétés sur toutes la surface du globe, dont vous ignoriez peut-être l'existence jusqu'à présent. Cette lacune comblée, j'espère que vous aurez une petite pensée pour cette plante que vous piétinez chaque jour.
Vous aurez sans doute remarqué qu'à l'instar des autres plantes, l'herbe est souvent verte, et vous savez tous plus ou moins que c'est du à la chlorophylle. Et bien figurez-vous que la molécule est extraite et nommée pour la première fois à partir d'herbe, toute bête.
L’événement historique se déroule en 1817, featuring Joseph Pelletier et Joseph Caventou, des stars du 19ème siècle dans le domaine de l'extraction de molécules végétales. Pour ceux que ça intéresse, une publication sur leur vie : pubs.acs.org/doi/pdf/10.102…
J'ai capturé dans l'une de leur publication l'origine du terme chlorophylle: Chloros = couleur , Phyllon = feuille en grec. Notez la modestie des auteurs, sans déconner c'est beau. L'article est disponible gratuitement ici : archive.org/stream/journal…
Alors où trouve-t-on cette fameuse chlorophylle ? Chaque cellule végétale contient des compartiments (organites) spécialisés permettant d'exploiter la lumière: les chloroplastes. Ici vus en vert, dans des cellules de Plagiomnium (une mousse).
Dans ce chloroplaste, on retrouve de nombreuses autres structures, dont des membranes cellulaires internes : les thylakoïdes (thylakos=sac; oides= semblable), qui servent littéralement de sacs à chlorophylle et qui s'empilent en une structure que l'on appelle le granum.
Le liquide dans lequel baignent les thylakoïdes s'appelle le "stroma", et l'espace à l'intérieur des thylakoïdes est désigné par le terme "lumen". Il y a donc un "dedans" et un "dehors" pour les thylakoïdes, et cette séparation est capitale.
Pour anecdote, la présence de chloroplastes résulte de l'absorption d'une cyanobactérie par une cellule, processus que l'on appelle l'endosymbiose. Un peu comme si la cellule avait joué à Pacman avec une bactérie qu'elle n'aurait pas digéré, s'appropriant ses superpouvoirs.
Ainsi, ces cellules devinrent capables de photosynthèse. Cette "théorie endosymbiotique" nous permet aussi d'expliquer l'apparition des mitochondries qui elles aussi ont des membranes internes, et nous permettent d'effectuer la respiration cellulaire.
Mais revenons-en à notre chlorophylle, que vous retrouvez donc dans les thylakoïdes des chloroplastes. La molécule est composée d'un cycle, comprenant un ion magnésium en son sein, et d'une chaîne hydrophobe qui lui permet de s'ancrer dans la membrane du thylakoïde.
Il existe plusieurs types de chlorophylles, qui présentent des variations dans les groupements chimiques qui décorent le cycle. Les plus courantes dans les plantes vertes sont la chlorophylle a et la chlorophylle b.
Ces molécules ont la propriété d'absorber la lumière à certaines longueurs d'ondes. Notamment la lumière bleue et la lumière rouge, mais pas la lumière verte... d'où le fait que nous percevions les plantes vertes comme étant... vertes.
Ce que nous voyons n'est donc que la fraction de lumière que la plante n'utilise pas pour un processus capital : la photosynthèse. Si les plantes absorbaient toute la lumière visible, nous les verrions noires... et la forêt deviendrait sûrement vachement plus glauque.
Mais ce qui fait tout l'intérêt de la chlorophylle, c'est sa capacité à être excitée par la lumière. Dans les thylakoïdes, elle s'accumule dans des sortes d'antennes réceptrices pour photons, que l'on appelle des photosystèmes (PS).
Il y a deux photosystèmes chez les plantes. PSI et PSII. Ce sont des complexes ancrés dans la membrane du thylakoïde, comprenant à la fois les pigments photosynthétiques et des enzymes responsables de nombreuses réactions chimiques. Voici leur structure :
Même si nous sommes sur twitter, je vais essayer de vous expliquer comment ces machines moléculaires permettent de convertir la lumière du soleil en énergie chez les plantes. Parce que non, ce n'est pas si compliqué que ça ! Bienvenue dans la photosynthèse.
Tout commence lors d'une phase dite "lumineuse". Des photons (les particules de lumière) vont exciter la chlorophylle du PSII, qui va libérer un électron permettant la dissociation de molécules d'eau en ions H+ et en oxygène, dans un complexe d'oxydoréduction de l'eau.
Les électrons libérés lors de cette réaction chimique vont commencer un long voyage le long de la membrane du thylakoïde. Ils excitent successivement d'autres chlorophylles du PSII, qui vont les transmettre à des molécules que l'on appelle des plastoquinones.
Les plastoquinones vont transporter les électrons jusqu'à un autre complexe, le complexe cytochrome b6f, qui grâce à une réaction d'oxydoréduction va permettre la libération d'ions H+ dans le lumen du thylakoïde. La structure de ce complexe a aussi été élucidée.
Depuis ce complexe cytochrome b6f, les électrons sont ensuite pris en charge par une plastocyanine, une petite protéine contenant du cuivre qui va transporter les électrons jusqu'au deuxième photosystème, le PSI.
Les électrons vont être récupérés par un ultime transporteur, la ferredoxine. L'énergie lumineuse captée dans le deuxième photosystème (PSI) va stimuler l'activité d'une enzyme, la ferredoxine-NADP réductase (FNR) qui consomme des ions H+ côté stroma, pour produire du NADPH.
Le NADPH, c'est un donneur d'électrons dans toutes sortes de réactions chimiques dans vos cellules. Un carburant moléculaire quoi.
Mais ça ne s'arrête pas là. A ce stade la cellule a accumulé beaucoup d'ions H+ dans le lumen, et appauvri le stroma. Ceci forme un gradient chimique qui veut revenir à l'équilibre, et la membrane du thylakoïde agit un peu comme un barrage hydroélectrique.
En passant au travers d'une turbine moléculaire (l'ATP synthase), le flux d'ions H+ va permettre à la cellule de générer de l'ATP à parti d'ADP. Une autre molécule qui va servir de carburant pour les réactions biochimiques partout dans la cellule.
Grâce à la lumière, et une chaîne de transport d'électrons particulièrement efficace, résumée dans ce schéma, la cellule est à présent gonflée à bloc d'énergie, sous la forme de molécules (NADPH et ATP) qui vont servir de co-facteur pour les réactions chimiques à venir.
C'est là que démarre la deuxième phase de la photosynthèse... la phase "obscure", qui comme son nom l'indique ne dépend plus de la lumière.
Au cours de cette phase, la cellule va utiliser l'ATP et le NADPH pour permettre à certaines enzymes d'utiliser le CO2 atmosphérique et de l'incorporer à des molécules précurseurs pour fabriquer des sucres, au cours du fameux Cycle de Calvin.
La Rubisco (ribulose-1,5-bisphosphate carboxylase/oxygénase), l'enzyme qui permet de convertir le CO2 en sucres, représente entre 30 et 50% des protéines solubles chez les plantes, ce qui en fait la protéine la plus abondante du monde !
Mais concrètement, si elle est si abondante, c'est pour compenser son manque d'efficacité. Alors qu'une enzyme classique peut catalyser des milliers de réactions par seconde, elle ne peut traiter que trois molécules de CO2 par seconde... comme quoi, tout a des limites.
Pour résumer, c'est donc grâce à la chlorophylle que le chloroplaste peut produire des sucres et de l'oxygène à partir d'eau, de CO2 et de lumière. Soit l'inverse de la respiration cellulaire. Voilà donc toute la vérité derrière ces équations génériques que vous connaissez tous.
La chlorophylle n'est pas le seul pigment photosynthétique chez les plantes vertes. On y trouve aussi les caroténoides (rouge-orange) et les xanthophylles (jaune), qui absorbent la lumière bleu-vert.
En automne, chez les arbres qui perdent leurs feuilles (à feuillage caduc), la chlorophylle est dégradée car la photosynthèse s'arrête pendant la saison froide. Les feuilles prennent un aspect coloré jaune/orange/rouge, car ce sont ces autres pigments qui restent.
Si tout cela a l'air abstrait, sachez que vous pouvez, par vous même, purifier et séparer ces pigments à la maison ! Tel un Pelletier et Caventou de la première heure, il vous suffit de suivre les instructions de @SciTania dans sa dernière vidéo :
@SciTania Amis plantophiles, je vous invite à tenter l'expérience et à partager vos belles chromatographies sur twitter avec le #PtitesManips.
Pour plus d'infos sur la photosynthèse, @SciTania vous l'explique aussi ici :
@SciTania Pour finir, j'espère que l'herbe et la chlorophylle ont à présent moins de secret pour vous, et je vous souhaite une bien bonne soirée avec cette image de chlorophylle éclairée aux ultra-violets... oui, la chlorophylle émet de la fluorescence rouge !
#TheEnd
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