Deux heures plus tard, la nuit est tombée sur le restaurant et vous êtes à deux doigts de sombrer dans la folie.
À force de manipuler burgers poisseux et frites graisseuses, vous avez l'impression d'avoir pris trois kilos en une soirée. Deux semaines que vous tenez à ce rythme, et chaque jour l'épreuve est plus difficile que la veille.
Malheureusement, il n'est pas encore l'heure de partir. Vous faites partie du dernier service, et c'est à vous qu'incombe la tâche de fermer l'établissement ce soir.
Vos derniers collègues sont partis il y a une demi-heure : seul reste Edwin, le chef d'équipe, qui ne cesse de vous reprocher de porter les cheveux longs et des tee-shirts excentriques. Edwin est très à cheval sur l'esprit d'entreprise, et tient à ce que rien ne dépasse.
S'il avait dû prendre la décision, vous n'auriez tout simplement pas été embauché. Mais les agences d'intérim envoient juste ceux qui acceptent de faire le job, point final. Et Edwin devra vous supporter encore quelques semaines avant que les cours reprennent.
Tandis que le chef d'équipe tant redouté termine de ranger son bureau, derrière la cuisine, vous servez les derniers clients. À cette heure tardive (onze heures sonneront bientôt), les affamés noctambules se font rares.
Les deux adolescents de tout à l'heure sommeillent autour d'une petite table. Un chauffeur de bus mâchonne son sandwich, les yeux grands ouverts, sans cligner des paupières.
Une vieille dame, probablement à moitié clocharde, découpe consciencieusement ses ailes de poulet avant de les porter à sa bouche en tremblotant. Une autre nuit formidable au fastfood, pensez-vous, nostalgique des soirées entre amis les soirs de week-end.
Une tape dans le dos. Edwin, visiblement épuisé, vous regarde d'un œil morne.
— Ça t'ennuie si je te laisse fermer seul ? demande le chef d'équipe. Je me sens patraque.
— Ça t'ennuie si je te laisse fermer seul ? demande le chef d'équipe. Je me sens patraque.
— Pas de souci, vieux ! répondez-vous en souriant alors que c'est votre corps entier qui hurle au sommeil et que votre esprit est à deux doigts de basculer du côté sombre de la santé mentale. Rentre te reposer, je peux faire ça tout seul…
Mais qu'est-ce qui vous a pris ? Vous n'êtes pas bien ? Fermer seul, cela veut dire virer les derniers alcooliques qui traînent dans le restaurant, jouer à l'assistante sociale, compter sa caisse et faire la mise au coffre… tout seul ?
— Merci beaucoup, je te revaudrai ça, dit Edwin, visiblement au bout du rouleau.
Enfilant sa veste, le chef d'équipe passe de l'autre côté du comptoir et vous sourit. Il s'agit sans doute de la première fois que ce type manifeste une quelconque sympathie à votre égard, ce qui en soi vous fait un peu moins regretter de devoir rester encore deux bonnes heures.
— Oh, j'allais oublier. Bob n'a pas eu le temps de nettoyer le frigo C. Est-ce que tu pourras y jeter un œil ? Il faut que ce soit propre pour demain matin. Nous fermons dans une demi-heure, tu auras le temps…
Mince… Vous êtes bon pour quitter les lieux dans trois bonnes heures, si tout va bien. Vous vous êtes fait avoir, cœur pur que vous êtes, et en beauté… Bref. Il ne sert à rien de ressasser votre échec stratégique.
Comme Edwin l'a dit, le restaurant ferme dans une demi-heure, mais plus personne ne viendra commander à cette heure tardive. Autant vous mettre au nettoyage tout de suite, pendant que les derniers clients terminent leur repas.
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