Thread by @Peterson_Henrik

La pédagogie de Don Bosco, tu connais?
Non? Dommage, ça fonctionne sacrément bien et c'est étonnamment moderne. Ça fonctionne particulièrement avec les enfants difficiles, cabossés par la vie!
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Mais qui est ce Giovanni Bosco, dit "Don Bosco"?
C'est un prêtre catholique au XIXe siècle, à Turin, qui, face au nombre croissant de jeunes désoeuvrés et abandonnés à eux même dans la ville, sans autre perspective que la délinquance, fonde une oeuvre éducative.

Le but, dès 1840, accueillir ces enfants, leur redonner un cadre "familiale", puis leur prodiguer une éducation ou un apprentissage et une éducation spirituelle afin d'en faire "de bons chrétiens et d'honnêtes citoyens". Dans le Valdocco, le quartier le plus perave de la ville.

"Et m... encore un truc de curés !" Te dis tu certainement toi qui enseigne à l'école sans Dieu.
Mais le pédagogie salésienne, si elle est explicitement fondé sur la Foi, peut parfaitement se vivre dans le respect de la laïcité. J'y reviendrai dans le thread.

L'oeuvre de Don Bosco attire les animosités (du pouvoir politique qui aime pas trop les curés, mais aussi du clergé qui craint que Don Bosco soit une sorte de fou révolutionnaire et ambitieux) mais aussi les soutiens et elle se révèle être une succès.

Tant et si bien que, aujourd'hui on compte des centaines d'établissements scolaires Salésiens à travers le monde, dont une 50aine en France. Don Bosco a été canonisé, et nommé "père et maître de la jeunesse" par St Jean Paul II. Rien que ça.

Ce succès est fondé sur une pédagogie, sobrement intitulée : "Système préventif".
Et c'est de l'or en barre.
Genre, vraiment.

Le truc c'est que vous aurez du mal à trouver des gros traités de pédagogie écrit par Don Bosco. Le mec était plus dans l'agir que dans le tripatouillage de neurones et les grandes phrases. Il a formulé son système deux fois: dans une petite conférence donnée à Nice...

Et dans une lettre écrit au ministre Francesco Crispi. Cette version est d'ailleurs expurgée de références trop explicite au culte catholique histoire d'être lisible pour un gouvernement marqué par son anticléricalisme (on est juste après le risorgimento).

"Mais, bon sang de zbi, vas tu enfin lâcher ta pastille et nous expliquer ce que c'est que ce fichu système préventif ?!"
J'y viens, mais en préalable dites vous que c'est un système au sens "systémique" du terme et pas au sens "systématique".
Et maintenant...

Constat: il existe deux systèmes d'éducation (attention, pas d'instruction): le répressif et le préventif.
Le répressif consiste à édicter des règles, puis traquer les fautes et manquements et taper fort et publiquement sur les contrevenants .

À l'époque de Don Bosco, la plupart des écoles, des collèges, maison de correction et autres fonctionnent sur ce système. C'est un système dans lequel le maître, le directeur, pour ménager son autorité apparaît rarement mais toujours décisivement pour punir sévèrement.

Don Bosco prône, lui, le système préventif : un système dans lequel l'éducateur, très présent avec les jeunes, va essayer de leur éviter de se livrer à l'erreur, que ce soit contre la loi, contre le règlement, contre la morale, la vie en société. Etc.

L'éducateur n'est pas un flic qui sanctionne et punit, mais une personne qui vit avec les élèves et leurs évitent de se planter autant que faire se peut.

Soyons honnêtes : aujourd'hui nous ne donnons plus le fouet aux élèves mais le respect des règles s'imposent bien souvent par la crainte que suscite l'exemple de tel ou tel qui s'est pris une heure de colle pour telle ou telle infraction.

Tel ou tel devient alors, dans l'établissement, l'incarnation de la faute qu'il a commis. Il est emprisonné dans sa connerie. Parfois, la répétition de la sanction et de la punition (pourtant justifiée et juste!) Provoque même ressentiment et besoin de vengeance.

Avec ce genre de sentiment l'élève devient peu à peu hermétique à toute remarque et donc il devient impossible de l'éduquer.

Dans le système préventif, les conneries étant évitées au maximum, la sanction et la punition sont limitées elles aussi. Elle sont, de plus, données loin des regards et évitent de susciter ressentiment et haine.

Si l'idéal c'est l'objectif zéro sanction, zéro punition (une sanction peut être positive ou négative), il faut admettre qu'elle sont parfois nécessaires. Plusieurs règles pour une sanction salésienne s'impose alors. J'y reviendrai.

Quel objectifs concrets donner aux élèves pour qu'ils rentrent dans le projet éducatif Salésien ? Trois:
Joie, étude, piété.

Joie: "Un Saint triste est un triste Saint". Être en joie c'est être en paix avec soi même et avec les autres, éprouver du plaisir à ses activités quotidiennes (même les plus rébarbatives), qu'on vit dans la vérité et qu'on se sent aimé.

Étude : l'enfant peut trouver la joie par l'étude, il développe son savoir vivre et de belles vertues (opiniâtreté, persévérance, inventivité, solidarité, intelligence...) Et ses études lui seront utiles pour sa vie future en plus de ce qu'elles lui apporte déjà !

Piété : bien sûr il a la Foi dans le Christ, mais la piété c'est un attachement mêlée de tendresse et de respect. Partant de là on peut avoir de la piété pour ses parents, pour ses éducateurs, pour ses camarades, son pays... cette piété aide à vivre en société...

Elle développe la compétence de l'enfant à se tourner vers les autres (vers l'Autre...) et non pas seulement vers son égo. Cette piété inspire le sens du devoir et de la communauté, et le sens de Dieu évidemment. C'est ce qui lie les membres de la communauté.

Pour les éducateurs, le système préventif s'articule autour de trois piliers qui se complètent et sont indissociables dans la pensée de Don Bosco. Si l'on privilégie l'un par rapport à l'autre on va vers une perversion du système éducatif.

Ces trois piliers sont: Raison, Religion, Affection.
A part le premier mot, tous le reste va à l'encontre de ce que l'on dit dans les milieux éducatifs.

Cela m'a toujours choqué ces profs qui répètent et veulent faire répéter comme un mantra ou un exorcisme anti-pedo: "On est pas là pour aimer les élèves". La même chose existe pour choses de la Foi, même en établissement catho.

Je veux bien qu'il faille être le levain dans la pâte et qu'on peut annoncer l'Évangile autrement qu'en faisant une procession de plusieurs kilomètres et en aspergeant tout le monde d'eau bénite...

Mais il y a quand même une différence entre être le levain dans la pâte et être tellement dans la pastorale de l'enfouissement qu'on se situe à peu près à la profondeur habituelle des déchets nucléaires.

Bref.
Raison : l'éducateur doit toujours pouvoir justifier ses choix si les élèves lui demande car l'enfant peu comprendre où se situe son intérêt si on lui explique.

Religion: la pédagogie de Don Bosco tire son origine de la Charité Chrétienne. Chaque enfant est fils de Dieu et mérite donc attention et soin, chacun est l'un de ces petits dont on doit prendre soin, chacun porte l'Esprit de Dieu et mérite qu'on cultive ses Dons.

Affection: les enfants ont de l'affection pour leurs enseignants et éducateurs si ceux ci le méritent, les éducateurs passent du temps avec les jeunes, les éduquent, sont déçus de leurs échecs et fiers de leurs réussites... Si c'est pas de l'affection, je sais pas ce que c'est.

Cette affection est utile dans la relation éducative. L'ignorer c'est prendre le risque de décevoir l'élève et de perdre sa confiance: "sans affection, pas de confiance; sans confiance, pas d'éducation."

Évidemment il s'agit d'une affection raisonnable (Amorevolezza), à bonne distance de l'enfant, sans favoritisme, et éclairé par la Religion ("Aimez vous les uns les autres").

Quelles sont les conséquences de ces principes éducatifs ?

L'éducateur est présent avec ses élèves : non seulement dans le cours, mais en dehors. La cours de récréation, les sorties scolaires, sont des moment privilégiés pour passer du temps voire même jouer (!) avec les élèves !!!

L'éducateur est cohérent : il respecte tout du projet pédagogique et s'empêcher de pervertir celui-ci, de même qu'il fait considérablement attention à la conformité de ce qui se vit dans la maison par tous: l'éducateur n'hésite pas à remettre un collègue dans le droit chemin...

Par une juste remarque dans le privé. Pour les cas graves il s'en ouvre au supérieur qui doit exercer une vigilance attentive et évitez tous les moyens qui pourraient permettre une faute éducative. Par exemple on ne permet pas aux enseignant de recevoir les élèves seuls.

On laisse aux élèves la liberté de jouer, de rire, de sauter de faire tout ce que la joie leur inspire dans la mesure où c'est bon pour eux. La conviction de Don Bosco c'est qu'un élève qui exprime sa joie fait reculer les malheurs de sa vie, y compris la violence.

On pratique assidûment les sacrements: particulièrement la confession et l'eucharistie.
Dans nos établissement, on permet aux élèves de discuter de leurs erreurs et incartades afin de comprendre et ressentir une certaine peine (sans outrances) et on privilégie des moments de...

... joie en communauté d'élèves afin d'ouvrir le goût de la collectivité et la joie d'être tous unis dans la même direction. (Idées de X. Thévenot)

On fait attention à ne pas faire rentrer dans les établissements des choses qui troublent les élèves : "Le choix d'un bon concierge est un trésor pour une maison d'éducation."

On pratique le mot du soir: un bref retour du directeur sur la journée avec un mot affectueux de remerciement, d'encouragement, une leçon morale...
On glisse parfois, quand c'est nécessaire, un mot à l'oreille d'un élève pour l'encourager/le corriger... Etc.

Voilà, c'est la fin de mon thread. Je peux en faire un autre pour les perdir sur le "management Salésien dans une maison d'éducation".
Et je ne résiste pas à vous poster une autre photo de ma DonBoscomania.
Merci d'avoir lu!