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J'étais de la partie, moi aussi, et il est temps que je vous offre un #thread sur ce site #nucléaire hors du commun. On va parler du lieu en lui-même, son contexte, et de la visite dont nous avons bénéficié.
Pour le cadre, déjà : l'usine de la Hague, se situe… Dans la Hague, c’est-à-dire l'extrémité nord-ouest du Cotentin, département de la Manche, 15 km de Cherbourg et de @EDFFlamanville. Un gros bloc industriel de 220 Ha, 180 m d'altitude, et des cheminées de 100 m.
Il s'agit d'une usine de retraitement du combustible usé, comme il en existe une poignée dans le monde (Rokkasho au Japon, Sellafield - à l'arrêt - en Grande-Bretagne, et Mayak - plus militaire que civile - en Russie). Mais ce n'est PAS un site de stockage de déchets.
En revanche, juste à côté, il y a le centre de stockage de la Manche de l'ANDRA, qui stocke en surface environ 500 000 m3 de déchets de faible et moyenne activité à vie courte sur 10 hectares, soit presque un tiers de tous les déchets radioactifs actuellement en France.
Le site est actuellement fermé et en surveillance : il a été rempli entre 1969 (fin des immersions en mer) et 1994. Depuis, il est relayé par le CSA dans l'Aube. Un de ces jours j'irai m'inviter au @Andra_Manche , et je vous ferai un thread dédié, mais revenons à l'usine 😉
C'est une usine de retraitement du combustible nucléaire usé. En deux mots, le combustible des réacteurs EDF est initialement sous la forme de « crayons » (des tiges en métal de 4m de long par 1 cm de diamètre) remplis de dioxyde d'uranium enrichi.
Après quelques années en réacteur, les gaines en métal sont dégradées, et surtout, la matière à l'intérieur s'est diversifiée : on a toujours un bon 94-95% d'uranium très peu enrichi, environ 1% de plutonium, et le reste de « produits de fission ».
On les appellera U, Pu et PF dans la suite, pour faire court. Les PF représentent une très grande diversité d'éléments, un bon tiers du tableau périodique s'y balade. Sous forme gazeuse ou solide, ils sont généralement très radioactifs, à demi-vies généralement plutôt courtes.
La fonction de l'usine, c'est de séparer tout ça. Découper et dissoudre les crayons pour avoir d'un côté le plutonium que l'on enverra dans une autre usine pour le recycler ; d'un autre côté l'uranium qu'on envoie en entreposage pour recyclage dans le futur.
Et puis, enfin, les déchets : les gaines des crayons et autres structures métalliques, qu'on va compacter et conditionner et qui formeront des déchets de Moyenne Activité à Vie Longue destinés à Cigéo…
…et puis les PF (et autres résidus) qu'on va vitrifier, conditionner également, pour faire des déchets de Haute Activité, également destinés à Cigéo.
À la marge, comme dans toute industrie nucléaire, vont être produits des déchets de faible ou très faible activité gérés par l'ANDRA dans ses centres de stockage en surface.
Un peu d'historique de l'usine, à présent : les fondements du retraitement se trouvent dans les intérêts militaires. Les premières extractions de plutonium, à l'usine UP1 de Marcoule (Gard), n'avaient pas pour but de recycler ce plutonium dans des réacteurs, m'voyez.
Après quelques années, il a été décidé de construire une jumelle à cette usine, l'usine UP2, dans la Hague, démarrée en 1967. À l'époque, tout ça, c'était le CEA, et c'est du combustible de réacteur « uranium naturel - graphite - gaz » que l'on retraitait.
Dans les années 80, l'usine UP2 a été adaptée pour aussi traiter du combustible de réacteur à eau, qui font le parc actuel. À des fins civiles, cette fois. Puis, la France a cherché à vendre son savoir-faire à l'étranger.
Et c'est ainsi que le Japon finança l'usine UP3, toujours à la Hague, dédiée au retraitement de combustible de réacteur à eau étrangers. Elle était en capacité de traiter 800 tonnes de combustible par an, contre la moitié pour UP2.
Exploitée non plus par le CEA, mais par la Cogema : la COmpagnie Générale des MAtières nucléaires. Et en parallèle, la Cogema construisait pour la France, au même endroit, une jumelle à l'usine UP3.
L'usine UP2 fut renommée UP2-400 (pour 400 tonnes, sa capacité annuelle), et la jumelle d'UP3 fut baptisée UP2-800. Quant à UP2-400, elle s'arrêta progressivement à la fin des années 90, début 2000... Peu avant que la Cogema ne devienne AREVA.
Et voilà où nous en sommes aujourd'hui : deux usines d'une capacité de 800 tonnes/an chacune, aujourd'hui affectées surtout au parc français bien que subsistent quelques clients étrangers. Et l'exploitant est désormais non plus AREVA mais Orano.
Vous connaissez toutes les grandes lignes concernant ces usines, maintenant, je vais rentrer dans les quelques points de détails, au fil de la visite que nous avons faite.
Celle-ci a commencé par l'atelier de déchargement à sec du combustible. Le combustible usé, très chauffant, très irradiant, voyage par train jusqu'à Valognes, à quelques km, puis en camion jusqu'à l'usine (ou camion direct depuis Flamanville).
Pour préserver l'intégrité du combustible et donc les populations, ils voyagent dans ce qu'on appelle des « chateaux » : des conteneurs blindés prévus pour résister à la plupart des agressions envisageables sur le trajet, et évacuer la chaleur produite.
Et c'est clairement nécessaire, le combustible atteignant un bon 300-400 °C pendant le transport. En gros, chaque emballage de 100 tonnes embarque environ 10 tonnes de combustible - une douzaine « d'assemblages ».
Oh, et ce surdimensionnement, outre la protection physique, sert aussi à l'atténuation des raisonnements, ce qui est quand même pas mal : d'une dose mortelle en quelques secondes au contact du combustible, on tombe à maximum 1 mSv/h au contact du conteneur.
(Soit quelques dix-millièmes de la dose mortelle en une heure, même si ça reste assez élevé pour souhaiter tenir le public à une certaine distance).
Dans cet atelier de déchargement, outre tous les contrôles de radioactivité, de contamination, etc… qui s'imposent, les emballages sont accostés en étanche à une « cellule blindée » munie de nombreux hublots, d'un pont, de bras téléopérés…
À noter qu'il existe un autre atelier de déchargement, sous eau celui-ci. Avantage : plus polyvalent, compatible avec différents format de combustible. Inconvénient : faible cadence.
Le combustible y est extrait, contrôlé (état, étanchéité, taux de combustion), refroidi dans un puits dédié, puis transféré en eau dans un « panier » muni de 3x3 ou 4x4 rangements, avant que le panier ne soit lui-même déplacé… Dans les piscines.
Piscines dont on parlera dans une suite à ce thread, demain ! 👋
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