Thread by @dav_cayla

Il n'y aurait donc "qu'un seul accord possible" pour organiser le #Brexit d'après la Commission.

Cet accord a pourtant été rejeté TROIS FOIS par le Parlement britannique. Il est donc logiquement qualifié "d'inacceptable" par Boris Johnson.

[#Thread]
lemonde.fr/international/…

Il faudrait commencer par employer des mots juste. On ne peut plus parler "d'accord".

Pour qu'il y ait "accord", il faudrait que les deux parties soient d'accord. Or, les britanniques ne le sont pas. On peut déplorer la position britannique mais pas nier les faits.

Comment en est-on arrivé là?

Theresa May a fait face à une délégation européenne intraitable. En septembre, au sommet de Salzbourg, le plan de Chequers fut rejeté sans ménagement et les britanniques en sortirent humiliés theguardian.com/politics/2018/…).

La France fut l'un des pays les plus intransigeant. Emmanuel Macron n'hésitant pas à traiter les partisans du Brexit de "menteurs".

La presse britannique fut choquée par la manière dont on traita sa délégation et cela laissa clairement des traces.

en.rfi.fr/europe/2018092…).

Le 28 septembre, je publiais une tribune pour expliquer les dangers de cette stratégie et mon incompréhension face à la diplomatie française qui semblait complètement oublier ses intérêts au profit d'une logique de punition de la partie britannique

lefigaro.fr/vox/economie/2…)

En novembre, nouveau sommet européen autour d'un nouveau plan de sortie imposé aux négociateurs britanniques dans une logique de "c'est ça ou rien". Un plan qui tord largement les "lignes rouges" défendues par Theresa May lors de son discours d'investiture.

Le "filet de sécurité" ou (backstop) prévu pour éviter le retour d'une frontière intra-irlandaise prévoit que si aucun meilleur accord n'est trouvé, l'Irlande du nord devra rester dans le marché unique et respecter la jurisprudence de la Cour de justice de l'UE (CJUE).

De plus, pour éviter une frontière entre l'Irlande du nord et le reste du Royaume-Uni, ce dernier devra maintenir une union douanière avec l'UE pour la circulation des biens. Enfin, le Royaume-Uni s'engageait à maintenir ses normes et règlements au niveau actuel.

En somme, l'accord de sortie interdisait de fait aux britanniques de retrouver leur pleine souveraineté en matière commerciale et introduisait une dualité juridique entre l'Irlande du nord (soumise à la CJUE) et le reste du pays.

Voilà pourquoi cet accord était (et reste) inacceptable pour les parlementaires britanniques.

Voilà ce qui a conduit à la démission de May et à l'élection de Boris Johnson, un brexiteur dur, prêt au "no deal", c'est-à-dire à quitter l'Union européenne sans accord.

Je l'ai dit de nombreuses fois: un no deal ne ferait que des perdants. Et la France, qui dégage un excédent commercial avec le Royaume-Uni serait l'un des principaux perdant à ce jeu. Le "no deal" aurait d'importantes conséquences pour nos agriculteurs et notre industrie.

De plus, les britanniques s'étaient engagés à payer une facture de départ de 44 milliards d'euros. Un no deal pourrait priver l'UE de cette somme.

Bien sûr, les britanniques perdront aussi à un "no deal". Mais ils retrouveront des marges de manœuvre pour absorber ce choc. Leur économie est relativement robuste (plus que celle de l'Allemagne en quasi récession). Ils pourront en outre compter sur le soutien américain.

Bref, dans une telle situation, entendre les autorités européennes continuer de chanter: "il n'y pas d'autre accord possible" sur tous les tons en espérant que ça fera craquer les britanniques démontre à quel point ils sont irresponsables et totalement déconnectés de la réalité.

Dans un monde raisonnable, on admettrait qu'il n'y a pas d'accord et on essaierait de trouver un compromis réaliste en mixant le plan de Chequers et le plan de l'UE.

Hélas, la raison a largement abandonné le camp européen depuis pas mal de temps déjà. Je ne m'en réjouis pas.