On continue notre série d’articles sur la Peste. Aujourd’hui, épisode 18 : « Des bras pour Venise ». L’épidémie entraîne partout une pénurie de main d’oeuvre : il faut alors trouver des travailleurs dans l'urgence... Un thread (autour d'un article de @CathKikuchi) ⬇️ ! #histoire 
La Peste de 1348 tue environ 25% de la population de Venise. Très vite, les autorités urbaines se saisissent du problème : « comme notre cité est dépeuplée à cause de la mortalité, il faut par tous les moyens chercher à maintenir nos défenses et notre rang »
Voilà à quoi sert la population selon le Sénat de Venise : elle assure la défense de la ville et sa prospérité économique, dans un contexte de forte émulation et de concurrence entre les différents Etats italiens et européens… Comment faire alors pour pallier la mortalité ?
Les sénateurs vénitiens décident d’accorder des privilèges exorbitants à ceux qui souhaiteraient venir s’installer à Venise et à ceux qui y sont déjà. Par exemple, intégrer une corporation de métiers devient gratuit !
Les sénateurs vont plus loin et décident que quiconque habite Venise pendant au moins deux ans, d’où qu’il vienne, obtiendra le statut de citoyen... alors que normalement il faut vivre à Venise pendant 15, voire 25 ans pour devenir citoyen !
C’est une décision très forte : la citoyenneté est un statut d’élite, réservé normalement à une frange riche de marchands et d’artisans. Il s’agit donc d’ouvrir les portes de la communauté civique pour encourager les gens à venir et à rester
Au début des années 1350, la situation est sans doute assez sombre dans la Sérénissime. Les autorités vénitiennes continuer de faire miroiter des privilèges commerciaux à qui veut venir s’installer à Venise.
Par exemple, un étranger « qui vient pour habiter à Venise avec sa famille » peut obtenir le droit de commercer sur les mers avec les navires de la ville, ce qui peut générer des profits importants. Tout est bon pour attirer des individus utiles à la vie économique de Venise !
Les années passent et la situation se stabilise. Peu à peu, le Sénat vénitien revient à une position plus prudente pour restreindre la concurrence entraînée par cet afflux de main-d’œuvre et de citoyens : il abroge alors certaines décisions prises dans le feu de l’action
Petit à petit, les obligations refont surface : beaucoup semblent avoir profité des ouvertures de droits pour en bénéficier mais sans venir véritablement s’installer à Venise et payer leurs taxes à la Sérénissime... Dès 1355, la méfiance est de retour.
Et les Vénitiens font finalement comme nos dirigeants quand une situation complexe arrive et qu’ils ne savent pas trop quoi faire : ils créent une commission : « que soient élus cinq sages qui examineront la situation et donneront leur conseil... »
Venise n’est pas isolée : dans de nombreuses villes, les autorités incitent à l’immigration pendant l’épidémie, puis abrogent progressivement les privilèges. On sent bien que c’est l’urgence qui détermine les décisions de 1348-1355
Et finalement aujourd’hui on est face à des préoccupations assez proches : l’agriculture manque de bras et le ministre appelle à aider les producteurs. Le préfet de Seine-et-Marne fait carrément appel à des réfugiés - ce qui est d'une indécence rare... 🙄
liberation.fr/checknews/2020…
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Comme les patriciens vénitiens, le gouvernement français fait donc dans l'urgence, quitte ensuite, sûrement, à revenir en arrière... La suite au prochain épisode !
