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mathieu gallard @mathieugallard
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🇺🇸🗳️ Un thread sur un des aspects les plus passionnants des élections de mi-mandat aux #EtatsUnis : pourquoi le parti du Président subit-il toujours un échec ? #Midterms2018
🇺🇸 Plantons le décor : 40 #midterms se sont déroulées depuis 1862, période lors de laquelle le duopole entre républicains et démocrates se met en place. Le parti du Président a perdu des sièges à la Chambre des Représentants lors de 37 de ces 40 scrutins - 93% des cas.
🇺🇸 Il n’y a donc que trois exceptions à cette implacable mécanique électorale : 1934, 1998 et 2002. Lors de ces scrutins, le parti du Président a gagné des sièges à la Chambre. J’essaierai de revenir dessus.
🇺🇸 Ce recul du parti du Président lors des #midterms est donc une quasi-certitude, et la popularité présidentielle n’y change rien : des Présidents aussi populaires que Eisenhower en 1958 (57% v/@GallupNews), Kennedy en '62 (61%) ou Reagan en '86 (63%) ont aussi subi une défaite.
🇺🇸 Depuis 1914 et la stabilisation du nombre d’élus à la Chambre à 435 Représentants, le parti du Président perd en moyenne de 30 sièges lors des #midterms. Mais l’ampleur des « pertes présidentielles » (©) varie toutefois grandement d’un scrutin à l’autre.
🇺🇸 Le parti du Président connaît parfois des défaites catastrophiques aux #midterms : depuis 1912, les « pertes présidentielles » ont dépassé les 50 sièges à sept reprises, avec un maximum de 77 sièges perdus en 1922 (et même de 127 en 1894 si on va plus loin dans le passé).
🇺🇸 Au contraire, le recul du parti du Président est parfois très limité (en dehors des trois exceptions que j’ai déjà mentionné où il progressait). Depuis 1912, les « pertes présidentielles » ont été inférieures à 10 sièges à quatre reprises, avec un minimum de -4 sièges en 1962.
🇺🇸 Néanmoins, l'ampleur de ces « pertes présidentielles » semble en diminution : lors des #midterms qui se sont tenues entre 1912 et 1952, elles étaient en moyenne de 41 sièges ; entre 1974 et 2014, cette moyenne était passée à 23 sièges perdus par le parti du Président.
🇺🇸 Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette diminution de l’ampleur de la défaite du parti du Président à mi-mandat : la diminution du nombre de districts compétitifs à la Chambre du fait du découpage électoral partisan, l’augmentation de « l’effet sortant »,… 1/2
🇺🇸 ... et plus largement la polarisation croissante de l’électorat, qui conduit de plus en plus d’électeurs à ne pas envisager un instant de voter pour l’autre parti, ce qui réduit mécaniquement les chances de bascule des sièges à la Chambre. 2/2 👇
🇺🇸 Jusqu’ici, je n’ai évoqué que les élections à la Chambre des Représentants car il s’agit du seul scrutin à être intégralement renouvelé tous les deux ans, et donc lors des #midterms. Mais ce phénomène des « pertes présidentielles » touche tous les types de scrutin.
🇺🇸 Les élections pour les postes de Sénateurs, de Gouverneurs et pour les Législatures d’État sont aussi très souvent marquées par une nette défaite du parti du Président quand elles se déroulent à mi-mandat.
🇺🇸 Cette quasi systématicité des "pertes présidentielles" est très impressionnante et on ne la retrouve dans aucun autre pays lors des élections intermédiaires : en France, il y a de nombreux cas d’élections intermédiaires favorables au parti au pouvoir sous la Vème République.
🇺🇸 Reste maintenant à comprendre la raison de ce recul quasi systématique du parti du Président aux élections de mi-mandat - c'était la promesse initiale après tout ! Ça va venir, mais un peu plus tard !
🇺🇸 Il y a deux types d’explication au recul du parti du Président lors des midterms :

➡️Celles qui expliquent ce recul par le climat politique à mi-mandat ;

➡️Et celles qui expliquent ce recul par le résultat de l'élection présidentielle précédente - on va commencer par là.
La première théorie, c'est ce dialogue entre un boss démocrate de NYC et un jeune candidat en 1936:

"-Tu as déjà vu un ferry arrivant à quai ?
-Oui.
-Quand le ferry arrive, tu as vu qu'il charrie des débris ?
-Oui.
-Cesse de t’inquiéter. Roosevelt est le ferry, tu es un débris."
🇺🇸 En gros, lors d’une élection présidentielle, les candidats au Congrès du parti du gagnant bénéficient d’un effet d’entraînement lié à sa victoire qui apporte un bonus de voix parfois décisif. Deux ans plus tard, lors des midterms, ce bonus disparaît et certains sont battus.
🇺🇸 Mais il faut attendre un article du chercheur Angus Campbell en 1960 pour qu’une théorie satisfaisante de l'effet d’entraînement du candidat à la présidentielle sur son parti et de son reflux à mi-mandat soit élaborée : c’est le ‘Surge & Decline’. jstor.org/stable/2746724…
🇺🇸 Campbell montre qu'une campagne présidentielle est marquée par une forte médiatisation et un enjeu jugé capital par les Américains, ce qui conduit à une participation élevée. Même une partie des Américains qui s'intéresse d'ordinaire peu à la politique se rend aux urnes.
🇺🇸 Ces électeurs peu politisés n’ont pas d’attache idéologique ou affective forte pour un parti et sont donc plus enclins à faire leur choix en fonction du contexte de la campagne : enjeux les plus importants, situation économique et internationale, personnalité des candidats...
🇺🇸 Ces électeurs peu politisés votent donc pour le candidat à la présidentielle qui est favorisé par le contexte dans lequel se déroule le scrutin. Or, du fait de l’importance de ce bloc d’électeurs peu politisés, ce candidat l’emporte presque systématiquement.
🇺🇸 Le même jour, l'électorat peu politisé vote pour les candidats du même parti au Congrès, lesquels connaissent donc un "bonus" électoral qui permet à une partie d’entre eux d’être élus alors qu’ils auraient perdu sans bénéficier de l’effet d’entraînement de la présidentielle.
🇺🇸 Ça, c’était le ‘Surge’ de la théorie du ‘Surge & Decline’. On voit bien qu’il se vérifie dans les faits : plus un candidat à la présidentielle est largement élu, plus son parti tend à rencontrer un large succès au scrutin organisé le même jour à la Chambre.
🇺🇸 On passe donc maintenant au ‘Decline’. Deux ans après, surviennent les midterms. La campagne est plus molle, les médias s’y intéressent moins, l’enjeu est perçu comme moins décisif. Du coup, la participation recule, car les électeurs peu politisés ne se rendent pas aux urnes.
🇺🇸 Les candidats du parti du Président au Congrès perdent donc l’électorat qui leur avait permis d’enregistrer un « bonus » électoral deux ans auparavant, bonus qui avait parfois fait leur élection.
🇺🇸 Effectivement, plus le candidat à la présidentielle l'emporte largement, plus les candidats de son parti en subissent les conséquences deux ans après. En graphique, la relation entre ces deux variables pour les démocrates.
🇺🇸 Bref, #Campbell montre bien que le résultat des #midterms est directement lié aux résultats de l'élection présidentielle précédente. Toute la séquence de sa théorie du 'Surge & Decline" est dans le schéma ci-dessous ('forces à court-terme' = contexte de la campagne).
🇺🇸 On passe maintenant au deuxième cadre explicatif des résultats des midterms, celui qui voit tout simplement dans les pertes systématiques du parti du Président une conséquence du climat politique à mi-mandat.
🇺🇸 Ce cadre théorique des midterms a été mis en avant par le constitutionnaliste James Bryce dans ‘The American Commonwealth’ dès 1888 : "cela permet aux citoyens d’exprimer, deux ans après [son élection], leur satisfaction ou leur mécontentement envers l’action du Président".
🇺🇸 Mais cette explication est longtemps restée éclipsée par le 'Surge & Decline', et il faut un article de @EdwardTufte en 1975 pour que la vision des #midterms comme un référendum sur l'action du Président soit à nouveau mise en avant. jstor.org/stable/1958391…
🇺🇸 Dans cet article, @EdwardTufte, qui cherche avant tout à modéliser le résultat en voix et en siège des #midterms, découvre qu'on peut les prédire en se basant sur la popularité du Président et sur la situation économique.
🇺🇸 Mais pour faire plus simple que l'équation du tweet précédent, @EdwardTufte montre donc que plus un Président est impopulaire avant les midterms, plus son parti perd des voix par rapport au scrutin précédent. Le graphique confirme cette observation depuis 1946.
🇺🇸 Et même si la transition entre les voix et les sièges est loin d'être forcément proportionnelle, on peut aussi observer une relation assez claire entre la popularité du président à mi-mandat et l'évolution des résultats de son parti en sièges aux midterms.
🇺🇸 Comme on me le fait remarquer fort à propos, il n'est pas très étonnant qu'on trouve un lien entre la popularité du Président et les résultats de son parti. Ce qui interroge, c'est quand même des Présidents très populaires voient leur parti reculer (cf. ceux entourés en vert).
🇺🇸 En 1977, Samuel Kernell trouve une explication dans les avancées récentes de la psychologie sociale qui montrent que les individus satisfaits sont souvent plus apathiques que les individus mécontents, généralement prompts à se faire entendre. jstor.org/stable/1956953…
🇺🇸 Il devient alors tout à fait logique que des Présidents très populaires au moment des midterms voient leur parti reculer, car les électeurs satisfaits du président se rendent structurellement moins aux urnes que les électeurs mécontents.
🇺🇸 Un dernier apport en lien avec cette vision des midterms comme un référendum, c'est l'approche de Samuel Kernell (toujours) et Gary Jacobson sur le rôle des dirigeants politiques dans cette dynamique électorale. cambridge.org/core/journals/…
🇺🇸 Ils montrent que les élus et les candidats savent très bien que le parti du Président tend à perdre les midterms. Une campagne représentant un énorme investissement en temps, en énergie et en argent, ils prennent ce facteur en compte dans leur décision d'être candidat ou non.
🇺🇸 Conséquence, les espoirs du parti du Président tendant à passer leur tour lors des midterms en attendant des jours meilleurs, alors que ceux du parti d'opposition se précipitent. Le comportement de ces "strategic politicians" tend donc à accentuer les "pertes présidentielles".
🇺🇸 Voilà, c'est terminé pour aujourd'hui. Demain, on verra comment James Campbell, qu'on a déjà rencontré dans le thread ci-dessous, est parvenu à réconcilier les deux grandes théories explicatives des résultats des midterms.
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