Thread by @FranceArctique

[THREAD] #VendrediLecture

Fin Août, la #Russie a confirmé la découverte de 5 nouveaux îlots en #Arctique grâce à la fonte des glaces.

Cette semaine, beaucoup de médias se sont emportés, parlant d'"extension de territoire"… Un coup de comm' qui sert les intérêts de Moscou 👇👇

Comme nous l'avons vu dans @arretsurimages fin septembre, en Europe comme aux US, la couverture médiatique des enjeux arctiques reste encore limitée à du spectaculaire, du folklorique ou de l'insolite. Il faut faire rêver, surprendre ou indigner.

▶️ arretsurimages.net/emissions/arre…

En l'espèce, la Russie est un bon client : il est relativement facile de jouer sur les peurs de l'"Ours", en particulier lorsqu'on parle des enjeux territoriaux. Présenter la Russie comme la seule puissance "expansionniste" en Arctique marche à tous les coups : 2001, 2015, 2019…

Quand le Danemark (2014) et le Canada (2019), émettent la volonté d'étendre leurs droits souverain au plateau continental dans l'Océan Arctique central pour englober le Pôle Nord, pas de réaction des médias. Par contre, pour la Russie (2001, 2015, 2019) : ça fait le buzz...

Résultat : les velléités expansionnistes de ces 3 pays se chevauchent, mais seule la Russie semble faire peur au point de déclencher des vagues d'articles et de reprises. Est-ce dû à une communication plus agressive de la part de Moscou que de ses voisins et concurrents ?

La réponse est OUI.

Là où Ottawa et Copenhague adoptent une approche juridiquement offensive mais politiquement non-agressive, l'administration fédérale russe fait feu de tout bois. La moindre petite île, la moindre expédition hydrographique... tout est prétexte à affirmation.

Et cela se comprend : pour les décideurs russes d'aujourd'hui, le changement climatique et la fonte des glaces ne sont pas juste "une aubaine". Aller en Arctique, c'est une nécessité pour préserver la stabilité de sa structure de son économie et de son régime, basés sur la rente.

Jouissant d'une rente évidente de par ses immenses ressources, Moscou cherche désormais, grâce à la fonte des glaces, à développer une deuxième rente : une rente de situation.

Autrement dit, elle cherche à devenir une passerelle entre l'espace Atlantique et l'espace Pacifique

Pour ce faire, elle doit:

1) Faire vivre l'idée que cette passerelle eurasiatique arctique est une véritable possibilité (et non une chimère)

2) Inciter à ce que les routes maritimes arctiques soient rapidement utilisées

3) Montrer qu'elle est la puissance régionale dominante

Ainsi, elle multiplie les coups de communication... et sait pouvoir compter sur la presse occidentale pour donner une caisse de résonance importante aux "exploits" russes en Arctique : expéditions, nouveaux territoires, nouvelles bases militaires, etc.

Mais aujourd'hui, elle va plus loin : pendant que tout le monde s'attarde sur ces 5 îlots territorialement insignifiants, 2 mois après la confirmation de leur découverte, l'information de la semaine est ailleurs...

Pour inciter les navires à utiliser l'Arctique (russe) plutôt que le Canal de Suez, la Russie se dit désormais prête à payer les surcoûts de navigation pour les armateurs... ET à créer une société d'État de navettes porte-conteneurs brise-glaces. Un genre de "Arctic Express".

Cette société d'État armerait des navettes brise-glaces dédiées à l'acheminement de conteneurs pour le compte d'armateurs étrangers, depuis Mourmansk (ouest) jusqu'à Kamchatka-Petropavlovsk (extrême-orient) et vice-versa.

En offrant un tel service, Moscou cherche à répondre aux armateurs tels que MSC et CMA-CGM qui disent s'engager à ne pas passer par le Nord (pour leurs navires porte-conteneurs). La Russie espère ainsi attirer les investisseurs étrangers qui hésitent encore.

Ce projet est piloté par le vice-Ministre du Développement Arctique, Alexander Krutikov, 32 ans. Selon lui, il suffirait que la société d'État en question offre ses services "durant 10 ans" pour prouver aux marchés que passer par l'Arctique est une solution faisable et durable.

Cette idée n'est pas saugrenue. En réalité, une fois encore, Moscou joue ici intelligemment sa carte Arctique car ce qui limite le développement de la route Arctique maritime russe est justement le maillon manquant entre Mourmansk et K-Petropavlovsk.

En somme, pendant que Trump s'intéresse au Groenland et que nous nous attardons sur 5 petits îlots symboliques, Moscou avance vite en proposant une nouvelle architecture de marché intégrant aspects commerciaux et stratégiques qui répond aux dernières hésitations des investisseurs

La bataille (commerciale) pour les routes maritimes arctiques ne fait que commencer. Donc, ne nous laissons pas distraire par des "découvertes" qui, au-delà de permettre à la Russie (ou à d'autres) de renforcer leur discours maximaliste, nous détournent des vrais enjeux 😉

FIN