, 60 tweets, 11 min read Read on Twitter
LA GESTION DE CRISE IMMEDIATE
Immédiatement après l'accident, les pompiers des casernes les plus proches se sont rendus à la centrale électrique pour éteindre les incendies. Ils n'ont pas été informés du danger radiologique et sont partis avec l'équipement habituel.
Le réacteur numéro trois, à côté du réacteur quatre, s'est arrêté par précaution. Par la suite, le toit du réacteur 3 fut également endommagé par un incendie. Les réacteurs 1 et 2 ont continué de fonctionner normalement.
Après avoir circonscrit les principaux incendies, le gouvernement de l'URSS a créé un comité pour gérer l'accident. Ils ont été envoyés à Pripyat, à 3 km de l'usine avec la seule information qu'il y avait eu un accident avec des dangers de classe I, II, III et IV.
Cette classification des dangers ne s'applique aussi bien à un danger incendiaire, un danger explosif, un danger chimique ou radiologique. Des experts ont survolé la centrale près d'un jour après l'accident, constatant une couleur rouge incandescente sur le réacteur détruit.
La première chose à faire consistait à déterminer si le réacteur détruit continuait de fonctionner, c'est-à-dire si la réaction en chaîne nucléaire était toujours présente, malgré les dégâts que l'installation avait subits.
Pour cela, ils ont cherché à détecter des neutrons, mais les mesures ne révélaient pas de données concluantes, car la radioactivité ambiante engendrait des incertitudes de mesure trop élevée.
Enfin, des échantillons des gaz expulsés par le réacteur ont été prélevés pour confirmer l'absence de certains produits de fission à demi-vie très courte, ce qui indiquait qu'il n'y avait plus de réaction en chaîne.
Une fois que tous les incendies extérieurs furent éteints, il s'est avéré que certains pompiers attendaient dans la salle des turbines recevant du coup une dose de rayonnement supplémentaire … sans raison apparente. Cette décision a été fortement critiquée par la suite.
Mais leur présence sur place était très importante : si un nouvel incendie éclatait dans la salle des turbines et touchait l'aternateur, celui-ci pouvait exploser car il contenait toujours de l'hydrogène.
L'ensemble des pompiers qui sont intervenus ont été exposés à de très fortes doses d'irradiation et 31 d'entre eux sont décédés.
Dans la nuit du 26 avril, toutes les tentatives pour éteindre l'incendie dans le réacteur furent inutiles : L'eau s'infiltrait dans les couloirs adjacents des bâtiments ou provoquait des émissions radioactives plus importantes en raison de l'évaporation.
Éteindre un tel feu n'a pas été facile : le réacteur possède à l'intérieur 1700 à 2500 tonnes de graphite (selon les sources), qui brûle uniformément à 1500°C et à raison d'une tonne par heure, pouvant donc brûler plusieurs mois.
La combustion du modérateur en graphite a soulevé un problème particulier. On ne possédait alors guère d'expérience au plan national ou international en matière de lutte contre les feux de graphite (#Windscale).
D'où la crainte réelle que toute tentative en vue d'éteindre ce feu n'entraîne une nouvelle dispersion de radionucléides, éventuellement du fait de la production de vapeur, ou puisse même provoquer une excursion de criticité dans le combustible nucléaire.
Il a été décidé de recouvrir le feu de graphite à l'aide de grandes quantités de matériaux divers, chacun était destiné à lutter contre une caractéristique différente de l'incendie et du rejet de substances radioactives.
Les premières mesures prises pour maîtriser le feu et les rejets de radionucléides ont consisté à déverser des composés neutrophages et des matériaux de lutte contre l'incendie dans le cratère résultant de la destruction du réacteur.
La première idée a été d'utiliser du fer stocké dans la centrale pour le faire fondre dans le réacteur, mais malheureusement il avait été fortement contaminé par le nuage radioactif qui a survolé une bonne partie des installations juste après l'accident.
Un autre problème avec le fer est qu'on ne savait pas exactement si la température du réacteur serait assez élevée pour le faire fondre et absorber la chaleur du feu. Ce matériaux sera écarté.
Les prochaines propositions seront le plomb et la dolomite, tous deux ayant un point de fusion très bas. Ces matériaux avaient l'avantage qu'une fois solidifiés, ils créaient une protection contre le rayonnement.
Mais, il y avait la possibilité que la température du cœur soit au-dessus de 1500°C, et comme le plomb bout de 1600-1700°C, il pourrait bouillir et produire encore plus de rejets gazeux toxiques en plus de la pollution radioactive.
À l'aide de caméras thermographiques, ils ont tenté de connaître la température du réacteur afin de prendre une décision, mais elles utilisaient des semi-conducteurs, le rayonnement a rendu les lectures floues.
Il a fallu prendre le problème autrement, des échantillons d'air autour du réacteur ont été prélevés, et en connaissant le rapport entre le CO2 et le CO, la température du réacteur pouvait être approximativement connue.
Avec toutes ces données, le constat était que la plupart des parties du réacteur étaient en dessous de 300°C, avec quelques points atteignant 2000°C. C'est ainsi qu'a été prise la décision de déverser 2400 tonnes de plomb …
La quantité totale de matériaux déversés sur le réacteur s'élevait à près de 5 000 t, dont environ 40 t de composés de bore, 2 400 t de plomb, 1 800 t de sable et d'argile et 600 t de dolomite, ainsi que du phosphate de sodium et des liquides contenant un polymère (Bu93).
Du carbure de bore a été déversé en grande quantité par hélicoptère afin de jouer le rôle d'absorbeur de neutrons et d'empêcher toute nouvelle réaction en chaîne + de la dolomite qui devait servir de source froide et de source de dioxyde de carbone pour étouffer l'incendie.
Le plomb a également été déversé en tant qu'absorbeur de rayonnements, ainsi que du sable et de l'argile qui, espérait-on, empêcheraient la libération de particules.
On a largué environ 150 t de matériaux le 27 avril, puis 300 t le 28 avril, 750 t le 29 avril, 1 500 t le 30 avril, 1 900 t le 1er mai et 400 t le 2 mai. Les hélicoptères ont réalisé environ 1800 rotations pour larguer les matériaux sur le réacteur.
Au cours des premières rotations, l'hélicoptère restait en vol stationnaire au-dessus du réacteur pendant le largage. Les débits de dose reçus par les pilotes d'hélicoptère au cours de cette opération étant trop élevés.
Avec là aussi son lot de malheurs car un de ces hélicoptères s'est crashé au dessus de l'installation …
Il a été décidé que les matériaux seraient largués pendant le passage des appareils au-dessus du réacteur. Cette façon de procéder a aggravé la destruction des structures verticales et dispersé la contamination.
De plus, on a découvert par la suite que bon nombre de ces composés n'avaient en fait pas été largués sur la cible, ils peuvent avoir joué le rôle d'isolants thermiques
et avoir accéléré une augmentation de la température du cœur endommagé qui a conduit à une nouvelle libération de radionucléides une semaine plus tard …
Dans la nuit du 26 au 27 avril, ils se sont demandés de ce qu'il fallait faire avec la population de Pripyat, même si les niveaux de radiation n'étaient pas encore trop élevés, il était clair que la situation ne s'améliorerait pas à court terme.
A 23h00, 21 heures et demie après l'accident, il a été décidé que l'évacuation du Pripyat serait prise à 14h00 dès le lendemain, 36 heures et demie après l'accident.
La ville de Pripyat n'a pas été gravement contaminée par le rejet initial de radionucléides, mais, une fois l'incendie de graphite déclenché, il est rapidement devenu évident que la contamination rendrait la ville inhabitable.
En seulement 2 heures et demie, la ville était complètement déserte, à l'exception du personnel essentiel pour les opérations à venir. On estime que les 50000 personnes évacuées n'ont pas absorbé une dose très élevée et que leurs objets personnels ne seraient pas trop contaminés.
On peut reprocher énormément de choses aux soviétiques, mais 2h30 pour une telle évacuation est une réelle prouesse … mais on en reparlera car c'est peut être la seule bone chose dans toute cette catastrophe ...
La commission de l'URSS chargée de gérer l'accident est restée à Pripyat 2 jours de plus, pour ensuite être transférée dans la ville de #Tchernobyl, à 20 km de la centrale.
Le 2 mai, il a été décidé d'évacuer non seulement Pripyat, mais aussi toute population dans un rayon de 30 km de la centrale.
Le problème suivant est qu'on pensait que l'explosion du réacteur, l'incendie et la chute de matériaux à haute altitude avaient affaibli la structure du bâtiment, alors qu'il y avait une piscine d'extinction en dessous, soit beaucoup d'eau avec du corium juste au dessus ...
Si une partie du combustible fondu pénétrait dans cette piscine, une vaporisation rapide de l'eau provoquerait une nouvelle explosion de vapeur, aggravant la situation et polluant encore plus la zone.
Le 9 mai, le feu de graphite avait été éteint et l'on a entrepris de mettre en place, sous le réacteur, une dalle massive en béton armé avec un système de refroidissement incorporé.
Il a fallu creuser un tunnel à partir du soubassement de la tranche 3. De l'ordre de 400 personnes ont travaillé sur ce tunnel, qui a été achevé en 15 jours.
Ce qui a permis d'installer la dalle en béton. Cette dalle devait non seulement être utilisée pour refroidir le cœur le cas échéant avec de l'azote, mais aussi servir de barrière à la contamination des eaux souterraines par des matières radioactives fondues.
A Kiev, des mesures de sécurité et d'équipement ont été prises au cas où le Dniepr serait contaminé, en veillant à ce que d'autres sources d'eau soient disponibles pour satisfaire la demande de la population. Finalement, cet équipement n'a jamais été utilisé.
Les émissions radioactives de Tchernobyl tueraient la forêt voisine, qui s'appellera plus tard la "Forêt Rouge", car les radiations briseront les molécules de chlorophylle, nécessaires aux plantes pour faire la photosynthèse.
Plus tard, cette forêt serait coupée et enfouie, pour ensuite encercler toute la zone avec des clôtures.
En août, septembre et octobre, la ville de Pripyat a été décontaminée, et même si cela ne signifiait pas que ses habitants pouvaient revenir, cela avait l'avantage qu'on pouvait passer à côté de la ville sans recevoir une dose de rayonnement importante.
Il a également été question de l'exploitation des réacteurs restants, y compris la construction des réacteurs 5 et 6. Les discussions sur ces questions ont été reportées.
L'incendie du réacteur éteint et la population évacuée, les travaux préliminaires ont commencé pour recouvrir le réacteur endommagé d'une structure en acier et en béton, afin d'éviter de nouvelles émissions de pollution radioactive.
Le sarcophage a commencé en août et devait se terminer en octobre, juste après la reprise des opérations des unités 1 et 2. Le toit du réacteur 3 a été recouvert, car il avait subi des dommages irréparables avec l'incendie.
Les réacteurs 5 et 6 reprendrontt leurs travaux de construction en septembre, pour s'arrêter définitivement un an plus tard, en raison des travaux de décontamination nécessaires et de la radioactivité ambiante.
Tout le sarcophage serait terminé en novembre, 7 mois après l'accident.
L’objectif était d’assurer une certaine forme de confinement du combustible nucléaire endommagé et des équipements détruits, ainsi que de réduire la probabilité de nouveaux rejets de radioactivité dans l’environnement.
Cependant, cette structure n’a pas été conçue comme une enceinte de confinement permanente, mais plutôt comme une barrière provisoire dans l’attente de la définition d’une solution plus radicale.
Cette solution sera "L'arche de Tchernobyl" mise en place en novembre 2016 … mais on en reparlera.
📖 REFERENCES
World Nuclear world-nuclear.org/information-li…
Valery Legasov’s recordings: drive.google.com/file/d/1okxn-_…
📖 REFERENCES
AEN - OCDE - Chernobyl: Evaluation des incidences radiologiques et sanitaires (2002) : oecd-nea.org/rp/pubs/2003/3…
Missing some Tweet in this thread?
You can try to force a refresh.

Like this thread? Get email updates or save it to PDF!

Subscribe to buchebuche56
Profile picture

Get real-time email alerts when new unrolls are available from this author!

This content may be removed anytime!

Twitter may remove this content at anytime, convert it as a PDF, save and print for later use!

Try unrolling a thread yourself!

how to unroll video

1) Follow Thread Reader App on Twitter so you can easily mention us!

2) Go to a Twitter thread (series of Tweets by the same owner) and mention us with a keyword "unroll" @threadreaderapp unroll

You can practice here first or read more on our help page!

Follow Us on Twitter!

Did Thread Reader help you today?

Support us! We are indie developers!


This site is made by just three indie developers on a laptop doing marketing, support and development! Read more about the story.

Become a Premium Member ($3.00/month or $30.00/year) and get exclusive features!

Become Premium

Too expensive? Make a small donation by buying us coffee ($5) or help with server cost ($10)

Donate via Paypal Become our Patreon

Thank you for your support!